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Billet de blog 8 mars 2023

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La géoingenieurie au secours de la planète ?

"Manipuler le climat, une tentation à haut risque", titre le Monde à propose de la géoingenieurie, un ramassis de propositions d'apprentis sorciers en plein délire qui a pour prétention d'apporter des solutions technologiques au réchauffement climatique.

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 Les propositions sont émises sans la moindre notion des effets collatéraux qu'elles pourraient engendrer, raison pour laquelle, dans le podcast "dernières limites" d'Audrey Boehly, Valérie Masson-Delmotte dit explicitement que ces méthodes ne sont en aucun cas cautionnées par la science. 

Le journal "Le Monde" dresse un inventaire succint de ces méthodes. Celles-ci ont toutes un point commun : empêcher que le monde suffoque sans aucunement traiter la cause principale du réchauffement climatique, l'accumulation de gaz à effets de serre dans notre atmosphère. Les procédés décrits ici ressemblent plus à un prétexte technologique pour ne rien faire contre les émissions de gaz à effet de serre qu'à une véritable solution.

Le lancement de "satellites miroirs", l'envoi d'aérosols dans la stratosphère, la pulvérisation "en continu" de sels marins dans l'air,  sont des procédés destinés à détourner les rayons du soleil. Mais les apprentis sorciers ont-ils entrepris des études scientifiques sérieuses pour déterminer et évaluer les conséquences possibles de leurs bricolages sur le moyen et long terme ? Ont-ils envisagé les effets collatéraux sur la photosynthèse dont a besoin l'agriculture pour nourrir les hommes ? Se sont-ils posé la question des effets sur la biodiversité de l'acidification des océans, qui ne pourra être maitrisée que si les émissions de CO2 sont durablement diminuées ? Bien au contraire, car ces projets hors sol ne visent qu'à servir d'alibi pour maintenir le rythme d'une croissance que, depuis 50 ans, les conclusions du rapport Meadows décrivent comme insoutenables sur le long terme. Une chercheuse au CNRS dénonce ces tentatives de greenwashing : pour elle, la limitation des émissions de CO2 est inontournable et   "à la place de ça, on continuerait à émettre des gaz à effet de serre et on rajouterait des gaz supplémentaires, donc c'est un peu dangereux".

"Un peu dangereux" est un bel euphémisme : La mise en place de ces méthodes est un révélateur d'une absence totale de cadre juridique pour les réglementer et de méthodes scientifiques pour en évaluer les effets collatéraux.  : l'article du Monde cité plus haut mentionne qu'un milliardaire américain a, de sa propre initiative et sans aucun discernement, lâché dans le ciel des ballons d'hélium, dans le but de répandre des particules soufrées dans la haute atmosphère. Une telle initiative est inspirée de l'éruption du Pinatubo, dont les rejets massifs de soufre, qui s'évaluent en millions de tonnes, ont fait baisser la température terrestre d'un demi degré pendant deux ans. Mais l'initiateur de ce projet se rend-il compte des quantités et de la périodicité des déversements de soufre dans l'atmosphère ? Les  scientifiques mettent en garde : ce procédé et sa répétition  pourraient réduire à néant les succès d'une  collaboration mondiale qui a permis de restaurer la couche d'ozone. La question se pose donc : doit-on empêcher les riches électrons libres de mener de telles expériences sans connaissances réelles de leurs conséquences collatérales et surtout a-t-on les moyens institutionnels de le faire ?

D'autres méthodes de géoingénieurie visant à provoquer des pluies à la demande peuvent avoir d'autres conséquences, à l'exemple d' une guerre froide de l'eau, déjà commencée entre la Chine, l'Inde et le Pakistan, sous forme de retenues d'eau contraires à à l'accord de l'Indus de 1960, qui régit la répartition de l'eau himalayenne entre ces trois pays. Cette situation pourrait un jour déboucher sur un conflit armé, éventualité aggravée par une donnée supplémentaire : la maîtrise technologique de la Chine lui permet de déclencher des pluies à la demande par ensemencement des nuages sur certaines de ses régions, au détriment de l'hydrologie des régions voisines. La géoingenieurie n'est donc pas seulement une menace pour l'environnement, mais aussi pour l'équilibre géopolitique de la planète. 

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