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La perte de la végétation à Bahia s'est produite rapidement. Depuis 1985, il y a eu une réduction de 23,1% de la couverture du biome savane dense ("cerrado"), de 15 % de la forêt atlantique ("Mata Atlântica") et de 11,6% du biome savane épineuse ("caatinga").
Dans une comparaison entre les 27 États brésiliens, Bahia se classe au 4e rang en termes de superficie totale de végétation native perdue au cours de la dernière décennie (Pedro Luis Bernardo da Rocha et autres auteurs, février 2021)**.
Et ce scénario se poursuit, puisque, selon le rapport annuel sur la déforestation 2021 (PDF) de la chaîne d'associations, d'entreprises, d'universités et d'ONG MapBiomas publié en juillet 2022, l'État de Bahia occupe la 5e place en matière de déforestation en 2021, avec 9,19 % de la surface déforestée du pays, correspondant à 152.098 hectares.
Ensemble, les États du Pará, d'Amazonas, du Mato Grosso, du Maranhão et de Bahia concentrent la moitié de la superficie déboisée du pays en 2021. Le rapport souligne également que les États où la déforestation a le plus augmenté en chiffres absolus sont Amazonas (64 673 ha) et Bahia (46.160 ha).
Cependant, l'augmentation du PIB de l'Etat de Bahia, par habitant, au cours de cette période a été beaucoup plus faible que celle d'autres États qui n'ont pratiquement pas supprimé la végétation. Pire encore, la réduction des inégalités sociales au cours de cette période, mesurée par le Coefficient de Gini, a été la deuxième plus mauvaise du Brésil au cours de la dernière décennie, ce qui indique que la suppression importante de la végétation native n'a pas contribué à réduire l'écart de revenus entre les plus riches et les plus pauvres de l'État.
Une analyse comparative uniquement entre les municipalités de Bahia indique qu'il n'y a pas de relation entre la quantité de végétation native supprimée dans une municipalité et l'évolution de son indice de développement humain (IDH) : les municipalités qui ont perdu plus de végétation native n'ont pas de meilleurs indicateurs de travail, de santé et d'éducation que les municipalités qui n'ont pas supprimé la végétation native. Ainsi, les populations de ces municipalités, en plus de ne pas bénéficier directement de la suppression de la végétation native, doivent faire face aux responsabilités environnementales dérivées de la perte des services qui étaient fournis par les écosystèmes naturels supprimés, ce qui augmente la vulnérabilité sociale de ces populations et les conflits socio-environnementaux qui en résultent (Pedro Luis Bernardo da Rocha et autres auteurs, février 2021)**.
Une analyse de plus de 4.000 "autorisations de supression de végétation" (ASV) émises par l'INEMA et publiées dans le Diário Oficial do Estado (DOE) entre janvier 2010 et juillet 2020 par l²organisation sans fins lucratives IMATERRA et l' université fédérale de Bahia (UFBA) (2020), a indiqué que la suppression de plus de 800.000 hectares a été autorisée, une superficie équivalente à 26,4 fois la zone territoriale continentale de la municipalité de la capitale, Salvador de Bahia. À titre de comparaison, le Mato Grosso, le plus grand État producteur de soja du Brésil, a délivré 580 autorisations de suppression de la végétation native entre 2009 et 2018 (Raoni Rajão ; 2020)***.
Douze des 20 municipalités pour lesquelles l'État de Bahia a autorisé les plus grandes zones de suppression de la végétation native se trouvent dans la région du cerrado, à l'ouest de Bahia. Ces données indiquent que la quasi-totalité de la suppression de la végétation native qui a eu lieu dans l'État de Bahia au cours de cette période a été autorisée par le gouvernement de l'État, représentant ainsi une politique gouvernementale publique.
Cela diffère de la réalité d'autres États comme le Mato Grosso, où des études menées par André Vasconcelos *, indiquent que 97 % de la déforestation totale dans la période de 2012 à 2017 était illégale **. Le concept de politique publique peut faire référence à une déclaration du gouvernement sur ce qu'il a l'intention de faire, au moyen d'une loi, d'un règlement, d'une norme, d'une décision, d'un ordre ou d'une combinaison de ces actes. Mais son absence peut aussi configurer une déclaration implicite de politique publique, comme une politique tacite (Thomas A. Birkland, 2015)
Dans le cas de Bahia, la flexibilisation et les reculs mis en œuvre dans la législation environnementale de l'État, en mettant l'accent sur la publication du décret n° 15.682/2014, qui a modifié le décret d'État n° 14.024/2012, exemptant de licence les entreprises agro-sylvo-pastorales, indiquent que l'autorisation massive de suppression de la végétation native a été intégrée comme une politique de l'État. Ce revers a généré la recommandation n° 08/2016, du ministère public fédéral, au gouverneur Rui Costa de révoquer le décret d'État n° 15.682/2014, visant le plein exercice de la compétence accordée à l'organe étatique par l'art. 23, VI et VI, de la Constitution fédérale et l'art. 8 de la loi complémentaire n° 140/2011.
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(*) VASCONCELOS, André e outros : Desmatamento ilegal e exportações brasileiras de soja: o caso de Mato Grosso. Trase. Earth, Issue Brief 4, p1-15.
(**) Voir la vidéo (en portugais) :
https://www.youtube.com/watch?v=Q0eyYBgnYcc
(***) The rotten apples of Brazil’s agribusiness Brazil’s inability to tackle illegal deforestation puts the future of its agribusiness at risk. (RAJÃO, Raoni) in Science, Vol 369, Issue 6501, 2020.
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(26/8/2022) BRÉSIL Le déboisement irrégulier, «politique d'État» du gouvernement de Bahia (1/2)