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Billet de blog 6 novembre 2025

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Drones ukrainiens contre raffineries russes : une stratégie gagnante

Pour mettre la Russie en échec, il n'est nul besoin d'envahir physiquement le territoire : la fragilité économique du pays, encore aggravée par les frappes ukrainiennes contre les raffineries, permet encore de croire à la victoire de David contre Goliath

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Lors de l'assemblée générale de l'ONU, le président américain soulignait la vulnérabilité de l'économie russe par une expression paraphrasant la phraséologie ce Mao Zedong : selon lui, la Russie serait un "tigre de papier" qui n'a plus aucune maîtrise sur son économie. Un article du Monde se fait l'écho de ces propos en mentionnant une prévision de croissance de 1% pour l'année 2025, contre 4.3%  en 2024, avec pour conséquence une baisse de ressources fiscales. Pour financer un effort de guerre qui reste une priorité, l'état se voit contraint d'augmenter de 2% le taux de TVA. La prévision de déficit budgétaire passe de 0,5% à 2,6%, un taux que la plupart des pays occidentaux pourrait envier à la Russie si celle-ci n'était pas interdite d'emprunt auprès du système financier international. Les réserves propres de la Russie ne lui permettent plus de financer son propre déficit et, par conséquent son effort de guerre, qui dépend désormais uniquement de ses recettes pétrolières, elles aussi en régression de 19%, alors que les dépenses liées à la guerre avoisinent les 40% du budget.

Ainsi, la guerre russo-ukrainienne a évolué, depuis le début du conflit, en guerre socio-économique dont l'enjeu est le tarrisement de la production pétrolière russe. Les frappes de drones contre les raffineries ont désormais lieu jusqu'à plus de 1000 kilomètres à l'intérieur du territoire russe, avec une attaque contre une installation dans la région de Saint-Petersbourg et une autre contre un site situé dans l'Oural. C'est une opération de grande envergure qui a entraîné une baisse de 38% des capacités de raffinage et des pénuries pour les usages "civils". Cette tendance se trouve accentuée par une pénurie de main d'oeuvre dans le secteur pétrolier, liée aux besoins en recrutement militaire résultant des pertes importantes subies par l'armée russe. Confronté aux données fournies plus haut, l'article cité en lien montre aussi combien les exportations de pétrole ont chuté depuis 2024.

Si l'approvisionnement militaire ne semble pas impacté à ce stade, c'est aussi parce que la Russie a dû mettre à contribution les capacités de raffinage de la Biélorussie; Mais la stratégie ukrainienne a pour effet l'arrêt des exportations de pétrole au moins jusqu'à la fin de l'année. La stratégie ukrainienne reçoit un soutien de fait venant des Etats-Unis, puisque le président américain impose de nouvelles sanctions à la Russie, de nature à aggraver encore la situation économique de celle-ci. Par contre, Donald Trump tergiverse encore sur la livraison de missiles Tomahawk qui augmenteraient considérablement la puissance et la portée des frappes ukrainienne, car il a besoin de ces missiles pour assurer la sécurité dans le Pacifique et pense encore que les sanctions imposées améneront les russes à la table des négociations.

La revue Géo constate que la Russie possède la troisième armée du monde, mais n'arrive pas à protéger son propre territoire. Selon l'article cité en lien, la raison principale en est l'inadaptation des systèmes de défense anti-aériens contre les attaques massives de drones menées par l'Ukraine. Ces engins sont de petite taille, faciles à produire en grand nombre et à moindre coût, alors que les batteries anti-aériennes de la Russie ne peuvent en détruire qu'une infime partie, à des coûts très importants. Pour mettre en situation d'échec les forces russes, il n'y a aujourd'hui nul besoin d'une invasion par voie terrestre au risque d'y perdre ses forces dans les neiges de l'hiver, comme il est advenu à la grande armée et à la Wehrmacht. Il suffit d'une stratégie adaptée comme est celle de l'Ukraine. Et c'est pourquoi on peut continuer à croire, comme le soulignaient certains experts,  à l'éventualité d'une victoire ukrainienne, malgré la puissance de feu héritée des soviétiques. Et cela tiendra aussi au soutien des occidentaux, plus que jamais nécessaire pour la sécurité de l'Europe et le retour de la paix.

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