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Billet de blog 1 juin 2015

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Poutine-Hollande : la paille et la poutre

Anna Colin Lebedev livre une analyse très intéressante sur la situation en Russie et l'omerta qui s'y réinstalle. Cette omerta a d'autant plus de chance de prospérer que le pouvoir russe, non sans raison, invoque la menace qui pèse sur le pays par les manoeuvres des pays occidentaux visant à le déstabiliser.

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Anna Colin Lebedev livre une analyse très intéressante sur la situation en Russie et l'omerta qui s'y réinstalle. Cette omerta a d'autant plus de chance de prospérer que le pouvoir russe, non sans raison, invoque la menace qui pèse sur le pays par les manoeuvres des pays occidentaux visant à le déstabiliser. Le pouvoir français utilise la même stratégie pour entretenir la peur dans l'opinion et provoquer son adhésion à l'arbitraire du paradigme sécuritaire avec la menace "terroriste".

© manuel ferré

Il n'est pas question de remettre en cause le propos d'Anna Colin Lebedev, mais il y a un paradoxe.

S'il est clair qu'Anna Colin Lebedev parle de ce qu'elle connaît le mieux, son discours ne doit pas servir à éclipser ce qui se passe en France.

Anna Colin Lebedev n'y est pour rien et le phénomène est déjà ancien ; mais il y a un paradoxe à entendre en France critiquer les Russes à propos de leur pouvoir, qu'ils soutiendraient à 86%, quant très peu de Français ne s'émeuvent d'être gouvernés par un président qui ne recueille plus que 15% d'opinion favorable, ou d'un premier ministre au socialisme (très) allégé qui voit dans l'adhésion de 40000 "socialistes" le prétexte de sa légitimité politique et le moyen d'appeler une telle motion  "majoritaire", dans un pays de 65 millions d'habitants, faisant du PS une queue de comète de la politique (Cambadélis, roi nu de Solférino) qui ne satisfait pas la gauche (Alexis Corbière au PS : « Unité oui, porter les valises non ! »), si tant est qu'elle existe au delà des baratineurs, tant elle brille par l'absence d'action concrète dans les Assemblées pour faire obstacle à la remise en cause des droits fondamentaux.

En effet, où es la gauche quand on considère la régression sociale mise en oeuvre par Emmanuel Macron ou de l'inconvetionnalité et inconstitutionnalité de la loi Urvoas, soutenue par une Assemblée qui méprise l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen ?

Cet escamotage de la politique qui se réduit à des commentaires ou des discussions de comptoirs sur les petites phrases et s'abstient de critiquer l'absence de fond, de programme, de réflexion n'est pas digne d'une démocratie.  Le baratin insipide des "Les Républicains" est emblématique de cette paresse intellectuelle qui explique le désintérêt de l'électorat, lequel ne peut pas se satisfaire d'une actualité politique se limitant à l'effet d'annonce, au slogan ; car l'essentiel ne peut pas résider dans le changement d'étiquette quand le produit reste le même (De l’UMP aux Républicains : l’opération de blanchiment de Sarkozy ; Les comptes de l'UMP, cas d'école pour une future loi, MediaPorte : le nombril de Sarkozy et l'interview sur France 2).

Quant à la prétention gauchisante et jargonante qui passe à côté du plus grand nombre, elle n'est pas propice non plus à mobiliser tous ceux qui, déçus d'une politique réduite à de l'insipide, s'en sentent en plus exclus (Lire à ce sujet l'ecellente critique de ce phénomène par Vincent Goulet : "Médias : le peuple n'est pas condamné à TF1").

L'actualité ne cesse de révéler des exemples de cette démocratie en catimini caractérisant le fonctionnement du pouvoir en France : En route vers le démantèlement de la SNCF ; Pourquoi la télévision publique a-t-elle passé sous silence le scandale Ernotte ? ; Au sein du ministère du travail, le dialogue social n'est pas la priorité ; Solidaires: «Globalement, c'est pire que sous Sarkozy » ; ...

Ce qui est justement critiqué dans l'article de Anna Colin Lebedevtrouve à l'être pareillement en France, qu'il s'agisse de la psyschiatrisation des rapports sociaux, du suicide des jeunes, de l'omerta sur la violence institutionnelle, de la corruption, de l'instrumentalisation de la justice réduite à une scénarisation (affaires Carlton, Bettencourt, Tarnac, Outreau, ...), rendant de plus en plus manifeste la nécessité de réformer l'organisation judiciaire... (Affaire Bettencourt: Woerth est relaxé, de Maistre et Banier sont condamnés ; La justice française, une machine à blanchir ; Jeudi 4 juin, «En direct de Mediapart». Réformer une justice malade).

Russie-France, sur le fond c'est identique, comme pour Russie-USA, Russie-UE, voire Chine-UE ou Chine-USA

Ce n'est qu'une question d'intensité. La manipulation politique du 11 janvier a été un sommet d'indécence dont on mesure la relativité et l'hypocrisie du discours officiel (voir la loi Urvoas et la loi Macron).

Quand François Hollande et Manuel Valls accorde un monopole juridictionnel au Maroc pour faire obstacle à la répression de la torture, alors qu'il s'agit d'une prohibition absolue du droit international, que ce crime est imprescriptible, il y a lieu de s'interroger très sérieusement sur la compétence juridique de ces deux élus, à moins que ce soit leur sincérité quant à leur attachement aux valeurs fondamentales de la Démocratie ou de la République qui laisse à désirer. De même quant le pouvoir se réjouit de vendre des armes de guerre et en fait un triomphe alors qu'il laisse s'évaporer chaque année 150 milliards d'euros de recettes fiscales et sociales.

La dérive fascistoïde est effectivement en marche, mais ce serait une erreur de se focaliser sur la Russie.

Parce que plus on l'admet chez nous plus on l'encourage à prospérer chez les autres. C'est pareil pour la corruption, la criminalité organisée, le blanchiment d'argent sale, ...

L'affaire Kerviel indique clairement où s'est déplacé le centre du pouvoir et l'abdication du politique en France (Affaire Kerviel: 22 députés PS demandent des comptes à Sapin ; Des millions d’épargnants ont été lésés par Natixis Asset Management).

Swissleaks montre comment la logique de la criminalité économique et fiancière gouverne dans l'Union européenne.

Poutine est l'agent des oligarques russes. Hollande celui des oligarques occidentaux (Malgré ses annonces, Amazon restera un « Intaxable » ; Le Traité transatlantique passe un premier test au parlement européen). Une même logique et une même abdication politique ne peuvent qu'aboutir à des résultats identiques. Voir l'avant-garde de la régression qu'incarne l'agent d'influence de la finance qu'est Cameron, dont son programme se résume à développer les avantages de la City, qui critique les droits de l'Homme et propose que le Royaum-Uni s'en exonère.

C'est bien beau de regarder vers l'Est, mais le problème est avant tout chez nous. Et il ne faudrait oublier de s'émouvoir d'abord de ce qu'il se passe chez nous, pour avoir, ne serait-ce que le soupçon de légitimité ou de crédibilité nécessaires à porter ensuite une appréciation sur ce qui se passe chez les autres.

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