Le Huffington Post (HP) en date du 30 novembre publie, sous forme d'un graphique, les conditions du succès pour la COP 21. Le même journal, à la fin des débats, titre : "Comment la France a transformé l'échec annoncé de la COP 21 en un succès inespéré".
Le graphique montre les conditions dans lesquelles on peut parler de "succès inespéré" et pour que l'avis du HP soit cohérent, il est nécessaire de montrer que ces conditions sont bien réunies.
- La mise en place d'un accord sans quoi on se dirige vers un "échec humiliant" (c'est la moindre des choses, dira-t-on, mais cela n'avait pas été le cas à Copenhague).
- Il faut que cet accord soit signé par chaque pays.
- Les pays riches doivent s'engager à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Ce sont historiquement les pays riches qui sont les principaux responsables, depuis le début de l'ère industrielle, des émissions de gaz à effet de serre. Un billet de blog lu récemment faisait remarquer que si on se place dans une perspective historique plutôt que de prendre une photographie instantanée, la Chine n'est que le quatre-vingt troisième pollueur mondial. Les indiens et les chinois nous ont d'ailleurs clairement fait comprendre qu'il serait illégitime de leur demander un effort contraignant si nous ne sommes pas prêts à fournir le principal de cet effort.
- Les pays en développement doivent prendre le même engagement. Mais ils ne tiendront cet engagement que si les pays du Nord tiennent les leurs.
- L'accord doit être suffisant pour que l'on reste sous les 2°C. Cette limite de 2°C n'est pas considérée comme suffisante par les pays qui ont déjà "les pieds dans l'eau", car elle n' empêchera pas la fonte des glaces et l'élévation du niveau des océans.
- L'accord doit être juridiquement contraignant. Ici, avant même le début des négociations, la principale difficulté venait des Etats-Unis, en la personne de son secrétaire d'état John Kerry, qui déclarait ne pas pouvoir faire accepter cette clause par la majorité parlementaire républicaine.
- Le financement d'un "fonds vert" , évalué à 100 milliards de dollars annuels, principalement fourni par les pays riches. Ce devait être l'engagement financier des pays riches, sans lequel l'Inde avait déjà fait savoir qu'elle ne signerait pas l'accord.
Alors le succès est-il vraiment "inespéré" ? Il est curieux que ce succès ne soit pas mesuré par le HP à l'aune de ses propres critères ! Car des opinions contraires s'expriment. Le Point parle d'un immense succès diplomatique, mais d'un échec climatique :
- Le "fonds vert" de cent milliards de dollars annuels reste à l'appréciation des pays donateurs. Il n'y a donc aucune clause contraignante. Aussi le succès diplomatique réside-t-il dans le fait qu'on ait réussi à faire signer l'Inde sur la foi de promesses, qui repoussent jusqu'en 2025 l'appréciation d'un nouvel objectif.
- Le côté non-contraignant de l'accord apparaît dans ce que nous pourrions appeler la controverse du "shall" (doit) et du "should" (devrait), également mentionnée par Médiapart. Ce sont les américains qui ont exigé l'emploi de ce conditionnel et cela montre qu'ils ne sont pas prêts à s'engager vraiment. Ils n'ont sans doute pas eu encore assez de tornades, d'ouragans destructeurs, de sécheresses. Le jour où les forêts de Californie ne seront plus qu'un tas de cendres, ils se réveilleront peut-être, mais il sera trop tard. La même remarque vaut pour l'Australie, qui s'était déjà signalée au préalable par la faiblesse de ses engagements.
Et de toute façon, souligne le Point, un accord quel qu'il soit peut-il être contraignant si les moyens de contrôle sont aléatoires et qu'il n'existe aucune structure juridique permettant de le faire respecter ?
- L'objectif des deux degrés d'augmentation est loin d'être réaliste : les engagements pris par les pays laisseraient plutôt augurer de 3°C.
Les experts confirment cet avis sous le titre "les sept points qui fâchent" :
- Jean Jouzel confirme que nous sommes sur une trajectoire de 3°C, ce qui est encore beaucoup trop.
- Jean Tirole souligne que "la tarification carbone a été enterrée dans l'indifférence générale". Il s'agissait là d'un autre compromis pour obtenir l'adhésion de deux pays qui étaient vent debout contre cette mesure, le Vénezuela et l'Arabie Saoudite. Mais c'est ainsi que, de compromis en compromis, on arrive à vider un texte de sa substance.
- Nicolas Hulot : "La date de la première révision obligatoire [des engagements des parties] est trop tardive, puisqu'elle est prévue en 2025. Ce serait dix ans de perdu. Il faut obtenir que des pays décident volontairement de réviser leurs engagements avant 2020".
- Kumi Naido : L'accord va nous aider à nous désembourber de la crise climatique, mais il est loin d'être satisfaisant. L'injustice transpire dans ce texte. Les pays à l'origine du problème ont promis trop peu d'aides pour les populations sur les lignes de front du dérèglement climatique, qui sont déjà en train de perdre leurs moyens de subsistance et la vie".
- Maxime Combes confirme le caractère non-contraignant de l'accord et les insuffisances en matière d'engagement de financement.
Alors, selon les critères mêmes énoncés par HP, l'accord signé à Paris est, au mieux, "un accord insuffisant, mais qui prépare l'avenir", mais surement pas"un succès inespéré". Depuis quatre ans que nous pratiquons Hollande, son irrésolution et son inertie, Il y a un grand danger que notre gouvernement se contente de ce succès d'estime qui redore (temporairement) son blason.
Les propositions en matière de climat ne manquent pas, notamment de la part de Nouvelle Donne qui y a consacré un atelier thématique dont émanent des propositions concrètes. La question du financement est également débattue et le parti propose que l'argent dégagé par la BCE pour entretenir la spéculation des banques fasse l'objet d'un accord européen qui le réorientrait vers la lutte contre le dérèglement climatique. Il faut soutenir d'urgence toute initiative politique ou associative, pour éviter que notre avenir, ce soit ça !

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