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Billet de blog 14 juin 2024

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De la sociabilité là où le RN fait 60%

Il n'y a pas que le vote, il y a aussi les lieux communs qui irriguent les conversations quotidiennes, et qui font partie du commun, pour une partie de la population tout-au-moins. L'extrême-droite peut faire d'excellent score sans être présente, le tissu social travaille pour elle. Témoignage.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La petite vallée vosgienne dont j'ai déjà parlé (ici et ) - j'y habite.

L'extrême-droite y fait régulièrement des scores autour de 60%. Par contre les partis d'extrême-droite sont à-peu-près invisibles en-dehors des élections nationales, et encore.

Mais il y a quelque chose qui revient dans les conversations du quotidien - celles qu'on a avec des gens qu'on croise régulièrement, on discute un peu sans vraiment se connaître. Et puis un jour - généralement ce n'est pas dit très clairement, il est question d'un fait rapporté, de banlieue, de personnes étrangères, parfois de racailles. Moi je prend le contre-pied de ce que je vois bien qu'on veut me dire, la personne change de sujet. C'est grâce à cet évitement qu'on peut continuer à se parler. Mais si l'autre personne répond dans le même registre la connivence est possible, et la conversation peut se continuer autour de la vision fantasmée des banlieues et des personnes étrangères, et des faits relevant de la transgression et du désordre qui leur serait liés, faits attestés comme vrais, mais toujours rapportés et jamais directement observés.

Pour toute une partie de la population, cette vision des banlieues et des personnes étrangères comme source du chaos est un lieu commun, véhiculé par les conversations quotidiennes, qui alimente le sentiment d'appartenir à une même communauté, qui fait partie d'une vision du monde partagée. Les réseaux sociaux alimentent les conversation en anecdotes - comme le feuilleton télévisé que tout le monde regarde alimente les discussions du lendemain. Et une vision du monde partagée se consolide.

Et en résonance se crée un attachement, lui aussi partagé, lui aussi de connivence, pour l'homme ou la femme dont la parole porte cette vision du monde dans l'espace politique. Et pour son parti, et pour ses candidat.es. La présence du parti dans l'espace public proche n'est donc pas nécessaire pour qu'il y ait vote, les lieux communs travaillent pour lui.

Par ailleurs, le pacte d'évitement dont je parlais plus haut n'est pas toujours respecté, et n'est pas valable avec tout le monde. La vision du monde partagée par une majorité de la population est excluante, mais il y a au quotidien une zone grise qui permet d'échanger avec "les autres". Zone grise qui peut disparaître si les rapports se tendent.

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