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Billet de blog 1 octobre 2012

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Une autre couleur du bleu marine

Pour la troisième et dernière journée de la l’édition 2012 de la Ryder Cup, le capitaine européen José Maria Olazabal souhaitait habiller de bleu marine les douze joueurs qui allaient affronter leurs adversaires américains sur le redoutable parcours n°3 du Medinah Country Club, dans la banlieue de Chicago. L’élégance sportive incarnée, le capitaine de l’équipe des Etats-Unis Davis Love III, donna gracieusement son accord. Qu’il en soit remercié.

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Pour la troisième et dernière journée de la l’édition 2012 de la Ryder Cup, le capitaine européen José Maria Olazabal souhaitait habiller de bleu marine les douze joueurs qui allaient affronter leurs adversaires américains sur le redoutable parcours n°3 du Medinah Country Club, dans la banlieue de Chicago. L’élégance sportive incarnée, le capitaine de l’équipe des Etats-Unis Davis Love III, donna gracieusement son accord. Qu’il en soit remercié.

Car dans la couleur fétiche de Severiano Ballesteros, les représentants du Vieux Continent, pourtant sévèrement malmenés pendant les parties de double des deux premiers jours, ont trouvé une inspiration qui leur permis de réaliser ce qui restera dans les annales de cette épreuve biennale comme le «miracle à Medinah». Partis dimanche matin avec un déficit de quatre points, il ont terminé l’épreuve avec un point d’avance sur les Américains (14,5 à 13,5), assurant que le calice en or massif, offerte en 1927 par Samuel Ryder, repartirait en Europe pour deux années supplémentaires.

Pour Olazabal («Ollie» chez les anglo-saxons, «Chema» dans son pays basque natal), il était clair que cette 39ème Ryder Cup serait celle du maitre de Pedrena, son mentor et ami, emporté trop tôt l’an dernier par un cancer généralisé né d’une tumeur au cerveau. C’est avec Ballesteros, artisan de la mutation de la Ryder de rencontre confidentiel en événement sportif mondial, qu’Olazabal a formé longtemps la pair la plus redoutable de l’histoire de l’épreuve. C’est Ballesteros qui fut en 1997 le premier continental à endosser la tenue de capitaine de la formation européenne, en terre espagnole, à Valderrama. La silhouette de Ballesteros célébrant avec son exubérance coutumière sa victoire à l’Open britannique en 1984, sur l’Old Course de Saint Andrews, la «Mecque du Golfe», figurait sur les sacs des joueurs européens, son nom brodé sur les manches de leurs chemises blanches et de leurs pulls bleu marine en ce glorieux dimanche d’automne non loin des rives du lac Michigan. Un supporteur anonyme avait fait écrire dans le ciel de Chicago des messages de vapeur blanche à la mémoire de «Seve».

Depuis 1979, date de l’ouverture de la formation traditionnelle du Royaume-Uni et d’Irlande, aux joueurs du continent, les Européens sont passés de parents pauvres, battus par les maitres américains avec une régularité de métronome, à celui de challengers dignes de respect puis de favoris. La domination sur cette relation transatlantique a changé de rive, ce qui est assez inhabituel pour être signalé. Cette année à Medinah, c’est un Allemand, Martin Kaymer, qui a rentré le «put» victorieux. C’est un Italien, Francesco Molinari, qui a tenu tête au légendaire Tiger Woods, le joueur aux 14 tournois «majeurs», afin d’ apporter à l’Europe l’ultime ½ point transformant l’égalité en victoire (l’équipe européenne, victorieuse en 2010 au Pays de Galle, pouvait se contenter de partager les 28 points en jeu pour conserver le trophée). Un Espagnol Sergio Garcia, désormais vétéran de l’épreuve dont il reste à ce jour le plus jeune participant, un Suédois Peter Hanson et, pour la première fois un Belge, Nicolas Colsaerts, s’étaient joints à l’ossature venue des îles britanniques, où le jeu à la petite balle blanche a été codifié et popularisé.

Devant 40.000 spectateurs massivement acquis à la cause américaine, et les centaines de millions de téléspectateurs qui en font le troisième événement sportif le plus suivi au monde (après la Coupe du Monde de football et les Jeux Olympiques d’été), les golfeurs européens ont fait une démonstration de talent, de force de caractère, d’esprit collectif et d’imagination créatrice dont on rêve qu’une quantité même infinitésimale puisse être injectée à des élites politiques d’une insigne médiocrité. «Remontés» chaque soir dans les vestiaires par les paroles inspirées d’Olazabal, qui tenait la consigne directement de Ballesteros : «Ne jamais baisser les bras, ne jamais renoncer car tout est possible dans ce jeu. Rien n’est fini tant que tout n’est pas fini». Nulle doute à l’inverse que cette nouvelle défaite des Etats-Unis, d’autant plus douloureuse qu’elle était inattendue et à domicile, va provoquer outre Atlantique un regain d'introspection sur la supposée incapacité des joueurs américains à égaler l’esprit d’équipe de leurs rivaux européens. En réalité, le temps où les Etats-Unis partaient systématiquement vainqueurs sur le papier est révolu, les joueurs du Vieux Continent dominant actuellement le classement mondial, derrière le numéro Un, le prodige d’Irlande du Nord Rory McIlroy.

L’aventure victorieuse de l’Europe en Ryder Cup est une leçon d’ouverture et d’inclusion, de passion collective et d'optimisme, d’unité dans la diversité, de camaraderie et de fraternité entre peuples qui se sont longtemps haïs et combattus. Une éclaircie dans les cieux chargés de sombres nuées qui roulent aujourd'hui au dessus de l’Europe. A l'opposé du discours d’une certaine Marine, dont les yeux tirent plutôt sur le vert de gris, semble-t-il.