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Billet de blog 24 mai 2019

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Ni oubli, ni pardon

Ce 23 mai, le conseil constitutionnel a ouvert la voie à l’extradition de Mario Sandoval, le présumé tortionnaire durant la dictature argentine de 1976 à 1983. Il a rejeté son ultime recours. La notion de « crime continu » pour les cas de disparitions forcées est bien compatible avec la constitution française.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

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Il a considéré qu’on ne demande pas à Mario Sandoval d’apporter « une preuve impossible à rapporter » que le corps du disparu n’a pas été retrouvé. « Contrairement à ce que soutient le requérant, il ne résulte pas de ces dispositions une impossibilité pour une personne poursuivie pour une « infraction continue » de démontrer que cette infraction a pris fin, le juge pénal appréciant souverainement les éléments qui lui sont soumis afin de déterminer la date à laquelle l’infraction a cessé ».

Une convention internationale sous l’égide des Nations Unies (ONU) sur les disparitions forcées considérées comme des crimes contre l’humanité a été adoptée en 2006 et ratifiée en 2010 après sa ratification par 20 pays dont la France. Il y est fait mention du « crime continu » pour prolonger le délai de prescription défini par chaque état (en France, il est de 20 ans). Cela signifie que si le corps du disparu n’a pas été retrouvé et identifié, le crime contre l’humanité peut toujours être jugé et que celui qui est reconnu coupable peut être condamné.

Les dictatures et les régimes autoritaires organisent de manière concertée les disparitions de leurs opposants pour les extraire de toutes formes de justice légale. Mis à la disposition de tortionnaires, ils sont soumis à des interrogatoires sauvages pour leur extorquer des informations sur leurs camarades. Ils meurent sous la torture ou sont exécutés.

En Amérique latine, les forces de répression ont été formées entre autres par des officiers de l’armée française, issus du Centre d'instruction à la pacification et à la contre-guérilla créé le 10 mai 1958 par Jacques Chaban Delmas, alors Ministre de la défense du dernier gouvernement de la IV ème République dirigé par Félix Gaillard, quelques jours avant la nomination du Général de Gaulle comme chef de l’exécutif sous la pression du coup d’état à Alger des généraux Salan et Jouhaud. Paul Aussaresses et Marcel Bigeard y enseignaient les méthodes mises au point pendant la bataille d’Alger.

En Argentine la dictature de 1976 a été reconnue responsable de la disparition forcée de 30.000 personnes. Leurs corps lestés ont souvent été jetés d’avions à l’eau, comme les « crevettes Bigeard » lors des « vols de la mort » au dessus du Rio de la Plata près de Buenos Aires ou de lacs dans l’intérieur du pays pour qu’ils ne soient jamais retrouvés. Ce mode de disparition a été systématisé par la dictature argentine en 1976 en réaction aux campagnes internationales de dénonciation des exécutions commises par la dictature chilienne à partir de 1973. Avec les disparitions forcées, les opposants n’étant pas morts officiellement, la junte militaire au pouvoir en Argentine a réussi à atténuer sensiblement les protestations internationales. Elle a ainsi pu longtemps démentir avec l’aide de sa presse nationale consentante la réalité de leurs exactions. Elle a aussi pu exercer une terreur sur les familles et les camarades des opposants en les maintenant dans l’incertitude quant au sort réservé à ceux qui étaient « disparus ». Il a fallu le courage exceptionnel des mères de la place de mai (plusieurs d’entre elles ont été assassinées par des militaires aux ordres de la junte qui les appelait « les folles de mai ») qui ont défilé tous les jeudis depuis le 30 avril 1977 en  réclamant la « réapparition en vie de leurs enfants devant la « casa rosada », le palais présidentiel à Buenos Aires pour que l’opinion publique argentine et mondiale soit progressivement informée.

Pourtant la coupe du Monde de football a pu se dérouler en 1978 dans les stades argentins sans qu’aucun gouvernement refuse d’envoyer son équipe nationale défendre ses couleurs à quelques centaines de mètres des centres de torture en activité.

En France, une campagne de boycott a été très active avec 150 comités répartis dans tout le pays pendant que le gouvernement continuait à vendre des armes à la junte et qu’un centre de renseignements sur les opposants argentins exilés en France fonctionnait avenue Kléber en collaboration avec les services secrets français.

En mai 2007, Laurence Mazure a révélé dans un article du Monde diplomatique, que « fin novembre 2006, le site de l’ambassade de France au Chili indiquait que M. Sandoval, “universitaire chargé de mission à la direction de l’intelligence économique de l’ACFCI [Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie]”, faisait partie d’une “importante délégation” autour de la personne de M. Alain Juillet – neveu de M. Pierre Juillet, l’ancien conseiller de M. Jacques Chirac –, grand patron, proche des milieux de la défense, directeur de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) en 2002, et nommé plus récemment par M. Nicolas Sarkozy au poste de directeur de l’intelligence économique auprès du Premier ministre ».


En 2008, suite à un article de Pagina 12  quelques journaux français et des blogueurs, dont l’auteur de celui-ci,  ont repris les informations sur Mario Sandoval et en particulier la mention de son nom dans le rapport de la Commission nationale sur la disparition des personnes (CONADEP) rendu public en Argentine en 1984 après la fin de la dictature. (fiche 1076/1163 sur l'enlèvement d'Hernan Abriata, étudiant en architecture et militant à la JUP, jeunesse universitaire péroniste par celui qui agissait comme membre de la Coordination fédérale à l’Ecole de mécanique de la Marine à Buenos Aires

Le témoignage de

Mega Causa Esma III: Caso Abriata © actavideos

Beatriz Cantarini de Abriata permet de reconstituer les faits autour de l’enlèvement de son fils Hernan le 30 octobre 1976. En pleine nuit à deux heures du matin, un commando est entré en défonçant la porte d’entrée de la maison où dormaient les parents d’Hernan et ses frères et sœurs. Ils ont été menacés de tirs si ils ne descendaient pas immédiatement. Le chef du commando s’est présenté comme Mario Sandoval de la Coordination fédérale et sous la menace, il a obligé le père d’Hernan à les conduire à l’appartement où vivait son fils récemment marié. Quelques minutes plus tard, Hernan Abriata a été enlevé à son domicile et n’est plus jamais réapparu. 

En septembre 2009, Edwy Plenel a été saisi d’une réquisition judiciaire concernant ce blog de Mediapart  publié à l’époque, sous le pseudo Artiga. En tant que directeur de la publication, il devait communiquer à la justice les déclarations d’identité faites sur mediapart au moment de la prise d’abonnement. Edwy Plenel a pris le soin de me prévenir et il a par la suite été témoin assisté dans la procédure.

Le citoyen naturalisé français Mario Sandoval avait trouvé à Auxerre un procureur de la République qui avait accepté de prendre une plainte en diffamation à l’encontre de la cinquantaine de journaux et de sites internet qui avaient relayé ces informations. C’est ainsi qu’un présumé tortionnaire d’une dictature argentine a réclamé 20.000 euros de dommages et intérêts à chacun des auteurs ayant mentionné que le nom de Mario Sandoval avait été publié dans un rapport officiel rendu public. Cela en dit beaucoup sur les appuis dont il pouvait bénéficier à l’époque.

Une longue procédure a ainsi commencé. La plainte en diffamation a finalement concerné un nombre très limité de publications, Marianne, France Info, le Grand soir, el correo et ce blog. Les autres auteurs ont été considérés comme trop difficiles à identifier. Ceux qui étaient poursuivis ont dû utiliser les services d’un avocat et assumer les frais de justice. Dans le cas de ce blog, sans les ressources d’un organe de presse responsable de la publication pour ses journalistes salariés mais avec quelques contributions solidaires. Quand on met en avant la force de l’Internet et la multiplication des sources d’information, il faut garder à l’esprit que, comme dans tous les domaines, les menaces financières peuvent rapidement museler la recherche de vérités dérangeantes pour le pouvoir en place.

Cette première étape a duré quatre ans jusqu’en mars 2012 quand le tribunal d’Auxerre a considéré qu’il y avait un vice de procédure, que la plainte avait été déposée initialement contre beaucoup plus d’auteurs que ceux finalement retenus. Pour ne pas enfreindre les principes d’égalité de tous les citoyens, le tribunal n’a pas donné suite à la plainte.

Me Sophie Thonon, l’avocate de Carlos Debiasi, le directeur de la publication du site internet El Correo, a déclaré : "Je regrette que, devant une juridiction française, il ne soit plus possible de prouver que Mario Sandoval a été celui qui a participé à des actions subversives durant la dictature. Néanmoins, il restera toujours une suspicion", a-t-elle déclaré à l’AFP. »

Beaucoup de temps et d’argent perdu pour ne pas inquiéter Mario Sandoval et ne pas permettre de le confondre comme présumé tortionnaire et ex agent de la dictature argentine.

Mais toute cette agitation a attiré l’attention de la justice argentine. Le 2 Août 2012, Mario Alfredo Sandoval a fait l’objet d’une demande d’extradition adressée à la justice française émise par la justice argentine dans le cadre de l’enquête pour « crimes contre l’humanité, privation de liberté et torture ayant entraîné la mort » commis au sein de l’École supérieure de mécanique de la marine (ESMA) et le 22 mai 2012 d’un mandat d’arrêt international. Le juge argentin Sergio Torres a retenu son implication dans plus de 600 cas de torture sur 136 victimes, dont  Hernan Abriata.

Une des défenses principales du citoyen français Mario Sandoval étant de prétendre que le policier mentionné dans le rapport de la Conadep était un homonyme n’ayant rien à voir avec lui, les présumés diffamateurs et leurs avocats ont dû rechercher les éléments permettant de confondre le Mario Sandoval qui s’était fait naturaliser français et le policier argentin de la Ex ESMA.

Le Mario Sandoval argentin, après une formation dans l’école interne de la police de Buenos Aires, a été affecté en Janvier 1975 aux affaires politiques en tant que sous Inspecteur. Il a reçu une note de 10 sur 10 et a été qualifié comme étant d’une valeur exceptionnelle en 1975 et 1976. Sa présence a été établie à la Coordination Fédérale de la ESMA, l’un des pires centres de torture et de disparitions forcées de la dictature militaire, entre 1976 et 1979 et il a reçu le 17 novembre 1976 après la disparition de Hernan Abriata, entre autres, les félicitations officielles (une sorte de médaille ou de citation à l’ordre de la police) pour son action contre les "subversifs". 

Le Mario Sandoval français a ensuite « fait carrière » en France après la fin de la dictature en Argentine : « Il a obtenu un doctorat en science politique et un DEA en philosophie politique à Paris-I. Par la suite, il a pu décrocher des postes de conférencier et d’enseignant en relations internationales et en intelligence économique à l’Institut des hautes études pour l’Amérique latine, à l’École supérieure d’économie et de gestion de Paris, à l’université de Marne-la-Vallée et au Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), en 2010, Mario Sandoval figurait encore dans le programme du CF2R (le CENTRE FRANÇAIS DE RECHERCHE SUR LE RENSEIGNEMENT est un Think Tank indépendant, régi par la loi de 1901, spécialisé sur l’étude du renseignement et de la sécurité internationale.)

Illustration 3

Il a prétendu être membre du Collège international de philosophie.

Il a obtenu la nationalité française le 21 février 1997. 

La justice française n’avait plus qu’à faire le rapprochement entre les deux états civils pour établir qu’il s’agissait de la même personne.

Mario Sandoval a utilisé toutes les arguties de la justice française pour freiner son extradition. Il a d’abord porté plainte pour diffamation contre des journaux et sites d’information français qui avaient repris l'article de Pagina 12 mentionnant le nom de Mario Sandoval dans le rapport officiel de la Conadep sur les disparitions pendant la dictature argentine de 1976.

- Le tribunal correctionnel d’Auxerre a débouté pour vice de forme dans la procédure le 16 février 2012 le Franco-argentin Mario Sandoval qui accusait de diffamation ou de complicité de diffamation plusieurs médias français à la suite de la publication en 2008 d’informations sur son rôle supposé sous la dictature argentine.

Dans une tribune parue sur Mediapart "Mario Sandoval doit être extradé vers l'Argentine " le 8 Octobre 2013 Jean-Pierre Faye, co-fondateur du Collège International de Philosophie, François Gèze, éditeur, Olivier Mongin, philosophe et Bernard Stiegler, philosophe plaidaient  « Il serait intolérable que la France puisse entraver la justice de ce pays » en y apportant une réponse négative. »

- Le 28 mai 2014, la Chambre d’Instruction de la cour d’appel de Paris a rendu un avis favorable pour l’extradition de Mario Sandoval. Mais elle a limité cet avis au seul cas du rapt le 30 octobre 1976 d’Hernan Abriata, un étudiant en architecture disparu dont le corps n’a jamais été retrouvé.


Le Tribunal a considéré que les centaines de cas de tortures et de disparitions pour lesquels Mario Sandoval a été mis en cause en Argentine dans le mégaprocès de la ESMA (l’Ecole Mecanique de la Marine) ne pouvaient pas être retenus. La qualification de crimes contre l’humanité n’ayant été intégrée au code pénal français qu’en 1994 très tardivement (guerre d’Algérie oblige), après la date des faits reprochés à Mario Sandoval.

Mario Sandoval s’est non seulement pourvu en cassation mais il a aussi saisi le conseil constitutionnel, sur la constitutionnalité de l’extradition d’un citoyen naturalisé français. Le conseil constitutionnel a rendu son avis vendredi 14 Novembre 2014. Les tribunaux peuvent rendre des avis favorables aux extraditions de ceux qui sont poursuivis par la justice de leur pays d'origine pour des crimes commis à une date à laquelle ils n'avaient pas obtenu la nationalité française.

 Le conseil constitutionnel a pris soin de préciser qu'il entendait, par sa décision, faire obstacle à l'utilisation des règles relatives à l'acquisition de la nationalité pour échapper à l'extradition. 

Le 18 février 2015, la cour de Cassation a annulé la décision de la cour d’appel du 28 mai 2014 en suivant la position de l’avocat général. « On ne peut pas admettre que la disparition d’Hernan Abriata se soit prolongée après 1983, quand l’Argentine est retournée à la démocratie avec l’élection du Président Raoul Alfonsin. » C’est comme s’il avait affirmé : La démocratie fait réapparaître les morts par disparition forcée des dictatures du seul fait de son exercice du pouvoir et annule le crime commis par le régime précédent. De la magie et de la sublimation de la démocratie !

Mais la procédure n’a pas été éteinte. Le Tribunal de Paris a décidé que la demande d’extradition de Mario Sandoval serait renvoyée devant la cour d’appel de Versailles.

Plusieurs juristes se sont émus de cette interprétation de la cour  de cassation et Louis Joinet, l’ancien président du syndicat de la magistrature et très actif sur l’Amérique Latine a déclaré « Nous savons tous d’expérience que la lutte contre les disparitions forcées est d’abord un combat juridique contre le temps qui passe. » Il a aussi écrit une tribune, « Faut-il extrader Sandoval vers l’Argentine » dans Libération pour rappeler que le Tribunal français ne doit pas remettre en cause le caractère continu du crime de disparition français comme l’a fait l’Avocat général de la cour de Cassation. « Ce serait aller à l’encontre de l’évolution générale du droit international et par intégrisme légaliste à priver les proches des disparus – qui sont aussi des victimes – du droit de savoir et du droit à la justice consacrés par la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. »

Le 14 septembre 2017, soit plus de deux ans après le renvoi ordonné par le Tribunal de Paris, s’est tenue une audience à la cour d’appel de Versailles en présence de Mario Sandoval. Dans la salle, étaient présents  des membres de diverses associations, Fédération internationale des droits de l’homme, Association des ex prisonniers et disparus pendant la dictature, CALPA (comité de soutien aux luttes du peuple argentin), l’ACAF (l'Assemblée des Citoyens  Argentins en France), Familles de disparus.

Mario Sandoval, sous contrôle judiciaire depuis 2013, âgé de 64 ans, né en Août 1953, a déclaré qu’il était maintenant à la retraite à la fois en tant qu’ancien fonctionnaire de l’état français et pour ses activités dans le secteur privé.

La présidente de la chambre de la cour d’appel, Madame Carlier, a fait un excellent et complet rappel des éléments du dossier.

 Elle a fait état des nombreux éléments fournis par la justice argentine concernant les témoignages de survivants du centre de torture Esma qui ont identifié Mario Sandoval et de l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité dans le droit argentin. Elle a mis en évidence la similitude parfaite entre les informations sur l’identité du Mario Sandoval présent à l’audience et naturalisé Français en 1993 et celle du policier argentin mis en cause dans le rapport de la Conadep et poursuvi par la justice argentine. D’un côté, les données fournies par Mario Sandoval à l’administration française pour obtenir la nationalité française et de l’autre le dossier argentin de carrière du policier. Date de naissance, nom, prénom, identité des parents, date de ses fonctions dans la police argentine (16 ans avec mise à la retraite en 1983, date de la fin de la dictature).

Maître Sophie Thonon, avocate cette fois, de l’état argentin a fait une longue plaidoirie mentionnant les éléments juridiques nouveaux depuis la délibération de la cour d’appel de Paris du 18 février 2015. La France et l’Argentine ont signé un traité facilitant l’extradition entre les deux pays qui a été ratifié par le décret N°0165 du 19 JUILLET 2015.

Et une Circulaire du 28 février 2017 présentant les dispositions de la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 précise la réforme de la prescription en matière pénale. « Le législateur a consacré la jurisprudence prévoyant, pour certains délits occultes et dissimulés, le report du point de départ du délai de prescription de l’action publique au jour de leur découverte, et il l’a rendue applicable à l’ensemble des infractions. »

Elle a mentionné par ailleurs les conventions internationales et les nombreuses condamnations prononcées par les tribunaux français sur les disparitions forcées comme celle du 8 août 2014  et celle de 2010

Elle a insisté sur l’importance de reconnaître le crime continu en cas de disparition sans découverte du corps de la victime.

Elle a mentionné le blog de Mario Sandoval résidant en France qui publie régulièrement des billets négationnistes sur la dictature argentine et qui dénonce les droits de l’homme comme un impérialisme moral. 

Elle a mentionné les garanties que la justice argentine offre dans le déroulement des 180 procès des 2880 ex agents de la dictature civils ou militaires.

Enfin elle a rappelé l’importance des jugements rendus pour les crimes contre l’humanité depuis la seconde guerre mondiale, comme ceux de Paul Touvier et de Klaus Barbie et elle a fait référence au Tribunal de Nuremberg où le Maréchal Keitel a évoqué le principe nazi de la disparition des opposants qui ne laissaient aucune trace.

Elle a demandé que la justice française ne permette pas que la France devienne un refuge pour les ceux qui commettent des crimes contre l’humanité.

La Cour d’Appel de Versailles, le 19 octobre 2017, a rendu un avis favorable à l’extradition de Mario Sandoval et la Chambre criminelle de la Cour de Cassation l’a confirmé cette fois par un arrêt exemplaire le 14 mai 2018. Suite à cette ultime décision de justice, conformément à la procédure prévue en France pour les extraditions, par décret du 31 Août 2018, le Premier Ministre français Édouard Philippe a ordonné l’extradition de M. Sandoval. 

La famille Abriata attend depuis 43 ans que justice soit rendue pour la disparition forcée de Hernan. De nombreuses associations et militants se sont mobilisés en Argentine et en France pour que Mario Sandoval puisse être jugé en Argentine. 7 ans de marathon judiciaire en France contre 1 heure pour enlever et faire disparaître le jeune Hernan Abriata.

Après l’avis rendu par le conseil constitutionnel, l’extradition de Mario Sandoval devrait être effective rapidement.

Les jugements pour crimes contre l’humanité sont essentiels pour que le travail de deuil et de mémoire puisse se faire dans les familles et dans les populations. Il faut aussi que les condamnations puissent être prononcés le plus vite possible après les faits pour que les coupables soient définitivement écartés des responsabilités politiques.

Il faut rappeler que Maurice Papon a été condamné très tardivement en 1998 pour complicité de crimes contre l’humanité, des faits de 1942 à 1944, donc 56 ans après.

Entre temps, il a été nommé préfet régional à Constantine en Algérie de 1956 à 1958 en pleine guerre d’Algérie où il a exercé ses fonctions de manière particulièrement répressive et en mettant sur pied des centres d’interrogation et de torture et un service unifié police-gendarmerie-armée pour effectuer des arrestations arbitraires.

Il a été aussi préfet de police à Paris entre mars 1958 et janvier 1967. Il a utilisé les mêmes méthodes qu’à Constantine pour combattre les mouvements de libération de l’Algérie et a réprimé sauvagement la manifestation interdite mais pacifique du 17 octobre 1961. La police française a alors massacré entre deux cents et trois cents manifestants, certains corps étant jetés dans la Seine et en a détenu dans des conditions inhumaines sept mille au Palais des sports de la porte de Versailles. Ces faits assimilables à un crime d’état n’ont jamais fait l’objet d’enquêtes et encore moins de condamnations.

Le 8 février 1962, la police a provoqué la mort de 9 militants lors d’une autre manifestation interdite appelée par les syndicats, le PC et le PSU contre l’OAS et pour imposer la paix en Algérie.

Maurice Papon sera ensuite remplacé par Maurice Grimaud en 1967 et placé à la tête de Sud Aviation, une entreprise publique où la situation sociale était compliquée et il devait couper dans les effectifs.

En avril 1978, il a été nommé Ministre du Budget sous la présidence Giscard. Il le sera donc au moment de la coupe du Monde en Argentine.

Après les événements de mai 1968 qui ébranlèrent le pouvoir gaulliste, dès le 7 juin, de Gaulle gracia les derniers membres de l’OAS encore emprisonnés et le 30 juillet 1968, une loi d’amnistie libéra les putschistes de 1961 dont le Général Salan. Ils purent tous rentrer en France et s’engager dans les comités d’action civiques qui étaient chargés de surveiller la population et de faire la chasse aux gauchistes pour éviter de nouvelles révoltes massives.

Sans enquêtes approfondies, et sans volonté politique, les administrations restent peuplées de fonctionnaires impliqués dans des crimes commis lors des régimes précédents.

En Espagne, les jugements sur les faits commis pendant le régime franquiste ont été très peu nombreux et le juge Garzon a fait l’objet en 2012 d’un procès devant le tribunal suprême de Madrid pour avoir enfreint la loi sur l’amnistie de 1977 pour enquêter sur les 100.000 disparus.   

En Argentine, l’annulation en 2003 des lois d’amnistie pour les faits commis pendant la dictature de 1976 à 1983 a permis de condamner 864 personnes pour crimes contre l’humanité (à date de fin décembre 2017).

L’Argentine a parfois été présentée comme un pays exemplaire pour avoir été capable de juger en interne, avec des tribunaux nationaux, ceux qui se sont rendus coupables de crimes contre l’humanité.

Des enquêtes sont en cours pour établir les responsabilités des dirigeants des entreprises Ford, Renault, Mercedes et Fiat qui dénonçaient aux militaires les délégués syndicaux considérés comme trop revendicatifs. Ils ont parfois mis à disposition des locaux dans l’entreprise pour des séances de tortures.  Deux dirigeants de Ford ont déjà été condamnés respectivement à 10 et 12 ans de prison le 10 et 11 décembre 2018.

Récemment, le 3 mai 2019, vient de s’ouvrir le procès à la Rioja de Cesare Milani qui a été Chef d’Etat major de l’armée argentine de 2013 à 2015. Il est jugé pour séquestrations et tortures de Pedro Olivera et de son fils Ramón en mars 1977.

Ces procès en Argentine se tiennent grâce au courage de celles et ceux qui témoignent contre les tortionnaires comme Silvia Suppo, enlevée et torturée en 1977, assassinée en 2010 par des sicaires quelques jours avant l’audience au tribunal qui devait juger ceux qui étaient impliqués dans la disparition de son compagnon Reinaldo Hattemer. 

Julio Lopez, témoin dans le procès Etchecolatz a été enlevé et reste disparu depuis le 18 septembre 2006.

Pétition pour l’extradition de Mario Sandoval.

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