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Billet de blog 21 août 2016

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Les bonnes connexions pour un avenir meilleur

Il en est tant de médiocres, de celles qui crétinisent et asservissent, qui déversent en permanence dans nos cerveaux déjà conditionnés, ce poison lent qui nous mène à l'esclavage consenti. Développées d'ailleurs dans ce but, elles sont à portée d'une télécommande, le bouquet proposé nous laissant simplement le choix du type de sclérose mentale le plus compatible avec nos désirs primitifs.

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Illustration 1

Vous l'avez tous constaté, la plupart des pannes qui surviennent sur vos appareils électroménagers, informatiques ou autres sont dues à une mauvaise qualité de la connectique : un interrupteur qui grésille, un commutateur oxydé qui oublie de commuter, un connecteur multiple qui défaille sous le nombre de fils… Quand votre lave-linge tombe en panne, si vous êtes un peu naïf vous vous dites que c'est la faute à pas de chance, mais en fait le concepteur a subtilement choisi une connectique pile-poil assez pourrie pour que votre belle machine expire juste après la fin de la garantie. Et c'est tout bénéfice pour le constructeur qui gratte au passage quelques centimes et qui voit renouveler ses ventes à un rythme accéléré. Tout ça pour dire qu'une haute qualité de connexion est indispensable à la survie de vos équipements mais aussi plus généralement à la qualité de votre vie en société. Il en est tant de médiocres, de celles qui crétinisent et asservissent, qui déversent en permanence dans nos cerveaux déjà conditionnés, ce poison lent qui nous mène à l'esclavage consenti. Développées d'ailleurs dans ce but, elles sont à portée d'une télécommande, le bouquet proposé nous laissant simplement le choix du type de sclérose mentale le plus compatible avec nos désirs primitifs. Alors amis, soyons bien connectés, il y va de notre survie individuelle et collective. 

Cette réflexion a soudainement germé lorsqu'il fut temps de renouveler une ancienne brosse à dent électrique qui ne vibrait plus que par intermittence : Une pub annonçait fièrement : Brossez-vous intelligent, adoptez la brosse à dent connectée ! diable je me suis dit, ça c'est une belle invention. Il est vrai que les quelques 10 minutes perdues quotidiennement à cette indispensable mesure d’hygiène pourraient être mises à profit pour échanger avec autrui, et le téléphone enchâssé dans le manche est en ce sens une avancée technologique majeure pour améliorer le dialogue citoyen. Mais après consultation du net, j'ai compris que point de téléphone, le dialogue ne se fait qu'avec soi-même via son smartphone. Les petits jeux solitaires peuvent encore plaire mais malgré tout ma déception fut grande de constater une occasion manquée de parfaire dans la population une communication qui se délite. Et puis, par curiosité et pour ne pas paraître trop fossilisé, j'ai cherché quels objets connectés pourraient me mettre dans le vent de la modernité et j'en ai trouvé beaucoup, de la chaussure de sport qui mettrait de l'intelligence dans mes godasses (à défaut d'en avoir ailleurs) à la fourchette qui fait maigrir en passant par la montre connectée qui donne l'heure, les lunettes qui me feraient voir la réalité augmentée (?) et tout plein d'autres qui, branchés sur mon corps feraient de moi un homme augmenté comme disent les publicités (pour la femme, ça doit le faire aussi). Je me suis dit ça tombe bien parce-que n'étant déjà pas très grand, avec l'age je me ratatine un peu et si ces engins augmentent vraiment tout, ça peut devenir plaisant.

Illustration 2

Et puis, grâce à tous ces accessoires connectés qui prendront soin de ma santé et de mon confort, je n'aurai plus besoin de grand monde pour vivre heureux. Si l'un d'eux pouvait aussi penser à ma place, ce serait le rêve de Prométhée enfin réalisé.

Et puis, dans un doute refondateur je me suis demandé si j'avais vraiment envie d'être un homme moderne. Bien sûr en étant ainsi augmenté je n'en serais que plus admirable et c'est agréable d'être admiré, enfin j'imagine mais d'un autre coté, si ce bonheur autarcique éloigne de moi tous les flagorneurs potentiels, où est le bénéfice ? Alors par un réflexe de sauvegarde de ma propre intégrité personnelle qui m'est quand même très chère, avant d'être dépossédé de moi-même par toutes ces petites bêtes, avant que mon activité neuronale soit prise en charge par un bidule connecté, j'ai compris pile-poil juste à temps que Ô paradoxe toute cette batterie de connexions personnelles risquait fort de me déconnecter des autres humains : plus guère de dialogue, plus d'engueulades, plus de franche rigolade, plus de coup de cœur ou de cafard, émotions et sentiments étant régulés par une puce intégrée qui assurerait une longévité maximale à la grosse bête sous contrôle. Où se trouve donc le paradis ?

Bien sûr tout ceci est un peu exagéré, il n'empêche, les connexions vraiment dignes d'intérêt sont celles qui relient les humains entre eux, pour le meilleur pourrait-on penser, mais malgré les possibilités infinies que nous offre maintenant la technologie, nous constatons non pas le pire mais en fait de dialogue apaisé, d'entente, de partage et de convivialité, ce n'est quand même pas une grande réussite. Alors où est le problème ? Les dépanneurs du monde, et ils sont plus nombreux que les surpuissants fossoyeurs jouisseurs impénitents, ont repéré quelques mauvaises connexions qui seraient responsables du malaise ambiant. Soyons synthétique et provocateur : tout d'abord les purement virtuelles qui relient vers des dieux hypothétiques ceux qui se rassemblent en communautés qui elles-même divisent le monde par guerres et profits pour une obscure suprématie spirituelle responsable de tant de génocides. Et puis les connexions bien réelles et super-rapides qui drainent sans fuite vers les banques, multinationales et les seuls particuliers déjà hyper-riches, une partie très importante de la richesse planétaire, toute cette tuyauterie agencée dans ce seul but et non contrôlée par ceux là même qui sont en principe mandatés pour une vigilante régulation : les « responsables » politiques dont la collusion avec les milieux financiers est patente, impuissants volontaires à juguler une fraude fiscale dont leur caste profite largement.

Quel que soit le cheminement de la pensée pour tenter d'analyser les causes de ce qu'il faut bien nommer un déclin de civilisation, on en arrive toujours à ce mot clé : politique, qui regroupe les pouvoirs en charge d'administrer la cité. Au profit de qui ? Vous avez le choix des réponses, mais une chose est sûre en ce bas monde qui souffre et qui doute : pour que le partage se fasse à peu près équitablement, il est nécessaire que le vulgum pecus refuse d'être le servum d'une caste politicienne qui mène son troupeau au gré de ses intérêts, «Les politiqueurs» comme les appelle Vingtras. Alors, moutonnes et moutons qui nous laissons tondre, devenons bélières et béliers combatifs pour bouter hors de leurs palais tous ces politignomes ignares, médiocres et indécents. Mais pour former cette armée, il faudrait se rassembler, laisser de coté les chicanas, les bisbilles de cour d'école, aller à l'essentiel et pour cela une consigne simple : connectons nous les uns les autres femmes et hommes de bonne volonté, définissons le minimum commun des conditions du bien vivre tous ensemble, les richesses sont là et sans violence exigeons qu'elles soient équitablement distribuées. Un vœux pieux déjà mille fois proposé, je le sais bien mais c'est la seule voie actuellement praticable, la loi du nombre contre la loi des ombres d'une idéologie libérale prédatrice, fut-elle drapée actuellement du pudique épithète socialiste. 

Dans sa constitution, notre chère République a prévu des lois instituant le dialogue entre la population et les décideurs de ce qui est bon pour elle. Ça s'appelle la démocratie. Cette connexion n'est pas nouvelle puisque dès la Révolution de 1789, sont institués les cahiers de doléance.

Illustration 3

Le peuple, masse inerte abrutie par la féodalité et la lourdeur des impôts était supposé incapable de prendre une part sérieuse à l'administration du pays, c'est du moins ce qu'espérait la royauté de l'époque. L'actuelle n'est-elle pas dans le même état d'esprit ? Ne peut-on voir une troublante similitude entre les doléances de la noblesse qui s'empressa de publier ses propres cahiers (sans parler du clergé) et les exigences actuelles du medef ? Bref je m'égare, revenons à nos connexions modernes censées redonner au peuple le droit de choisir son destin. Il a été bien défini depuis 1958, ce protocole de consultation des électeurs, véritable rite supposé donner de la valeur au mot démocratie. Mais le dialogue espéré, en se limitant dans le temps à quelques grand-messes et aux promesses destinées à ne pas être honorées n'est guère symétrique : « celui qui propose, c'est moi et je dispose du droit de ne pas en tenir compte » nous dit le candidat. Les concepteurs des lois constitutionnelles ont imaginé entre hommes politiques et citoyens des connexions suffisamment déséquilibrées et espacées pour les rendre inopérantes, rendant la machine démocratique en panne quasi permanente. C'est fort dommageable pour les citoyens et la République car le linge très sale qui s'accumule au cours des mandats risque fort, très prochainement de gripper complètement la machine.

Illustration 4

Entre ces instants de faux dialogue, coincés dans leurs bulles politiciennes, nos représentants et décideurs nous disent : no connection available. Une partie du peuple mécontent commence à se dire trivialement : il faut quand même pas déconnecter, on n'est pas des veaux ! Alors pour que nous devenions des citoyens à plein temps, pour que le mot démocratie ne soit pas vain, nous devrions exiger que le système du mandat libre qui permet toutes ces dérives cède la place au mandat impératif qui oblige, redonnant vie à une démocratie qui ne peut être sauvée qu'à la condition d'une connexion libre et permanente entre décideur et assujettis. 

En ces chaudes nuits d'étoiles filantes, il est de tradition de faire un vœu qui, en ces temps de désespérance sociale pourrait être supplique ou prière : pour nous aider à sauver ce qui peut l'être encore, Jean-Luc, Pierre, Benoît, Cécile, Arnaud, tout  frondeur un peu sincère, et vous aussi, anonymes de tous bords qui rejetez ce neocapitalisme mortifère, s'il vous plait CONNECTEZ VOUS !

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