Prenons comme exemple la 2e circonscription des Vosges. Il arrive premier aux élections européennes. Il est majoritaire d’élection en élection dans de nombreuses communes. Dans certaines il dépasse les 60 %. Il est par contre peu présent sur le terrain. C’est une partie de la population qui fait campagne pour lui : dans certaines communes, quartiers, milieux, le vote RN ou extrême-droite est devenu une composante d’une identité collective.
Ce 30 juin, le candidat RN a fait 48;16 %. S’il est élu au second tour, cela permettra au parti d’acquérir une base organisationnelle nouvelle. Un.e député.e, c’est une permanence, lieu de travail et réunion, lien avec la population, élément de visibilité dans l’espace public. Ce sont des assistants parlementaires, au service de sa communication et de sa présence locale. Le ou la député.e est invité.e ou s’invite à une multitude d’événements, réceptions, inaugurations, fêtes, kermesses, assemblées générales d’associations…
Cette présence accrue permet de recruter des militant.es, de les former, de constituer des listes aux élections municipales, de présenter des candidat.es formé.es aux élections départementales.
C’est aussi un signal pour les maires, souvent sans étiquettes, de communes où le vote RN est majoritaire. Qui parfois sont en phase avec le vote majoritaire de leur population, parfois pas. Et qui peuvent rallier, par conviction ou par opportunisme, formelle ou pas, l’extrême-droite. Ou y résister, de manière plus ou moins visible, de manière isolée ou collective.
En plus de l’utilisation des moyens coercitifs de l’État, des préfectures et sous-préfectures aux ordres d’un gouvernement RN seraient des moyens de consolidation de l’ancrage institutionnel du parti. Les petites communes n’ont pas les moyens de financer seules leurs projets. Elles ont besoin des intercommunalités, des départements, des régions – et de l’État, qui dispose de moyens d’influence ou de pression importants s’il est mis au service d’une politique de ralliement.
La gauche a-t-elle les moyens de contrer cette consolidation de l’ancrage du RN en cas de victoire de celui-ci ? Dans les Vosges tout-au-moins, si l’on s’en tient aux strictes capacités des partis politiques, non, ou tout-au-moins très faiblement. Si on en revient à la promesse initiale du nouveau Front populaire, d’un mouvement citoyen allant bien au-delà des partis, alliant syndicats, associations, organisations et mouvements divers de la société, ça devient beaucoup plus jouable. Ce nouveau Front populaire serait alors bien plus qu’une alliance électorale de circonstance, plus qu’une idée ou un élan. Il serait un outil organisationnel indispensable pour tisser la résistance et bâtir l’alternative.