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Billet de blog 10 décembre 2017

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Les chiffres de la demande d'asile et la question des expulsions

La Cimade publie une synthèse des dernières données sur l'asile en France. Si on rapproche les taux de refus avec les intentions du gouvernement en matière d'expulsions, on peut y lire notamment que nous allons vers une généralisation des expulsions vers des pays en guerre et vers des dictatures.

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La Cimade a publié une synthèse illustrée de cartes concernant l'asile dans l'Union européenne et plus particulièrement en France :

http://www.lacimade.org/bilan-de-demande-dasile-septembre-2017/

Au moment où les préfets viennent de recevoir une circulaire du ministère de l'intérieur leur enjoignant de multiplier les expulsions, avec un focus particulier sur les personnes déboutées de leur demande d'asile, on regardera avec plus d'attention les données concernant les refus de demandes d'asile.

Le taux moyen d'acceptation dans l'Union européenne est en baisse du fait de politiques plus restrictives en Allemagne et en Europe du Nord, il reste à 42 % très supérieur au taux d'acceptation français, qui est de 26 %. La France fait partie des pays européens qui ont les politiques d'asile les plus restrictives.

Quelques taux, parmi d'autres, peuvent permettre de s'interroger. Soudan, 5 000 demandes sur les 9 premiers mois de 2017, 60 % de décisions positives. Ce qui veut dire 40 % de refus, soit 2 000 personnes déboutées. Deux mille personnes, ça fait beaucoup pour la machine à expulser française, et malgré l'excellente coopération avec les services consulaires soudanais ça dépasse probablement leur capacité à délivrer des laissez-passer. Mais depuis plus d'un an le ministère s'évertue parfois avec succès à lever les obstacles qui peuvent s'opposer aux expulsions vers le Soudan. On peut donc s'attendre à ce qu'elles se multiplient, d'autant plus qu'il y a un enjeu politique important, le Soudan étant un partenaire central des politiques migratoires européennes en Afrique de l'Est, le blanchiment du régime étant une contrepartie de son soutien aux politiques européennes.

Syrie, 90 % de réponses positives, soit 585 demandes acceptées cette fois pour le 3e trimestre 2017 (donc de juillet à septembre) - donc à-peu-près 65 réponses négatives. Cette fois les autorités françaises n'expulsent pas vers la Syrie. Mais les préfectures émettent des OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) à l'encontre de personnes syriennes, avec la Syrie comme pays de destination. C'est le cas lorsque la personne est arrêtée en situation irrégulière et ne veut pas demander l'asile en France (généralement parce qu'elle est simplement en transit et veut demander l'asile dans un autre pays). La circulaire du 20 novembre 2017 enjoint aux préfets de systématiquement émettre une OQTF en cas de refus d'une demande d'asile. Donc on va voir une multiplication des décisions d'expulsion vers la Syrie alors que l'expulsion ne peut pas être mise en œuvre. Les personnes déboutées de leur demande d'asile cessent d'être hébergées au titre de la demande d'asile un mois après la notification de la décision négative, et n'ont plus accès à l'hébergement d'urgence. On peut se demander ce qui justifie ces 10 % de réponses négatives au vu de la situation en Syrie, mais en plus les pouvoirs publics fabriquent une situation inextricable pour ces personnes.

On pourrait, autre cas de figure, parler des demandeur-se-s d'asile albanais-e-s : très faible taux d'acceptation (6,5 %), expulsion facile, retour en France ou ailleurs dans l'Union européenne assez facile. Comme autrefois les Rrom-e-s de Roumanie, un bon moyen de faire du chiffre en matière d'expulsion. Et comme autrefois la Roumanie, l'Albanie est un pays qui est sur le chemin de l'intégration à l'Union européenne, et on pourrait dans ce cadre imaginer des politiques migratoires plus ouvertes. D'autant plus que dans la réalité les gens migrent vraiment, mais sont généralement en situation irrégulière et travaillent au noir. Autre situation fabriquée par les pouvoirs publics.

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