Un article du Monde avait déjà suscité une contribution de ce blog, pour en conclure que seules étaient acceptables les solutions qui s'attaquaient aux causes du réchauffement climatique et non aux effets. Nous passerons donc rapidement sur ce que Science et Avenir appelle "les impasses de la géo-ingenieurie solaire", qui consistent globalement à détourner les rayons du soleil pour refroidir la terre, que ce soit par injection d'aérosols dans la stratosphère, par éclaircissement des nuages marins, par amincissement des cirrhus ou par réflexion de la lumière dans l'espace. Le renfroidissement temporaire obtenu par ces solutions aurait pour effet d'inciter à émettre davantage, aux dépens des océans dont l'acidification est une des causes majeures de l'accumulation carbonée dans l'atmosphère. Et c'est là que le titre de Science et Avenir apparaît préter à confusion : ce n'est pas la science qui est sollicitée pour sauver la planète, mais une bioengiéneurie qui ne reçoit aucunement la caution des scientifiques, dont les avertissements sont largement ignorés par les pouvoirs décisionnaires.
Mais puisque la COP30 va remettre en débat l'utilisation de ces procédés, il convient de les remettre à l'ordre du jour. Il faut d'abord constater que la revue passe très rapidement sur les méthodes d'apprenti-sorcier citées dans le paragraphe précédent, mais met en exergue les procédés technologique qui permettraient d'alléger la surcharge carbonée par captation du CO2 et traiteraient ainsi la principale cause du dérèglement climatique. Ces procédés de décarbonation de l'atmosphère ont commencé avec avec le projet Coda Terminal, qui permet de stocker dans les roches poreuses de l'Islande le carbone minéralisé capté à la sortie d'usines ou transporté en bateau sous forme liquide depuis d'autres pays d'Europe. Le procédé, selon l'article de Science et Vie, permet de stocker le carbone sous forme stable, mais pourrait être limité dans sa généralisation, car peu de régions possèdent les caractéristiques des terres islandaises : une abondance d'énergies géothermiques qui permet de réaliser l'opération avec une empreinte carbone faible et une roche poreuse qui favorise le stockage. Et la capacité de captation (0,1% des émissions) apparaît dérisoire au regard des émissions actuelles (40.7 milliards de tonnes, dont 16,9 sont captés par les puits terrestre et océanque, soit 16,9 milliards de tonnes ajoutées par an).
D'autres procédés de captation sont également dans les cartons. Le géologue Thomas le Guéan détaille les critères qui doivent caratériser un bon site d'enfouissement : "D'abord, dit-il, une roche réservoir suffisamment poreuse et perméable pour accueillir le gaz et permettre son injection à débit industriel. Ensuite, une roche "couverture" imperméable et continue qui assure le confinement et empêche toute remontée de CO2". On pourrait ajouter que les sites choisis doivent exclure tout danger de secousse sysmique. Un des projets mis en avant par le magazine Science et Avenir" est celui de Northern Lights, financé conjointement par l'état norvégien et par les deux pétroliers Shell et Total. Actuellement limité à 1,5 millions de tonnes, il pourrait, selon les prévisions, extraire 5 millions de tonnes annuelles en 2028. Il s'agit d'un procédé pourvu d'un système d'oléoduc pour amener le CO2 liquéfié sur les sites d'enfouissement dans les profondeurs de la Mer eu Nord. Le journal Libération fait une description du procédé et interroge sur la viabilité à long terme du procédé : les capacités de stockage sont plus limitées que sur terre et les sites choisis pourraient arriver à saturation vers 2100, le procédé ne faisant alors que transférer le problème à l'horizon de la deuxième génération après la nôtre. Il en sera de même en cas de libération du CO2 enfoui, qui provoquerait une acidification massive des profondeurs marines, alors que celles-ci sont aujourd'hui relativement épargnées. Même si, comme le dit une ingénieure du service géologique national, une caractérisation minutieuse du sous-sol est systématiquement effectuée, via le prélèvement de carottes et des techniques géophysique permettant une sorte d’échographie à grande échelle, pour s’assurer que toutes les conditions de confinement sont remplies, le risque n'est pas plus à relativiser que celui d'une explosion de centrale nucléaire, car c'est une menace de la même nature que la libération de gaz à effet de serre, mais concernant plus encore les générations futures.
La question qui se pose inévitablement concernant Northern Lights et les méthodes similaires est celle du "bénéfice" (ou du déficit) en émission de gaz à effet de serre une fois prises en compte celles liées à la méthode de transport vers le site d'enfouissement. Le manque d'informations sur ce point doit amener à exprimer des réserves sur ces projets. De plus, il est expliqué dans le document de Science et Avenir que l'ensemble de ces méthodes permettrait de soustraire 12% des rejets mondiaux actuels, ce qui n'est pas négligeable, mais ne dispensera pas d'un effort "à la source" pour limiter les rejets de l'industrie. De fait, la sobriété énergétique demeure un impératif incontournable, mais le risque est important de voir les industriels continuer à utiliser des crédits carbone moins coûteux, mais aussi peu significatifs en termes de décarbonation effective.
A côté des installations destinées à décarboner l'air, le magazine classifie d'autres "solutions" et les catégorise en deux groupes :
L'océan stocke le carbone cinquante fois plus efficacement que l'atmosphère, nous dit l'article intitulé "les promesses de la pompe océanique". Il le fait par eux mécamismes de séquestration du carbone en activité dans l'océan : l'activation de la photosynthèse réalisée principalement par le pancton et l'enfouissement du CO2 dans les profondeurs de l'océan, un mécanisme propore à l'Atlantique Nord et à l'océan austral, dont les eaux froides et denses plongent dans les profondeurs de l'océan en y emportant le CO2 qu'il contient. Dans le même temps, les deux processus tendent à maintenir l'alcalinité des océans et ont donc un effet régulateur sur le pH des eaux de surface. Mais les canicules marines ont un effet de ralentissement sur ces deux mécanismes.
Les océans, qui - rappelons le - occupent plus de 70% de la surface terrestre, sont aussi le principal puits à carbone, loin devant la photosynthèse forestière. La bioingénieurie va donc s'attacher à stimuler les mécanismes qui aboutissent à la captation par la biodiversité océanique du CO2 émis dans l'atmosphère, mais tous les procédés en projet ont des effets collatéraux, comme la fertilisation par le fer qui peut avoir des effets secondaires dans des zones très éloignées de celles de l'ensemencement : "si on enrichissait en fer l'océan austral - nous dit un océanologue, les eaux très poissonneuses du Chili et du Pérou connaîtraient d'importantes baisses de biomasse". Cette méthode d'autant moins l'aval des scientifiques que les quantités de CO2 atmosphérique qu'elle pourrait extraire (entre 0.1 et un milliard de tonnes par an) sont négligeables à côté de la quantité de CO2 (40 gigatonnes) émises annuellement. Il y a aussi le coût énergétique de l'opération elle même, qui mobiliseraient des milliers de navires qui, bien évidemment, ne sont pas pris en compte dans le bilan global de l'opération. Cette méthode est donc à classifier parmi les méthodes d'apprenti sorcier issues de l'imagination des soit-disant "bioingénieurs". Et le même océanologue de conclure : "Nous avons aujourd'hui suffisamment d'informations pour ne pas continuer à promouvoir ces méthodes fondées sur la biologie".
Mais, à côté de ces méthodes, il y a des opérations de restauration réussies, comme celle des mangroves, qui stockent le carbone atmosphérique quatre à dix fois plus vite que les forêts tropicales. Les mangroves ont d'autres fonctions dans la stabilité de notre planète, comme le rôle de "rempart" qu'elles exercent contre l'érosion côtière ou celui de préservation de la biodiversité qui est aussi le leur. Ce sont donc ces méthodes qu'il faut privilégier plutôt que d'introduire dans les écosystèmes mains des "corps étrangers" dont on ne mesure pas les effets.
Mais revenons sur terre : Les données scientifiques suggèrent que la résilience de la nature est, bien plus que la mise en oeuvre de technologies complexes visant à extraire le CO2, le meilleur allié du climat est la nature elle même. Mais, nous dit Science et Avenir, Toute lutte contre le réchauffement climatique doit d'abord passer par la préservation des puits de carbone naturels ou la restauration de ceux qui ont disparu. Pendant la COP30, chaque pays devait détailler les mesures prises dans ce but. Or, le bilan est catastrophique, avec ces méga-feux à répéttion qui ravagent les forêts, responsables à eux seuls de 8,6 milliards de CO2, soit 15% des émissions. Il serait donc indispensable de mettre en plce des plans de lutte efficaces contre ces incendies. Mais il y a une question que personne ne semble se poser : quand la sécheresse aura tari tous les points d'eau sur lesquels les Canadair viennent se réapprovisionner, comment ferons-nous pour éteindre ces incendies ?
Il y a la restitution des terres à l'agriculture et à la forêt. Le GIEC nous dit que "le secteur agricole et forestier peut fournir un potentiel d'atténuation du changement climatique à un coût relativement bas" et fournit des données numériques : 20 à 30% des réductions d'émissions supplémntaires nécessaires pour respecter les accords de Paris, 7,3 milliards de tonnes de réduction par an. Mais il faudrait commencer par ne pas en artificialiser de nouvelles, comme dans le cas du projet insensé de canal Seine Nord Europe, qui sollicitera plus de 3000 hectares de terres arables et détournera de l'usage agricole et domestique l'équivalent de 22 mégabassines Sainte Soline. Parmi les décideurs qui se paient de mots avec la notion "d'artificialisation nette zéro", combien sont prêts à passer à l'acte ?
Le secteur agricole peut apporter une contribution importante en rétablissant des pratiques ancestrales tombées en désuetude, telles que l'agroforesterie : restauration des haies détruites au nom de la compétitivité économique au moment du remembrement qui étaient une source de biodiersité ; coexistence sur les surfaces agricoles de surfaces arboricoles réparties autour et sur les surfaces cultivées. Les arbres ont l'avantage de créer un microclimat favorable à l'agriculture. Mais les déclarations d'intention officielles se heurtent à deux murs : l'inaction politique qui tolère les atteintes à la santé publique liées aux pesticides (loi Duplomb, heureusement retoquée par le Conseil Constitutionnel sous la pression d'une pétition ayant recueilli plus de deux millions de signatures) et les lobbies tous puissants de l'agriculture industrielle.
Et, aujourd'hui, ni la science, ni la technologie ne sont en mesure de sauver le climat car tout ce qu'il serait possible de tenter se heurte à une réalité : les crédits carbones, dont il est également question dans le dossier de Science et Avenir, sont très controversés quand ils sont utilisés pour permettre aux entreprises d'acheter un permis de polluer contre des mesures souvent inefficaces. Mais a-t-on besoin d'acheter des crédits carbone pour déclencher des guerres destructrices de l'environnement ?