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Billet de blog 28 août 2024

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V comme… vieillir

Il faut tenter de vivre au mieux notre vieillesse et accepter avec bienveillance ce sentiment de quitter lentement l'âge mûr pour un futur inconnu qui peut être plaisant mais avec la conscience d'une conclusion inéluctable. Un sermon qu'il n'est pourtant pas si facile de tenir.

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Un demi siècle auparavant et déjà dans l'age mûr, il m'aurait plu d'écrire un billet sur les bienfaits d'être jeune. Aujourd'hui les réflexions sur la vieillesse me semblent plus pertinentes parce que nous y seront tous confrontés, de plus en plus nombreux en proportion de la population et quel que soit notre destin personnel, glorieux ou misérable nous seront convoqués… et dans la dernière ligne, droite ou tortueuse, acceptée ou désespérément affrontée, la conscience d'une inexorable et définitive disparition.

Il existe pourtant quelques échapatoires :

- Si vous êtes très riche et candidat à l'immortalité, vous pouvez tenter la cryogénisation, procédé un chouia risqué parce que la réversibilité est loin d'être garantie.

- Pour gratter une douzaine d'années de vie ou même accéder à l'éternité, vous pouvez aussi adopter le pacte de Faust. Encore vous faudra-t-il trouver le Méphistophélès qui acceptera d'acheter votre âme … si elle en vaut le prix.

- Barbara suggère une solution plus romantique :

« À mourir pour mourir, je choisis l'âge tendre J'aime mieux m'en aller du temps que je suis belle Qu'on ne me voit jamais fanée sous ma dentelle »

Mais hélas la mort frappe aussi quand elle veut, où elle veut, sans autorisation et à tous ages. Pauvreté, guerres, famines, maladies et même religions sont les grandes pourvoyeuses des cimetières et des charniers … autant de vies arrachées à l'humanité qui auraient produit des crapules ou des génies.

Les causes du vieillissement

En toute logique,le début de la vieillesse ne peut se déterminer que si on définit un age limite à la vie. Dans les pays les mieux lotis la longévité atteint une limite naturelle, qui est celle de la génétique et qui caractérise notre espèce. Elle est de 120 ans selon les dernières études. Les scientifiques nous expliquent : Le vieillissement de notre organisme est liés à deux phénomènes complémentaires : l’élimination des « vieilles » cellules par des mécanismes de sénescence cellulaire et le renouvellement constant des cellules de nos tissus par la prolifération de cellules souches. Et pour le retarder, il est important de s'imposer une restriction calorique mais en revanche les crèmes anti-age n'ont d'effet que sur le moral.

Mais … «La sagesse n'est point la méditation de la mort, mais de la vie. » Baruch Spinoza

Alors, il faut tenter de vivre au mieux notre vieillesse et accepter avec bienveillance ce sentiment de quitter lentement l'âge mûr pour un futur inconnu qui sera peut-être plaisant mais avec la conscience d'une conclusion inéluctable. Un sermon qu'il n'est pourtant pas si facile de tenir tant il est entravé par moult facteurs physiologiques, sociaux et psychologiques.

"Je me retourne encore, et d’un regard d’envie Je contemple ces biens dont je n’ai pas joui !" (Lamartine)

Vieillir

     c'est d'abord reconnaître que le corps se transforme et faire le constat de l'altération des ses capacités physiques ? Les sportifs y sont sans doute plus sensibles que les sédentaires, le plafond de leurs performances qui s'abaisse est un indicateur qu'il serait sage d'ignorer (le mien se rapproche du plancher).

Et puis bien sûr, c'est aussi l'apparence physique qui rend moins séduisant ; qui ne l'a jamais déploré quand le cœur chavire encore à l'apparition d'un visage de madone ? :

« Alors, aux soirs de lassitude Tout en peuplant sa solitude Des fantômes du souvenir On pleure les lèvres absentes
De toutes ces belles passantes Que l'on n'a pas su retenir. »
Les passantes (Brassens)

« Le temps aux plus belles choses Se plaît à faire un affront Et saura faner vos roses Comme il a ridé mon front. » disait Corneille à la belle comédienne Marquise qui l'avait éconduit.

« Vous êtes bien belle et je suis bien laid. A vous la splendeur de rayons baignée ; A moi la poussière, à moi l'araignée. » La chanson de Maglia. (Victor hugo)

« Peut-être l’avenir me gardait-il encore Un retour de bonheur dont l’espoir est perdu » (Lamartine)

Vieillir

   c'est aussi la lente perte du cognitif. Si vous rangez vos pantouffles dans le congélateur, c'est simplement dû à la migration de quelques neurones dans des contrées non-dédiées à cette tâche. Les anglais vous diront que vous avez une chauve-souris dans le beffroi. Il suffit de chasser l'animal ou de colmater le campanile … et tout repart !.

Vieillir

     c'est hélas aussi subir et la société ne fait pas de cadeaux à ces improductifs qui coûtent un pognon de dingue et qui sont de plus en plus nombreux. La solitude est le ressenti le plus flagrant et les causes en sont multiples :

La perte de ses proches que l'on perçoit comme des mutilations (Naufrages), l'absence de ces dialogues qui faisaient le charme des vies familiales et qui finissent par confiner au mutisme.

Le sentiment d'être désocialisé par un processus générationnel naturel et aussi une fracture numérique qui plonge la personne agée dans un désarroi de gallinacée devant une machine censée améliorer la communication administrative.

Le partage que l'on souhaiterait prolonger avec des plus jeunes qui peu à peu vous reléguent dans les entre-soi des seniors et des carrément vieux.

Mais vieillir ne signifie pas perdre ses facultés émotionnelles, c'est souvent l'inverse car le temps libre laisse au temps le loisir d'apprécier les beautés du monde qui affectent les sens : la nature, la musique, la littérature, les belles personnes par l'esprit … et parfois être touché par la grâce d'un visage, d'un regard ou même d'un sourire qui vous confirme que vous êtes encore un être humain digne d'attention.

Quand la vieillesse s'installe vraiment, quand le réel s'évapore et que l'esprit libéré du présent ramène à la surface des bribes d'un passé qui enchante, alors s'éclaire d'un faible sourire un visage parcheminé. Et puis, dans un moment où flotte un peu la conscience, on prononce le nom d'un être cher perdu depuis longtemps et qui réapparaît pour quelques secondes d'un bonheur éphémère. … et c'est là la vraie beauté d'une flamme qui s'éteint … si proche de la laideur de la mort.

Et puis plus tard, quand vous n'avez plus envie de rien, quand Chopin ne parvient plus à vous mettre du vague à l'âme, quand vous ne savez plus ce qui vous ferait plaisir, alors c'est qu'elle s'approche à bas bruit pour ne pas vous réveiller … et c'est peut-être bien ainsi.

MAXIME LE FORESTIER - JE VEUX QUITTER CE MONDE, HEUREUX (REPRISE) © Fred ELIAN

Et puis quitter ce monde en regrettant un peu Et puis quitter ce monde heureux

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