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Billet de blog 7 septembre 2023

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Le refus de l'aérien de participer à l'effort climatique

Ce qui provoque un rejet de l'aviation dans une large fraction de l'opinion, c'est le fait que le secteur refuse obstinément de prendre sa part dans la lutte contre le réchauffement climatique. Les récentes prises de position devant les mesures envisagées par le Gouvernement pour redonner de la couleur au train confirment ce refus.

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« Nous avons besoin d'investir massivement dans la transition écologique. Et l'une des sources de financement, c'est de demander aux modes de transport les plus polluants, la route et l'avion, de financer l'investissement, notamment dans le train, pour qu'il y ait plus de trains et que les prix soient moins élevés »

Cette déclaration de Clément Beaune suscite la colère des lobbies du transport aérien, qui se voient progressivement dépossédés des avantages fiscaux liés à leur activité. Les prélèvements sur un billet d'avion Paris-Nice, donne en exemple le Président de la Fédération Nationale de l'aviation et de ses métiers (FNAM), représenterait près de 50% du prix . Un regard sur la façon dont se décomposent les montants de ces prélèvements nous indique que les taxes "pures" - c'est-à-dire les taxes versées à l'état - ne représentent qu'un peu plus de la moitié de ce montant. La TVA sur ce vol Paris-Nice représente 10% du prix du billet, tout comme celle appliquée au transport ferroviaire. Il faut, au passage, mentionner que cette TVA est inexistante sur le vol Paris Barcelone pris en exemple par Audrey Boehly au cours de l'entretien avec le journaliste de l'émission télévisée "sur le front". Les autres prélèvements servent à financer le lobby de la Direction Générale de l'aviation civile (DGAC), à abonder le fonds lié au programme d'insonorisation des habitations en bordure des aéroports, à rétribuer le contrôle aérien, toutes prestations qu'il est normal de faire payer à l'utilisateur. A titre de comparaison, le prix d'un billet de train inclut une redevance de 35 à 40% pour l'utlisation des lignes. On ne peut donc pas dire que le billet du transport aérien est surtaxé de façon disproportionnée par rapport à celui du billet de train et cette confusion entre les taxes proprement dites et les redevances diverses témoigne surtout d'un refus de l'aérien d'assumer sa part dans la transition écologique, alors que ce mode de transport est dix fois plus polluant que le train. 

Toute cette argumentation vise, en fait, à détourner l'attention du privilège le plus éhonté de l'aviation civile : l'absence totale de taxation sur le kérosène du transport aérien. Pour les vols internationaux, ce privilège est régi par la convention de Chicago et seul un accord international peut y mettre fin. Cela permet au président de la FNAM de dire que "cela [la taxation du kérosène] ne marche pas, car cela n'est pas propre à la France". Ce qu'il "oublie" de dire, c'est que, pour les vols intereuropéens, rien n'empêche la mise en place de cette taxe par des accords bilatéraux entre pays. Pour les vols intérieurs, il est possible d'en fixer librement le montant. C'est ce qu'on fait les Etats-Unis, le Canada et le Japon où cette taxe carburant sur les vols intérieurs existe, alors que de telles mesures sont encore en discussion en Europe. En France, une pétition lancée récemment demande l'alignement des taxes sur le kérosène aérien sur celles pratiquées pour le transport routier. Elle a obtenu à ce jour plus que 88000 signatures. Il faut soutenir ce mouvement, car il aurait pour avantage de mettre fin aux compagnies low cost, qui sont le principal artisan de la concurrence déloyale entre le ferroviaire et l'aérien. Mais la perspective de taxation du kérosène, envisagée par le Gouvernement pour financer le redéploiement du ferroviaire, fait grincer beaucoup de dents : en particulier celles du président de la FNAM, qui se déclare "fermement opposé à cette taxation", et aussi celles du Président de l'Union des Aéroports Français (UAF) qui trouverait "plus juste et cohérent que ce soit les voyageurs du train qui contribuent au plan de financement du rail, plutôt que les passagers de l'aérien qui vont déjà devoir financer la transition écologique du secteur". Cette référence à la transition écologique du secteur apparaît ici comme un prétexte pour se décharger sur le ferroviaire de  tout effort en faveur du climat ! Ce refus s'exprime aussi dans les déclarations de la FNAM, qui dévoile son intention "d'utiliser tous ls reours juridiques possibles si les pouvoirs publics veulent aller jusqu'au bout de cette démarche". On ne peut qu'espérer que, comme récemment dans les recours des compagnies aériennes contre les mesures de plafonnement prises à l'aéroport d'Amsterdam Schiphol, les tribunaux feront la sourde oreille devant les lobbies.

Le patron de Corsair refuse que l'on considère que "l'avion, c'est le mal, tandis que le transport ferroviaire serait paré de toutes les vertus". Il y a pourtant beaucoup de riverains d'aéroports - dont je suis - qui sont pris en otage par l'aérien et voudraient voir le bruit et la pollution de ce secteur disparaître de leurs vies. Certains - dont je suis également - qui choisissent de renoncer à de voyages qu'ils auraient aimé faire en bannissant l'aérien de leurs modes de transports. Ceux-là ne manifesteront aucune sympathie à la cause de ce secteur et ne pleureraient pas devant une faillite des aéroports et du transport aérien. C'est peut-être une radicalité, mais elle exprime l'indignation devant un transport aérien qui ne manifeste aucun égard envers une population dont la vie est rythmée par des nuisances aériennes, que le récent PPBE, piloté par la DGAC et récemment approuvé par le Préfet du Val d'Oise , refuse obstinément de prendre en compte.  

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