L'affaire du décret inconstitutionnel sur la suspension du délai de prescription permet de mettre en perspective le dysfonctionnement de nos institutions, qui ont violé abondamment les libertés publiques, pendant des années. Un bel exemple du formalisme par lequel la justice et la police donnent l'illusion de l'apparence du droit, au mépris de l'Etat de droit, avec la caution du politique.
Une remarque préliminaire. Un policier et son syndicat, proches de la droite ou/et du minsitre de l'intérieur, peut dire ce qu'il veut et provoquer une campagne de presse contre le ministère de la justice. Mais dès qu'un policier révèle une illégalité dans le fonctionnement de la police, comme Philippe Pichon, il est poursuivi et tout le monde lui tombe dessus : ministre, administration, justice, ...
Le pouvoir actuel n'a rien fait pour rétablir les fonctionnaires qui ont dénoncé des situations anormales et tenter d'y mettre un terme. Bien au contraire et ce malgré les évidences de droit et de fait, que Médiapart ne manque pas de signaler.
Le ministère public est tenu de prendre dorénavant l'initiative pour corriger ces injustices, depuis que l'article 31 du Code de procédure pénale lui impose d'agir en toute impartialité. Cette réforme l'invite donc promptement à examiner les dossiers sur lesquels il a été saisi. Le doute bénéficie à l'accusé selon le principe de présomption d'innocence. Nous verrons si le ministère public est plus prompt à rétablir la justice qu'à faire embastiller les gens de façon illégale.
Cette obligation d'impartialité pèse pareillement et avant tout sur la police et la gendarmerie, selon la Cour de cassation. Aucun commissaire ou officier de la gendarmerie ne s'est ému, pendant des années, de la mise en oeuvre d'un texte inconstitutionnel. Ce sont pourtant des professionnels du droit et ils se renvendiquent comme hauts fonctionnaires. Il y a un manquement grave.
De même pour les magistrats du parquet qui, pendant des années, ont appliqué un décret illégal et les juges du fond qui ont accueilli leurs réquisitoires sans les réformer, alors qu'un syndicat de magistrats affirme que cette illégalité est connue depuis longtemps : L'USM et l'erreur de la Chancellerie : un problème "connu" ... (France Info). Il y a donc manifestement de la mauvaise foi dans le dysfonctionnement.
Cette persistance dans l'erreur paraît d'autant plus étonnante que les magistrats du ministère public sont les gardiens de la loi, selon le code de procédure pénale, et l'autorité judiciaire est garante de la liberté individuelle, selon la Constitution. Le décret illégal et sa mise en oeuvre constituent un abus d'autorité (Art. 432-1 et 432-2 du Code pénal). Les détentions sont arbritaires (Art. 432-4 à 432-6 du Code pénal). Ce sont des infractions entrainant jusqu'à 30 ans de réclusion criminelle et 450 000 euros d'amende (Art. 432-4). Il en fallu beaucoup moins pour accabler abusivement Eric de Montgolfier. Comment s'étonner ensuite que la Cour de cassation et la CEDH débordent de recours ?
Une information donne l'étendue du problème judiciaire : Jean-Claude Marin est le rédacteur du décret sur la prescription des peines (Le Point) : "L'actuel procureur général près la Cour de cassation était directeur des affaires criminelles et des grâces de Dominique Perben et a rédigé le texte litigieux !". "Jean-Claude Marin (...) est à la tête de la plus haute juridiction française".
Une dernière remarque. Les garanties fondamentales du fonctionnaire relèvent également du domaine exclusif de la loi selon l'article 34 de la Constitution. Les codes de déontologie et la procédure disciplinaire des fonctionnaires en préparation doivent donc également être fixés par la loi. Ce n'est pas le cas de toutes les dispositons en la matière au jour d'aujourd'hui. Faudra-t-il là encore attendre une éventuelle décision d'une haute juridiction pour sanctionner des illégalités évidentes ? Les ministères concernés sont informés. Ils sont responsables.
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