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Billet de blog 25 mars 2025

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Antisémitisme versus antisionisme : une tribune qui brasse du vent

Lorsque les lignes de séparation de la géopolitique coïncident avec les clivages religieux, les conflits se tranforment en guerres de religion, où tous les fanatismes se libèrent. Et ce n'est pas la solution irréaliste à deux états préconisée par les signataires de la tribune qui calmera les antagonismes.

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Puisqu'on parle d'antisémitisme, il convient tout d'abord d'en rappeler les origines. Si on compare la situation des juifs dans les états chrétiens du Moyen Age et dans les états musulmans d'Espagne et d'Afrique du Nord, on comprend vite que l'antisémitisme est d'origine chrétienne, avec une Église Catholique qui a fait de l'endoctrinement des masses un des instruments de sa puissance : la notion de "peuple déicide" est le fondement même des persécutions contre les juifs qui ont ensanglanté l'histoire du Moyen Age. Et dans le monde chrétien de cette époque, les prises de parole sont rares à la défense des juifs, comme celle de Bernard de Clairvaux qui, contre l'hystérie collective qui a accompagné les prêches de la deuxième croisade, dit : "Ne touchez pas aux juifs, car ils sont la chair et les os du Christ". Par cette simple phrase, le moine cistercien est un des rares à reconnaitre la filiation entre Judaïsme et Christianisme, trop longtemps oubliée dans les pays chrétiens. 

La notion de "peuple déicide" a disparu des discours avec la perte d'influence de l’Église, parce que de moins en moins de gens croient en Dieu. Aujourd'hui, seuls quelques chrétiens qui n'ont rien compris au message de pardon véhiculé par l’Évangile osent encore prononcer ces deux  mots. Mais si les causes primitives de l'antisémitisme ont disparu, celui-ci a continué à imprégner les mentalités dans toute l'Europe,  comme le rappellent entre autres la Shoah perpétrée au nom des délires nazis et les vagues antisémites qui secouent la France aujourd'hui. 

L'antisionisme est d'une tout autre nature : la création de l'état d'Israël, c'est la "réparation" d'un crime commis contre les juifs par l'Europe, expié par les arabes palestiniens en référence à une mythologie biblique qui faisait de la Palestine la terre promise par Jéhovah à son peuple élu. Cette simple formulation exprime tout l'absurde de la décision de partage de la Palestine prise en 1947 par l'ONU, qui n'avait pas prévu que les juifs, une fois installés en Palestine, multiplieraient les actes d'intimidation pour chasser les populations d'origine.  Cette politique de la terreur à l'égard d'une population antérieure à Israël explique, à elle toute seule, pourquoi, en moins de 80 ans, on en est arrivé à cinq guerres israélo-arabes et à une déstabilisation du Moyen Orient, dont la proclamation de l'état d'Israël est l'acte fondateur.

Aussi ne peut-on pas adhérer à la proposition contenue dans la tribune du Monde : "Pour que l’antisionisme ne serve plus de prétexte à l’antisémitisme, c’est à la République de protéger les juifs en intégrant dans sa loi l’antisionisme comme nouvelle forme d’antisémitisme". il y a une intransigeance israélienne qui est génératrice de conflits et ce n'est pas de l'antisémitisme que de le dire. S'il n'est que trop vrai, comme le dit cette tribune, que l'antisioniste justifie trop souvent l'antisémitisme, la confusion entre les deux est une malhonnêteté intellectuelle, qui ne doit pas être inscrite dans la loi. J'ai moi-même écrit deux articles sur le sujet (en lien à la fin de l'article). Je ne les effacerai pas de mon blog Médiapart, même si, un jour, une loi prétend m'y obliger car ma réprobation d'un antisémitisme récurrent ne saurait justifier la moindre complaisance à l'égard de la politique de l'état hébreu. Et les personnalités juives opposées à la politique d'Israël, dont il est fait mention dans ces deux articles, sont-elles coupables de haute trahison ?

Lorsque les lignes de séparation de la géopolitique coïncident avec les clivages religieux, les conflits deviennent des guerres de religion, où tous les fanatismes se libèrent. Vouloir expliquer ça, ce n'est pas approuver les crimes du HAMAS ou les attentats en Europe, c'est essayer de comprendre pourquoi on en est arrivé là. Et si une solution existe à ce problème qu'on a tout fait pour rendre insoluble, ce n'est certainement pas celle irréaliste à deux états , obsolète dès 1948, lorsque les hébreux se sont taillé militairement la part du lion dans le partage de la Palestine. Elle peut encore moins aujourd'hui mettre fin à l'antagonisme  israélo-arabe. 

https://blogs.mediapart.fr/pierre-sassier/blog/260218/israel-ueber-alles
https://blogs.mediapart.fr/pierre-sassier/blog/080518/aux-origines-de-la-question-palestinienne

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