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Billet de blog 25 avril 2020

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La mouvance basque fliquée par les services secrets russes.

Dans le jargon de Lubyanka, on appelle cela : « Verbovka ». On l’enseigne dans les écoles du KGB. Il n'est pas toujours nécessaire de payer pour recruter des agents. On peut aussi les flatter, les nantir de titres ronflants comme celui de « Consul honoraire », leur faire croire que l’on poursuit des buts identiques : indépendance aux indépendantistes, etc. On peut aussi les compromettre.

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Illustration 1
Solidarité Donbass -Pays basque © euskalherria-donbass

La Russie n’est pas si éloignée des bords de l’Adour. Les agents d’influence du Kremlin y sont omniprésents. Monsieur le Consul honoraire de Russie à Biarritz, Alexandre Miller de la Cerda, glorifie dans les salons dorés biarrots la dictature de son employeur moscovite. Le diplomate honoraire est aussi théologien. Il donne son avis sur la conduite à tenir par l’église de Biarritz, celles d’Ukraine et du Monténégro rebelles à Moscou. Son autorité est reconnue et personne n’ira troubler au Pays basque le repos mal-mérité des parents du dictateur Poutine dans leurs biens mal-acquis. Le Kremlin a su également mettre dans sa poche les traditionalistes de l’évêché de Bayonne. Seuls quelques réfractaires de l’église orthodoxe de Biarritz résistent courageusement.

Côté profane, les affaires vont tout aussi bien pour Moscou. Les adeptes de la « Kale borroka » (combat de rue, en basque) peuvent suivre les cours d’art militaire des Spetsnaz à la Gaztetxe de Bayonne, à Cambo et à Hasparren. Ce sont les écoles « Systema » du GRU, services secrets militaires russes. Vous ne verrez jamais écrit GRU sur le front d’un agent russe. Par contre, sur les pages de « Systema Pays basque », c’est écrit : « Tous les instructeurs sont certifiés par Vladimir Vassiliev ».

Illustration 2
Basque armé au Donbass © Facebok Trébinovich

En 2014, la propagande russe, reprise par la quasi-totalité de la presse basque, avait enrôlé des mercenaires en Ukraine orientale sous couvert de lutte contre les « fascistes » de Kiev et/ou pour soutenir les « séparatistes » russes du Donbass. En fait, c’était une nouvelle guerre de l’impérialisme russe désireux de prendre une revanche après sa cuisante défaite de 1991. Aujourd’hui, la propagande russe fonctionne encore à merveille. Le Kremlin s’apprête à faire mieux : utiliser les « conscrits antifascistes et séparatistes » dans leur propre pays de résidence : au Pays basque et en Catalogne.

À l’époque soviétique, le Komintern diffusait à l’étranger la seule idéologie communiste. L’absence actuelle d’idéologie officielle permet de les exploiter toutes pour mener des politiques intrusives très diverses dans d’autres pays. Lubyanka a conçu des Kominterns multifacettes susceptibles d’exploiter tous les courants de pensée, même les plus contradictoires. Le tour de force de Moscou a été de pouvoir enrôler, dans les mêmes rangs, des fascistes et des antifascistes, des séparatistes et des impérialistes, des anarchistes et des loyalistes, pour combattre pour lui au Donbass en 2014.

Cette stratégie porte le nom de « Guerassimov », chef d’État-major des forces armées russes. Les services secrets militaires russes sont à la manœuvre. Cette politique agressive devrait conduire à la déstabilisation des pays européens, de la CE, de l’OTAN, de l’Occident vainqueur de la 3e guerre froide mondiale en 1991. Le Kremlin désire négocier un nouveau Yalta. Poutine pense que telle est sa mission. La 4e guerre mondiale a débuté. Celle-ci est hybride. C’est avant tout une guerre d’information et des services secrets. Les peuples minoritaires crédules sont manipulés dans ce grand jeu géostratégique, mais ils seront à nouveau oubliés lors du prochain partage du monde.

Le GRU en Catalogne.

Denis Sergeev alias Sergey Fedotov est général-major des services secrets militaires russes (GRU). Il a effectué beaucoup de déplacements :

  • en 2015, à Belgrade lorsque le commerçant en armements Emilian Grebev fut empoisonné avec l’arme chimique russe Novitchok,
  • en 2017, en Grande-Bretagne lorsque ses subordonnés Anatoli Chepiga et Alexandre Mishkine ont tenté d’assassiner Andrey Skrypal et sa fille Julia avec le même poison militaire.

Mais, Denis Sergeev s’intéresse à tous les mouvements séparatistes. En 2016, il avait séjourné en Grande-Bretagne lors de la campagne du Brexit. Il s’était ensuite déplacé à Barcelone. Une première fois, le 5 novembre 2016 où il était resté six jours. Un an plus tard, le 29 septembre 2017, il y est revenu deux jours avant le référendum en Catalogne. Il est resté en Espagne jusqu’au 9 octobre, puis il est retourné à Moscou via Genève.

Le GRU au Pays basque.

Au petit-Bayonne, la propagande russe marche sur deux pattes : les « antifascistes » et les « séparatistes ». Quand l’une flanche, l’autre la remplace.

Le Kremlin a compris que des Basques sont sensibles aux idées de séparatisme. Dès qu’il y a un frémissement en Écosse ou en Catalogne, ils accourent. Ils se sont mobilisés pour soutenir les séparatistes du Donbass. Mais au Donbass, il n’y a pas de séparatistes. Il y a le « monde russe » de Poutine, copie du « monde allemand de Hitler ».

Les psychologues du Kremlin ont également joué avec un imaginaire historique qui sommeille dans le subconscient basque : les Brigades internationales lors de la guerre civile espagnole. En 2014, certains ont déployé son drapeau au Donbass. Ils se sont battus dans les rangs de la brigade internationale « Prizrak » du commandant Alexey Mozgovoy. Leurs frères d’armes étaient des fascistes de tout poil, dont ceux de la « Légion impériale russe ». Le 1er avril 2020, ces derniers ont célébré sur leur page VKontakt l’anniversaire de la victoire du Général Franco sur la République espagnole en 1939. Heureusement, le ridicule ne tue pas.

Illustration 3
Igor Beketov alias Gosha Tarasevich. © Pierre HAFFNER

L’homme qui apparaît sur la vidéo ci-dessous est une de mes vieilles connaissances. Il s’agit d’Igor Beketov, alias Gosha Tarasevich, acteur de profession. Première remarque, le canal s’appelle « Separatist TVU ». Il fait partie d’un groupe de chaînes YouTube qui s’intitule « Nouvelles du Donbass ». C’est donc bien une chaîne séparatiste du Donbass. La vidéo nous présente des antifascistes déchirant un drapeau ukrainien. À la tête des antifascistes, vous verrez ma connaissance Igor Beketov alias Gosha Tarasevich. Tarasevitch est un agent secret russe. Lorsqu’un agent russe dirige une manifestation, il est toujours en tête de celle-ci (croyez un homme d’expérience).

Illustration 4
Tarashevich frappe un policier © Gradus.ru

Sur la photo jointe, vous voyez Tarasevitch frapper un policier à Moscou. Il n’a pas été poursuivi. Toute autre personne aurait été condamnée à quelques années de prison pour cela. Seul un gradé peut se permettre d’envoyer impunément un coup de poing au visage d’un autre flic subalterne. J’ai eu affaire avec lui à plusieurs reprises. On l’appelle le lanceur d’excréments. Il jette sur les journalistes et opposants tout ce qui peut dégrader, irriter, colorer le visage. Lorsqu’il sévit à Moscou, il porte une oreillette qui lui permet de recevoir des instructions. Le séparatiste, l’antifasciste Igor Beketov alias Gosha Tarasevich est un agent des services secrets russes. Cela a été également révélé par « The Insider ».

Gosha Tarasevich, agent des services secrets russes. © Russia Today

Les nationalistes basques se sont fait enrôler dans un conflit qui ne les concerne pas. Ils ont été abusés pour servir de force d’appoint à l’impérialisme russe. Agissant ainsi, ils trahissent la cause des peuples minoritaires réprimés par Moscou sur l’espace post-soviétique. Pour certains, il s’agit d’un manque d’information. Pour les autres, c’est une question de conscience.

Dans tout cela, la France est toujours en retard d'une guerre.

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