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Billet de blog 19 décembre 2025

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Blanquer (bis) : une trumpisation à la française ?

Le dernier livre de Blanquer frappe par une superficialité que ne parvient pas à dissimuler l’accumulation de formules lapidaires qui se voudraient hautement spéculatives. Exercice de com’ électoraliste visant à vendre un « projet de société », celui du « républicanisme intégral », ses envolées prônent un unanimisme aux relents trumpistes, en totale déconnexion avec les enjeux planétaires actuels.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les périodes pré-électorales agitent souvent la plume de Jean-Michel Blanquer. L’année précédant les présidentielles de 2017, il avait publié un ouvrage de candidature ministérielle où il exposait son programme pour l’Éducation nationale[1]. Dans l’optique des présidentielles de 2027, c’est une opération similaire que Blanquer réitère avec son dernier livre, Civilisation française[2]. Mais il y adopte un ton nouveau, quelque peu différent de ses précédents livres « programmatiques » qui portaient sur les réformes scolaires et dressaient après coup le bilan toujours excellement positif de son action ministérielle. Son succès a été si brillant, ses réformes si excellentes, qu’après cinq ans, Macron a estimé nécessaire, tant la situation était mauvaise, de faire de l’éducation son « domaine réservé » (ce qui est inconstitutionnel), initiant une valse de ministres-pompiers-pyromanes (7 en 3 ans !) et poursuivant la désorganisation programmée de l’enseignement public !

Ce nouveau livre de Blanquer a une double ambition : celle, ordinaire, de définir un programme de nature présidentielle en égrenant les axes d’une future politique à la tête du pays, mais également celle, plus ambitieuse, de le fonder en « théorie », si l’on peut dire, par un récit qui se voudrait fidèle aux prétendues « racines historiques de la France » et clairvoyant sur son avenir à moyen terme dans l’histoire du monde. Cette dernière ambition cherche à inscrire l’auteur dans la lignée des « hommes d’Etat », ceux qui affirment fonder leur vision et leur action politiques sur (ce que serait selon eux) « l’essence » du pays. Blanquer fait comme si cette question « essentialiste » allait de soi alors qu’elle est typique d’une posture idéologique propre au nationalisme, qui a produit les pires effets dans le passé et qui est depuis longtemps dénoncée par tous les intellectuels un tant soit peu au fait des recherches internationales en sciences humaines et sociales.

Voyons donc ce qu’après trois ans de retrait de la vie politique, le Blanquer « théoricien de l’essence française » a à nous dire en guise de justification de son nouveau mantra : le « républicanisme intégral » !

Le storytelling « civilisationnel »

Dans son long ministériat précédent à la tête de l’Éducation nationale (2017-2022), Blanquer avait abusé de deux mots magiques : « confiance » et « société apprenante », qui figuraient de façon obsessionnelle dans ses nombreux discours et décisions officielles. Toutes celles et ceux qui ont subi cette doxa, maintes fois martelée durant un quinquennat, s’en souviennent. À nouveaux objectifs, nouveau storytelling et nouveau mot magique : « Civilisation ! ».

Pas totalement inconscient des manipulations dont cette notion est l’objet et qui lui vaut une douteuse réputation, Blanquer prévient le lecteur qu’il entend « faire dégorger le concept de civilisation de toutes ses potentielles connotations inquiétantes » (p.14). On n’en saura pas davantage sur ce qui motive cette inquiétude car tout le livre se présente comme un hymne « civilisationnel ». Le substantif « civilisation » et ses adjectifs (« civilisé », « civilisationnel ») apparaissent de façon compulsivement répétitive[3] durant 180 pages afin de donner, croit-il sans doute, une allure académique ou savante à ses évocations du passé « éternel » et à ses visions d’avenir de « la France ».

Tous les aspects positifs que l’auteur identifie dans le pays reçoivent une onction « civilisationnelle ». Toutes les propositions programmatiques qu’il formule seraient la traduction d’un « retour à la civilisation » dans sa version cocorico. Petit florilège : sur l’économie, « La France a des racines et des ailes, comme nous le prouvent les exemples du luxe, de l’aéronautique et de l’eau : c’est cela une civilisation vivante » (p.44) ; « Retrouver une économie civilisationnelle, c’est retrouver le sens du long terme dans l’adéquation réfléchie entre le capital et le travail » (p.67) ; sur l’école, «  La paideia grecque peut inspirer une recomposition moderne de notre école reliée à une vision civilisationnelle » (p.107) ; « […] l’éducation n’est pas un simple service public, mais un projet de civilisation » (p.108). Etc., etc.

Les perles s’enfilent en un long collier. À chaque page le lecteur a droit à des formules pompeuses « civilisationnelles » qu’on dirait sorties d’un prompt ChatGPT plagiant la phraséologie de quelques publicistes du XIXe siècle : « La civilisation : ordre, technique, organisation, sécurité. La culture : sens, beauté, mémoire, dépassement. La première peut exister sans la seconde, comme un corps sans âme. La seconde a besoin de la première pour se donner les moyens de durer et de rayonner » (p.100) ; « […] si la civilisation est le cœur, la culture est l’âme. La première donne la forme, la seconde donne la vie. Et l’homme n’est vraiment homme que lorsqu’il marche sur ces deux jambes vers un horizon qui le dépasse » (p.100-101) ; « La France ne saurait se contenter d’être une nation qui gère. Elle est appelée à être une civilisation qui éclaire » (p.102) ; « […] la culture n’est pas un supplément d’âme, mais l’âme même de la civilisation française » (p.104). Et ainsi de suite du début à la fin du livre !

Originalité ?

« Civilisation ! Le mot s’est perdu », ose affirmer Blanquer (p.13), rattachant cette prétendue disparition au discrédit de la thèse du « choc des civilisations » de l’états-unien Huntington, dans les années 1990, qui annonçait la fin des guerres au profit de pacifiques conflits culturels après la chute du mur de Berlin et de l’URSS. On sait ce qu’il en a été !

Tout d’abord, remarquons que cette approche de surplomb, revendiquée comme originale et sortie de l’oubli par l’audacieux juriste drapé dans son futur grand destin national, n’a rien d’inédit ni de nouveau. C’est en effet la posture préférée des idéologues nationalistes d’extrême droite qui l’ont placé au cœur de leur rhétorique, ce que semble ne pas totalement ignorer Blanquer si l’on veut bien donner du sens à sa remarque liminaire citée plus haut sur « ses potentielles connotations inquiétantes ».

La posture « civilisationnelle » des idéologues d’extrême droite consiste à embrasser les siècles (ou les millénaires) pour mettre en scène une nation française éternelle, qui serait née dans le creuset d’une population unique, ethniquement « pure » (appelée « les Gaulois » ou les « Celtes ») et qui aurait poursuivi son destin fusionnel à travers diverses épreuves initiatiques jusqu’aux périodes de l’histoire récente. Et cette « nation ethnique » originaire serait aujourd’hui gravement menacée et devrait être, à tout prix, défendue contre les « ennemis de l’extérieur » ou les « infiltrés de l’intérieur ». C’est le discours bien connu du « grand remplacement » !

Les historiens, les linguistes, les archéologues[4], tous les spécialistes des diverses disciplines concernées par ces sujets contestent vigoureusement cette vision homogène et identitaire qui est une pure invention des idéologues de l’ancien régime monarchique ou d’auteurs républicains, prisonniers des préjugés racistes de leur époque et inventeurs d’un récit historique devant servir aux mobilisations patriotiques contre différents concurrents et ennemis (notamment, les « Boches »).

Les politiciens « dédiabolisés » d’extrême droite (les Le Pen, Zemmour, Ciotti, etc.) ont fidèlement repris cette rhétorique « civilisationnelle », désormais de plus en plus partagée aussi à droite. Cette posture leur sert à se faire passer aux yeux des électeurs déboussolés comme des visionnaires de haute culture[5] débarrassé des petits calculs électoralistes. Sur les plateaux télé ou dans les meetings, ils prennent des poses d’historiens « érudits » osant évoquer devant ce qu’ils pensent être le « petit peuple » les références symboliques de la « grande histoire » (le nom des grands personnages connus de tous – Vercingétorix, Jeanne d’Arc, les rois et reines, Napoléon…), dramatisant de prétendus faits historiques majeurs qui viendraient illustrer la destinée miraculeuse de « la nation » (comme la bataille de Poitiers, etc.). En réalité, ils ne font que répéter les mêmes énormités historiques, inventées ou montées en épingle jusqu’à l’absurde, avec l’aplomb de bonimenteurs professionnels chargés de vendre la grandeur de la « civilisation judéo-chrétienne » ou « royale ». Ils ressortent du néant les thèses rancies des auteurs réactionnaires des siècles passés qu’on pensait, eux, vraiment tombés dans l’oubli.

Le but de la manœuvre est grossier : face aux multiples crises du monde et de notre société, il s’agit pour ces propagandistes de se poser non pas en critiques avisés des vraies causes et responsabilités qui sont inscrites dans le passé et le présent du pays, mais de se poser au contraire en défenseurs d’un passé glorieux, spectaculaire (à la manière du Puy du Fou[6]), dépeint comme l’expression héroïque de « LA civilisation », l’authentique, la meilleure de toutes, celle qui n’aurait jamais dû être « abandonnée ». Tout examen documenté et lucide des siècles passés reviendrait, selon eux, à porter une atteinte mortelle non pas à la vérité historique dont ils se contrefichent mais à la bonne conscience de la population (et surtout des gouvernants et des puissants), et donc, par ricochet, au pays lui-même. Surtout jamais de lucidité ou de repentance, haro sur l’esprit critique lorsqu’il met en doute la doxa nationaliste la plus obtuse !

La première question qui vient au lecteur est donc de se demander comment l’universitaire Blanquer qui multiplie les références bibliographiques à l’appui de ses thèses « civilisationnelles » a-t-il pu laisser de côté cet arrière-plan idéologique et politique ? Comment a-t-il pu penser vendre son approche « civilisationnelle » comme une nouveauté « inspirante » tout frais sortie de son cerveau alors qu’il est une vieille lune des réactionnaires nationalistes identitaires ?

L’offensive « civilisationnelle » de l’extrême droite

Un élément de contexte plus récent permet de pousser l’interrogation plus avant. En effet, en matière de « civilisation », il est également de notoriété publique que le milliardaire Bolloré a réinvesti sa fortune, bâtie dans de juteuses affaires néocoloniales en Afrique, pour s’emparer en France de grands groupes audio-visuels (Vivendi) et d’édition (Hachette) et mener ce qu’il nomme lui-même un « combat civilisationnel [7] » en mobilisant et reformatant la puissance de feu médiatique qu’il a accaparée à ses propres fins. Il a purgé les sociétés qu’il a mises sous sa coupe de tous les opposants à sa stratégie éditoriale et a recruté des journalistes et des éditeurs prêts à incarner sa ligne politique xénophobe et catholique traditionnaliste, ostensiblement pro-RN, comme on le voit ad nauseam sur les plateaux de CNews et comme on le lit désormais sous la plume des nouveaux auteurs de Fayard, maison d’édition autrefois pluraliste, qui a été brutalement reformatée en officine de propagande pour Bardella, Villiers, Zemmour, et même le fugitif prisonnier Sarkozy…

En constatant que Blanquer fait mine d’ignorer l’arrière-plan idéologique d’extrême droite qui est la caractéristique de ce type de positionnement « civilisationnel », et qu’il ne fait aucune allusion aux offensives politiques de la « bollosphère » qui occupent de plus en plus l’espace médiatique français, le lecteur peut faire plusieurs interprétations. Est-on en présence d’une tactique manœuvrière de la part d’un politicien classé à droite en pré-campagne électorale pour tenter de ravir à l’extrême droite un drapeau ethno-patriotique, réputé électoralement rentable ? Ou bien est-on en présence d’un politicien à la dérive, engagé dans un processus de ralliement tacite aux thèses extrémistes, arrondies aux angles par une rhétorique hyper républicaniste.

Faut-il rappeler ici que Trump, Vance, Musk et tous les idéologues trumpistes de la Silicon Valley[8] font eux aussi appel à la rhétorique « civilisationnelle » ? La Maison blanche est même allée jusqu’à déplorer très officiellement « l’effacement civilisationnel » dont l’Europe serait victime à cause de l’immigration[9]. Au point que le chroniqueur géopolitique Pierre Haski se demande : « Et si le mot de l’année était celui-là : “civilisation” » [10]. Seul Blanquer semble ignorer la proximité idéologique avec tous les adeptes du trumpisme que ce mot véhicule !

Poursuivons donc la lecture pour arbitrer entre les diverses hypothèses concernant la cécité volontaire de Blanquer.

Déclinisme et révisionnisme historique

En se déclarant partisan de l’approche « civilisationnelle », Blanquer n’a d’autre option que d’en reprendre, sans la moindre nuance d’ailleurs, la vision décliniste d’un pays au bord de l’éclatement ou de la disparition : « Dans les dix ans qui viennent, [la France] peut se désintégrer sous l’effet des divisions sociales, territoriales, communautaires. Mais elle peut tout au contraire se ressaisir en retrouvant son sillon propre, celui d’une civilisation qui unit ceux qui lui appartiennent » (p.13).

Et logiquement, ce déclinisme, qui a pour fonction d’apeurer le public et de gagner son adhésion, débouche sur le traditionnel appel au « sursaut » et au retour au passé glorieux de la France du temps de sa splendeur (« retrou[ver] son sillon propre ») et de son « unité », comme si le pays était un personnage d’un seul bloc, transhistorique, à la destinée idéalisée, au lieu d’être vu comme l’espace où vit une société complexe, pluraliste et fragmentée en classes sociales ayant des intérêts souvent divergents, voire antagonistes.

La vision essentialiste et décliniste appelle toujours à une issue en forme de retour au « roman national », élaboré sous la IIIe République, notamment dans les manuels scolaires d’Ernest Lavisse[11]. Sur le fond comme sur la forme, ce « roman » (qui porte bien son nom) n’a rien à voir avec le récit objectivé d’une histoire nationale, telle que les historiens et les politistes s’attachent à l’écrire.

Dans ses prises de position antérieures, Blanquer semblait plutôt s’en tenir à la vision décliniste des élites néolibérales, celles qui, partant du constat que le pays régresse dans la compétition économique mondiale, déplorent le fait de ne plus être en mesure de dominer les autres pays pour n’avoir pas fait les « bons choix » d’investissement au bon moment. Par exemple d’avoir raté le tournant de l’industrie numérique, qui est devenue la base stratégique pour dominer et l’emporter sur les autres pays, comme ont su le faire les Etats-Unis et désormais la Chine, ou d’autres pays plus petits.

Dans son nouveau livre, le républicain « intégral » opère donc une sorte de fusion entre ces deux déclinismes, ce qui confère au second (le néolibéral), avec l’onction « civilisationnelle », une dimension métahistorique, qui conséquemment le raccroche à toute l’idéologie identitaire et essentialiste d’extrême droite. Le néolibéralisme n’est pas analysé comme une phase particulière du capitalisme concurrentiel et prédateur qui se déploie au niveau mondial mais comme une étape dans la destinée immémoriale des différents pays.

Blanquer pense justifier le retour au « roman national » en arguant que « la France est une idée […] qui s’est faite chair » (p.17-19), plagiant la rhétorique catholique christique pour l’appliquer à la nation française. À l’appui de cette prétendue genèse, il cite Michelet : « Dans cette terre féconde, ce peuple mobile et brave [les Gaulois], il y avait l’étoffe d’une grande nation » (p.18). Il se réfère aussi au Braudel de L’identité de la France. Et, armé de ces grandes références, il s’autorise à contester sans le moindre argument les recherches historiques actuelles qui démontent tous les vieux récits romantiques aux arrière-pensées politiques.

Il fait comme si les apports historiques contemporains n’était qu’une question de préférence et non de vérité : « Michelet n’est plus à la mode et une récente génération d’historiens s’emploie à déconstruire tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à un roman national. La dernière idée en date pour ces idéologues (sic) est de dissoudre la France dans l’histoire mondiale. Les briseurs de mythes (sic) se sentent intelligents. Mais le mythe a la vie dure, et de même que les mythes grecs ont engendré la cité, le récit français a donné naissance à la France. La France est l’une des plus magnifiques illustrations de l’emprise de l’esprit humain sur le réel. Elle est, répétons-le, un fait de civilisation. Les désenchanteurs (sic) n’y pourront rien » (p.18-19).

Ainsi, Blanquer annonce clairement la couleur. Il s’agit pour lui de revenir au mythe forgé par les historiens du XIXe siècle, notamment Michelet, et à traiter d’« idéologues », « briseurs de mythes » et « désenchanteurs » les historiens de métier (à savoir bien évidemment Boucheron et tous les auteurs de son Histoire mondiale de la France[12]) dont les travaux scientifiques contestent, preuves à l’appui, les anciennes affabulations historiennes et leurs soubassements idéologiques antidémocratiques.

Lorsqu’il cite Braudel, Blanquer fait allusion aux reliquats qu’on y trouve d’une vision désormais tenue pour fausse par les chercheurs les plus éminents. S’il y a encore un demi-siècle environ, on pouvait penser « que [la France] est une nation forgée à partir d’un peuple, homogène depuis le paléolithique, et dont les grandes invasions n’ont que peu modifié le visage au cours des siècles » (dans son Identité de la France), ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. Commentant cette citation, Jean-Paul Demoule, l’archéologue spécialiste de la préhistoire qui fait autorité de nos jours, au vu des nombreuses découvertes effectuées depuis le milieu du siècle dernier, conclut : « Il semble malheureusement que ce serait contraire à toute l’évidence archéologique et historique[13]» Le savoir actuel atteste que le territoire qui est aujourd’hui celui de la France a été le lieu d’échanges et de mélanges incessants de populations aux origines très diverses et souvent venues hors de frontières qui n’étaient pas du tout celles d’aujourd’hui et qui ont constamment varié (vers ce qu’on appelle de nos jours la Belgique, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, l‘Angleterre, etc.). La thèse d’une souche unique, stable, sédentaire et invariante est donc contraire aux faits les mieux établis.

Mais Blanquer n’a que faire des travaux des chercheurs de métier[14]. Il prône explicitement le révisionnisme historique, en appelant au retour émotionnel et spiritualiste aux mythes identitaires et ahistoriques d’autrefois. « Michelet, au XIXe siècle, l’a bien compris : écrire l’histoire de la France, c’était écrire l’histoire d’un peuple qui, par son Etat et par sa langue, s’est fait lui-même. Ainsi se comprend la singularité française : notre République n’est pas née seulement d’une révolution, mais d’un patient travail d’unification intellectuelle et spirituelle qui franchit une marche décisive avec la Renaissance. Dans ce long cheminement de la nation, la langue joue un rôle matriciel. Sa qualité et sa beauté disent quelque chose de chaque époque » (p.96). Dans ce passage, le lecteur assiste, médusé, au spectacle hypnotique de la lente génération d’une nation fusionnelle et unanime, génération au cours de laquelle peuple, Etat, langue (qui sont des entités monolithiques non conflictuelles) s’unifient pacifiquement et spirituellement jusqu’à côtoyer « la beauté ». Voilà la vraie histoire selon Blanquer ! Foin des crises, guerres civiles, révoltes, révolutions, massacres, violences, radicalités en tout genre… Affabulons !

Appelant Bernanos à la rescousse, il voit même dans le « génie » de la France, « celui d’une nation qui a toujours fait primer la conscience sur la puissance brute » (comme le prouvent sa longue histoire esclavagiste et coloniale et les féroces répressions des soulèvements et révolutions populaires qui ont jalonnées les siècles !). Et, toujours en phase avec l’écrivain catholique et gaulliste, il conclut que le « pays, plus qu’aucun autre, ne peut survivre sans transcendance » (p.103). On retrouve là l’idée d’une France « phare de l’humanité », aux « vertus civilisatrices », que les nationalistes de tous bords et autres colonialistes convaincus ont longtemps aimer entretenir.

En quoi consiste cette transcendance dont parle l’auteur ? Dans le bon usage des nouvelles technologies ! « Car la France peut […] faire des nouvelles technologies des instruments de liberté plutôt que des vecteurs de servitude » (p.103-104). Il développe son argumentaire : « La France a la chance d’avoir une longue tradition humaniste, philosophique, littéraire : si elle parvient à unir ce souffle avec la puissance technique, elle pourra donner à l’IA une direction qui serve l’homme, et non qui l’asservisse » (p.101).

Que nous dit Blanquer au fond ici ? Que la transcendance de la « civilisation française » du XXIe siècle, c’est l’IA « humaniste ». Sur l’IA, la réelle, pas le moindre examen documenté, sans même parler de mise en garde critique : rien sur ses origines états-uniennes, ses stratégies de domination et d’asservissement mondialisés, ses assauts hors-la loi, ses limites intrinsèques, sa prédation écologique, etc. Juste une déploration sur son encouragement au consumérisme des citoyens, comme si ce trait était nouveau et le plus pertinent…

Toute cette posture mettant en scène l’exceptionnalité de la tradition française qui ferait du pays un acteur tout à fait à part dans le monde, le rattache, qu’il le veuille ou non, aux théoriciens nationalistes d’extrême-droite et le met sur une pente qui annonce le pire. Postuler qu’une France arrimée à l’économie néolibérale pourrait devenir l’avant-garde d’une IA transcendantale grâce à son « souffle » relève d’un discours d’estrade particulièrement halluciné.

Au XIXe siècle, le républicanisme pouvait faire bon ménage avec le nationalisme chauvin et colonialiste, celui qui a justifié toutes les guerres coloniales et la grande boucherie de la Première Guerre mondiale. Mais prétendre aujourd’hui revenir à ce nationalisme mythique et unanimiste, au nom de « l’humanisme », est proprement ahurissant. En censurant délibérément, dans son chromo « civilisationnel » remontant à la Renaissance, la grande tradition française de la République sociale et démocratique issue de la Révolution de 1789, Blanquer montre que son « républicanisme intégral » n’est qu’un paravent démagogique de bas étage destiné à dissimuler ses convictions réactionnaires.

L’unanimisme, clé de voute du « républicanisme intégral »

Comme il le dit et répète dans son livre, Blanquer rêve de « réinvent[er] ce lien fondamental qu’avaient su bâtir nos prédécesseurs : celui d’une France unie, juste et présente à elle-même par l’épanouissement de toutes les provinces qui la composent. » (p.120). Son « projet de société » est clairement anti-pluraliste et a des relents typiquement bonapartistes : l’union nationale autour d’un chef censé incarner le destin collectif.

« […] à chaque fois que la France a su unir culture et civilisation, elle a rayonné. Quand elle a séparé les deux, elle s’est affaiblie. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de restaurer une grandeur passée [la citation précédente dit l’inverse !], mais de tracer un chemin nouveau. Civilisation technique, oui, mais guidée par une culture humaniste. C’est là le secret français : faire l’union de la forme et du sens, de la technique et de la beauté, de la règle et de la liberté, de Descartes et de Picasso, l’âme d’une nation qui ne renonce jamais à être plus qu’une puissance : une civilisation » (p.102).

Cette « culture humaniste » ne puise pas ses sources dans l’analyse compréhensive de l’aventure collective que vivent tous les peuples du monde confrontés désormais aux défis communs de survie et d’habitabilité et victimes des conséquences délétères de l’anthropocène[15]. Le « républicanisme » blanquérien ne s’intéresse pas aux traits anthropologiques fondamentaux qui font humanité, mais s’en tient, comme au temps des collèges jésuites, au seul héritage pris en considération par les élites européennes depuis la Renaissance, à savoir celui « que les Grecs avaient su si miraculeusement forger : la philosophie, la politique, l’économie, l’art et la littérature » (p.133).

Pour asseoir son grand discours à la nation, Blanquer découpe son livre en trois parties qui abordent chacune une entité réputée constitutive de la nation : le territoire, le langage, la République. Chaque partie est introduite par une généralité « civilisationnelle » définitive : « La première des politiques de civilisation est de maîtriser son territoire et son peuplement » (p.31) ; « Il faut entendre le langage comme étant, au sens large, tout ce qui nous relie. Il y a civilisation, sur un territoire donné, par la qualité de la relation entre les êtres et de la transmission entre les générations » (p.93) ; « […] la France inventa l’Etat-nation par l’œuvre de ses rois et de ses légistes. Ce processus continu de civilisation résonne encore aujourd’hui au travers du beau mot de République. […] La République doit donc s’affirmer comme une communauté de citoyens instruits et conscients de leur héritage, capables de l’ordonner vers l’avenir. Chacun devient à la fois le sujet et bénéficiaire de l’eunomie[16] : participant à la concordance des lois et recevant en retour les vertus d’une res publica vivante et partagée. C’est ce que j’appelle le républicanisme intégral et c’est un projet de société » (p.134-135).

Analyser ces assertions pour les replacer dans leur environnement idéologique implicite, volontairement dissimulé par Blanquer, dépasse les limites de ce compte rendu de lecture. Contentons-nous d’en relever les principaux objectifs politiques.

La première partie (« le territoire ») n’est en fait que l’esquisse de ce que serait une politique d’aménagement sous l’autorité d’une « DATAR + » (sic) destinée à corriger les profonds déséquilibres entre les grandes métropoles et les autres territoires. On est là dans le rêve technocratique d’un Etat planificateur de l’après-Seconde guerre mondiale sans que les raisons profondes de l’état de fait actuel ne soient analysées autrement que comme des erreurs de gouvernance et non comme le produit d’un système (voir plus loin).

La deuxième partie (« le langage » ?) aligne des généralités sur l’importance de la culture entendue comme « l’âme » de la nation et esquisse les axes d’un programme de politique culturelle et de politique scolaire. On y retrouve les thèmes favoris de Blanquer d’une « nouvelle république éducative » qui s’incarnerait dans une nouvelle institution : « Chaque campus de la République rassemblera, dans un même lieu, les trois piliers de la formation moderne : l’école, pour les fondamentaux, avec des filières techniques et générales qui ne s’opposent plus mais s’articulent ; l’apprentissage et la formation professionnelle, valorisés et intégrés au tissu productif local, afin de répondre directement aux besoins des entreprises et des filières industrielles de demain ; la recherche et l’innovation, ouvertes non seulement aux grandes métropoles, mais aussi aux petites villes, qui deviendront ainsi laboratoires d’avenir. Chaque lieu sera en situation de développer son domaine d’excellence » (p.119). Quand on connaît la situation budgétaire de l’école, de l’université et de la recherche publiques depuis que la droite dirige le pays, il est clair que ce passage admirable est destiné à figurer tel quel sur un dépliant électoral avec vue d’artiste en couleurs !

La troisième partie (« la République ») s’attache à définir ce qu’est la République blanquérienne à travers ses « adjectifs » (p.137). « Indivisible », Blanquer rappelle son opposition aux « irrédentismes » qui menacent l’unité de pays voisins et au statut différencié de la Corse. « Laïque », il fait remonter la notion de laïcité à l’Antiquité, au Christ[17], à Henri IV (confondant laïcité et tolérance interreligieuse) : « Ainsi, la loi de 1905 ne surgit pas de nulle part : elle est la récolte mûre d’un millénaire d’efforts. La laïcité est un travail de civilisation sur elle-même, nourri à la fois des sources gréco-latines et judéo-chrétiennes. Elle est l’héritage commun de l’humanité, confié à la garde de la France » (p.141). On reste coi devant cette très personnelle interprétation « civilisationnelle » qui vient justifier l’interdiction des signes religieux non seulement pour les agents mais aussi pour les usagers des services publics (école, hôpital, mairie, tribunal) : « la maison commune n’est pas le théâtre des différences, mais le foyer de l’unité » (p.142), martèle-t-il. Aucune allusion ici aux luttes des vrais républicains contre la mainmise de l’Eglise, aux combats qui ont permis la loi de 1905 (dont on fête les 200 ans cette année) et son grand principe de tolérance antidogmatique !

« Démocratique », en 35 lignes, pratiquant comme souvent la prétérition, Blanquer règle la question en la transformant en un problème de comportement et d’allégeance et non pas de partage et d’équilibre des pouvoirs : « […] la République démocratique n’est pas une formule incantatoire, mais un principe d’organisation : elle exige que la participation du peuple se conjugue avec l’autorité de la loi, que le pluralisme s’accorde avec l’unité, que la diversité des voix ne brise pas l’indivisibilité du corps politique. C’est pourquoi l’avenir de la démocratie se joue dans la fidélité républicaine » (p.144-145). Voilà donc un juriste constitutionnaliste qui a bien peu de choses à dire sur le fonctionnement des institutions de la Ve République et leurs dysfonctionnements, comme nous le voyons depuis plusieurs décennies ! Ni sur l’apport de la justice administrative et de sa jurisprudence dans la défense de l’Etat de droit et des libertés publiques et citoyennes ! Avec Blanquer, le prêche électoraliste vantant l’unité des contraires dispense d’analyser le réel.

« Sociale », Blanquer au fond reprend l’analyse de droite et d’extrême droite sur « l’assistanat » qui dilapiderait le budget de l’Etat : « La République sociale, en se bureaucratisant (sic), a parfois perdu l’esprit qui l’animait : celui de la participation. À mesure que les dispositifs se sont empilés, les citoyens ont cessé de se percevoir comme acteurs d’un projet commun et se sont vus comme simples bénéficiaires de droits acquis » (p.146). On y retrouve tous les thèmes habituels contre l’Etat-providence : Blanquer veut que les retraites fassent l’objet d’une « capitalisation collective, chaque citoyen devient sociétaire de la France », que les allocations familiales soient réformées au bénéfice des familles nombreuses pour contrecarrer le déclin démographique, que l’immigration, source de « tensions sociales et financières » (p.153) soit maîtrisée. Reprenant l’antienne du RN, il conclut : « nous avons besoin maintenant et urgemment d’une pause migratoire » (p.163). Et si le discours anti-immigration n’était pas assez clair, remarquons que le thème abordé juste après concerne, comme par hasard, la criminalité organisée !

Avec son programme pré-électoral qui se veut un « projet de société », Blanquer s’inscrit explicitement dans le courant illibéral qui rêve d’unanimisme imposé, en appelle au mythe nationaliste comme doctrine officielle, et prône le révisionnisme historique le plus caricatural.

Les impasses « tactiques » d’un politicien en campagne

Alors qu’il a manifestement l’ambition de dresser un panorama complet des sujets qui intéressent l’avenir du pays, Blanquer fait de surprenantes impasses. On peut faire l’hypothèse qu’il s’agit de sa part d’un choix volontaire plutôt que d’une bévue ou d’un oubli, ce qui serait des plus surprenant.

Ces impasses confirment l’hypothèse que Blanquer s’inscrit bien dans le jeu politicien qui va se déployer d’ici 2027 entre les diverses forces et candidatures en concurrence. Il ne veut pas que ses prises de position sur les sujets internationaux brûlants puissent nuire à ses futures alliances électorales ou à son accession aux postes gouvernementaux sur lesquels il lorgne. N’oublions pas qu’en 2020, après Edouard Philippe, il se voyait bien nommé Premier ministre par Macron[18].

Prenons les exemples les plus saillants.

En matière économique, Blanquer nous dit que « des gouvernements français successifs ont accepté l’étrange défaite de la désindustrialisation et du décrochage entre l’économie réelle, celle de la vie des entreprises et des gens, et l’économie financière » (p.67). La logique interne du capitalisme n’est donc pas responsable des effets systémiques de la concurrence mondialisée qui a poussé les grands groupes à déplacer d’énormes moyens de production industriels des pays riches vers des pays à bas salaire, à faible couverture sociale, à fiscalité avantageuse et à système politique facilitateur, offrant des perspectives de forte rentabilité et donc de profits élevés. Dans l’optique de Blanquer, ce serait au fond la faute de l’Etat aux mains de gouvernants faibles qui auraient accepté, sans réagir, les décisions des grands groupes capitalistes et de « l’économie financière » (sic) (dont ils sont partie intégrante contrairement à ce qui est suggéré plus haut).

En réalité, l’Etat dominé par les partisans du néolibéralisme depuis les années 1970 a été emprisonné dans une dette qui provient des cadeaux fiscaux aux multinationales, à leurs actionnaires et à leurs dirigeants[19]. Personne à la tête de l’Etat tel qu’il est constitué et fonctionne aujourd’hui ne peut prétendre le transformer en acteur économique capable de dominer les marchés et d’imposer aux géants économiques des plans d’investissement qui iraient à l’encontre de leurs stratégies mondialisées. Ce volet d’« économie civilisationnelle » relève donc du pur électoralisme (comme c’était déjà le cas dans les années 1980 avec le programme du républicaniste Chevènement).

En matière géopolitique, les grands sujets absents sont nombreux et étonnent de la part d’un candidat aux plus hautes fonctions étatiques. Rien sur l’Ukraine, quelques mots sur la Russie, rien sur l’OTAN, rien sur Israël et la Palestine (au Moyen-Orient, la cible diplomatique est l’Iran, p.126), rien sur la Chine. Des propos généraux (p.124) sur « l’autonomie stratégique » à conquérir face à « l’Amérique » (c’est-à-dire face aux Etats-Unis). Aucune analyse sérieuse de la politique trumpiste vis-à-vis de l’Europe. Le monde selon Blanquer n’est en fait qu’un immense marché qu’il faut savoir conquérir (les grands groupes toujours !) en passant des deals régionaux appuyés sur la présence française outre-mer. Du Trump aux petits pieds en somme !

En matière climatique, aucune référence au GIEC et à toutes les entreprises internationales visant à alerter et à prendre des mesures draconiennes pour la bifurcation écologique. La « transition écologique » est vue uniquement à travers le prisme de « l’économie verte », comme une opportunité pro-business qui s’offre aux grands groupes français (Véolia évidemment[20]) pour s’imposer sur le marché mondial de l’eau, de l’énergie et des déchets.

Le « républicanisme intégral » comme dépolitisation et négation de la République

Dans son ouvrage La République ? Quelles valeurs ? Essai sur un nouvel intégrisme politique[21], Jean-Fabien Spitz a bien caractérisé le positionnement qui ressort finalement du dernier livre de Blanquer, le grand défenseur des « valeurs de la République ». Laissons-lui la conclusion :

« L’appel qui est fait aujourd’hui aux valeurs “républicaines” n’est plus […] que le manteau idéologique destiné à habiller [le] projet libéral-autoritaire : représenter la société comme une association d’égaux sous un Etat impartial et faire disparaître la réalité des conflits et de la domination. L’idée “républicaine” devient un instrument intellectuel de protection d’une forme de société qui tourne le dos à l’idée républicaine, qui tourne le dos à la démocratie politique et à l’égalité sociale qui en est à la fois la conséquence et la condition. »

« […] Dans ce projet, les “valeurs de la République”, ce sont les valeurs qui sont censées avoir depuis toujours assuré la marche en avant de la civilisation, c’est-à-dire celles de l’ordre de marché : la propriété, le respect des contrats, le caractère exclusivement volontaire des transactions, la société civile comme lieu de paix dépolitisé, exempt de conflits et de domination, peuplée seulement de sujets indifférenciés intégrés à des systèmes d’interactions dont il est impossible de questionner en termes de justice ou d’injustice la répartition des avantages à laquelle ils aboutissent puisqu’elle n’est en rien le résultat d’une quelconque intention, mais seulement d’un processus entièrement impersonnel. »

Le républicanisme de Blanquer est tout sauf républicain, sur les plans politique et historique. Sous prétexte d’inverser la tendance au « déclin », il constitue un programme sans originalité combinant un autoritarisme étatiste renforcé avec l’imposition d’un unanimisme idéologique, destiné à servir les intérêts d’un capitalisme de grands groupes peinturlurés en vert. L’économie qu’il défend n’est destinée véritablement qu’à renforcer la compétition économique internationale pour ces groupes[22] et non pas à dessiner les fronts d’une lutte résolue contre les méfaits de l’anthropocène, poussés aux extrêmes par un néolibéralisme prédateur. C’est pourtant l’habitabilité de notre planète pour des régions et des populations entières qui est dramatiquement en jeu !

Le « républicanisme intégral » de Blanquer doit donc être dénoncé pour ce qu’il est : une imposture à dominante nationaliste-identitaire et une manipulation dirigée contre le pluralisme démocratique. Ses conceptions et ses orientations, sournoisement illibérales, doivent être combattues pour ce qu’elles sont, des marqueurs d’un trumpisme à la française.

[1] Voir Jean-Michel Blanquer, L’École de demain : propositions pour une Éducation nationale rénovée, Odile Jacob, 2016. C’est cet ouvrage qui l’a fait remarquer par Brigitte Macron et qui lui a ouvert les portes du ministère, comme il le relate lui-même dans La Citadelle, Albin Michel, 2024, p.21. Voir mon compte rendu : https://blogs.mediapart.fr/philippe-champy/blog/261025/blanquer-un-republicanisme-trumpiste

[2] Jean-Michel Blanquer, Civilisation française, Albin Michel, 2025 (octobre). En août 2024, il avait publié La Citadelle chez le même éditeur, bilan de son ministériat et de sa rupture avec Macron. Voir mon compte rendu : Blanquer : un républicanisme trumpiste | Le Club

[3] Par exemple, 12 fois p.22-23 !

[4] Voir par exemple l’ouvrage très synthétique de Jean-Paul Demoule, La France éternelle, une enquête archéologique, La Fabrique, 2025. Données archéologiques, démographiques, historiques et politiques à l’appui, l’auteur démystifie l’idéologie de la « France éternelle ». Lire notamment son chapitre 5 : « Nos ancêtres les Gaulois ? » qui démonte ce mythe des origines ahistorique, forgé pour l’école primaire de la IIIe République. 

[5] Pour un exemple tout récent de cette rhétorique « civilisationnelle », voir Etienne-Alexandre Beauregard, Anti-civilisation : pourquoi nos sociétés s’effondrent de l’intérieur, Presses de la Cité, 2025 (septembre).

[6] Voir l’ouvrage collectif, Le Puy du faux : enquête sur un parc qui déforme l’histoire, Les Arènes, 2022. Le Puy du Faux. Enquête sur un parc qui déforme l'histoire. Et Hugues Jallon, Le Temps des salauds, 16 décembre 2025, Choose France : le business du nationalisme identitaire. Et Olivier Le Cour Grandmaison, AOC, 18 décembre 2025. Oradour coloniaux français et mythologie nationale - AOC media.

[7] Voir Julia Cagé, Pour une télé libre : contre Bolloré, Seuil, 2022 ; Emma BigéYves Citton et Yann Trividic, « Faire face à la classe vectorialiste », AOC, 17 novembre 2025. Faire face à la classe vectorialiste - AOC media

[8] Voir les analyses de Nastasia Hadjadji et Olivier Tesquet, Apocalypse Nerds : comment les techno-fascistes ont pris le pouvoir, Editions Divergences, 2025.

[9] « L’administration Trump alerte quant à un « effacement civilisationnel » de l’Europe », Le Monde, 5 décembre 2025.

[10] Pierre Haski, « Le piège de la civilisation selon Donald Trump », L’Obs, 15 décembre 2025.

[11] Voir Jean Leduc, Ernest Lavisse : l’histoire au cœur, Armand Colin, 2017. Ernest Lavisse | Cairn.info. Voir le compte rendu du livre par Julien Cahon : Lavisse et la vertu du « roman national », par Julien Cahon| L'Ours.

[12] Voir Patrick Boucheron (dir.), Histoire mondiale de la France : nouvelle édition, Seuil, 2025.

[13] Jean-Paul Demoule, op. cit., p.209.

[14] Sa charge contre des historiens, français et étrangers, aux parcours académiques irréprochables est indigne d’un ancien ministre de l’Éducation nationale et d’un professeur d’université. Elle l’apparente aux diatribes d’un Zemmour. Est-ce le signe avant-coureur d’un naufrage intellectuel, similaire à celui de Michel Onfray qui fait la couverture de l’hebdo d’extrême droite Valeurs actuelles sous le titre : « Leçon de civilisation : comment échapper au déclin… » (n°4647 du 17 décembre 2025) ?

[15] Voir Nathanaël Wallenhorst, Qui sauvera la planète ? Les technocrates, les autocrates ou les démocrates…, Actes Sud, 2022. Du même : Pour une taxe Gen Z - AOC media.

[16] La déesse « Eunomie personnifie la Loi, la Législation, l'Ordre, la Justice et l'Équité. Elle est associée à la stabilité interne d'un État, y compris l'établissement de bonnes lois et le maintien de l'ordre civil. Son opposée est Dysnomie (l'Anomie). » Voir Eunomie — Wikipédia.

[17] « En un trait, le Christ distingue la conscience intérieure de l’autorité temporelle. Ainsi s’ouvre la voie d’un espace public délivré de la domination théologique » (p.140). Les papautés n’ont pas dû comprendre le message ! 

[18] Voir Jean-Michel Blanquer, La Citadelle, op. cit., p. 263.

[19] « [L’]évasion fiscale internationale a joué un rôle considérable dans l’augmentation des inégalités, dans la montée des dettes publiques et plus encore dans le triomphe d’un sentiment d’impuissance, terreau sur lequel ont prospéré les mouvements réactionnaires contemporains. » Gabriel Zucman, Les milliardaires ne paient pas d’impôt sur le revenu et nous allons y mettre fin, Seuil, Libelle, 2025, p.4. Petit ouvrage, limpide et documenté aux meilleures sources françaises et internationales, qui dévoile une réalité systémique connue des seuls initiés.

[20] Blanquer est lié à Véolia pour son école privée « Terra Academia ». Terra Academia - École et Accélérateur de la Transformation Écologique

[21] Jean-Fabien Spitz, La République ? Quelles valeurs ? Essai sur un nouvel intégrisme politique, Gallimard, 2022, p.78.

[22] « Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche nous crée un atout : notre capacité à attirer les chercheurs, les capitaux, les entreprises qui cherchent stabilité et liberté. C’est nous, Européens, qui incarnons encore la démocratie, la science et l’espérance d’une prospérité plus verte et plus juste. » (p.73-74). Pour Blanquer, Trump ne semble pas être un vrai danger pour le monde, la paix, la démocratie, il représente au contraire une « opportunité » pour l’Europe dans la compétition économique ! Macron a claironné un temps ce genre d’argutie digne de la méthode Coué…

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