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Billet de blog 11 août 2012

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Pseudo procédure

Edwy Plenel sonne l'alarme. Un pseudonyme a déposé plainte contre un autre pseudonyme - ou plusieurs - pour injure et la justice a jugé cette plainte recevable.

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Edwy Plenel sonne l'alarme. Un pseudonyme a déposé plainte contre un autre pseudonyme - ou plusieurs - pour injure et la justice a jugé cette plainte recevable.

Les infractions comme l'injure ou la dénonciation calomnieuse sont des "crimes" d'honneur.

L'honneur devrait être le respect que l'on a pour soi même. Et s'y limiter.

Le regard des autres n'intervient pas. Quelqu'un cherchant dans le regard des autres sa respectabilité n'en a pas, puis qu'il montre par une telle quête manquer d'estime à son propre égard. Comment peut-il espérer en trouver chez les autres, en en ayant pas pour lui-même ? Baudelaire disait que les médailles servent à donner du mérite à ceux qui sont incapables d'en avoir par eux-mêmes.

La notion d'honneur est le socle d'une société dans laquelle l'illusion des apparences l'emporte sur le fond. L'image sociale. Un paravent. Les dérives judiciaires très graves récentes amènent à s'interroger sur les motivations réelles des promoteurs de l'honneur, qu'il s'agisse de la personne, du drapeau, de ceci ou de cela...

L'histoire montre que l'honneur est une notion destinée à faire marcher au pas et justifier les violences institutionnelles, voir la guerre (celle de 1870 par ex.). L'honneur s'associe très souvent avec l'Ordre. Une autre apparence que l'Etat sert en ersatz de justice. Voir les procès contre Adlène Hicheur, les jeunes de Tarnac, Philippe Pichon, etc. L'honneur et l'ordre font d'excellents pourvoyeurs d'injustice.

Le maintien d'un droit pénal en matière d'injure et de diffamation se pose si l'honneur est une question individuelle, un intérêt purement privé et subjectif. Ce genre de procédure devrait donc relever du droit civil exclusivement, de l'action en responsabilité civile. Ce serait plus logique.

Les errances de la jurisprudence - pour savoir si tel terme, ou tel autre, dans telle condition, ou telle autre, constitue, une fois oui, une fois non, une injure  - l'illustrent bien. C'est contraire au principe de sécurité juridique qui exige du droit pénal de la clarté et de la prévisibilité.

Que penser d'un pays où les tribunaux s'encombrent de procès pour des gens contestant le fait d'être des "trous du cul" (par ex.), quand le président de la République insulte le peuple d'un "casse-toi, pauv'con", ou les journalistes de "pédophile" ? Le maintien d'un tel droit pénal est amusant quand l'histoire et la médecine ont démontré depuis très longtemps qu'un trou du cul est bien plus utile à la survie de l'humanité qu'un président.

Ne serait-il pas donc pas temps d'évacuer Tartuffe du code pénal ? Surtout quand le législateur lui même manque d'exemplarité pour maintenir la sanction de l'injure et témoigne ainsi d'une évolution des moeurs qui rend la sanction des "noms d'oiseaux" désuète. La maintien paradoxal d'un appareil répressif, aussi ridicule,  amène à s'interroger sur ses véritables motifs.

L'abrogation des atteintes à l'honneur serait même d'utilité publique.

Le Tartuffe pénal est sournois.

Son effet est d'entretenir l'autocensure. Il menace et pèse donc sur la liberté d'expression.

Comment s'étonner ensuite des dérives de la politique, de la haute administration et de la corruption, dont Médiapart en révèle l'étendue, si le code pénal porte en lui le ferment de l'abdication démocratique, entretenant le peuple dans la peur de s'exprimer ?

On voit bien d'ailleurs que les le petit peuple est autrement plus facilement poursuivi et réprimé dans ses écarts de langage qu'un député. Rappelons-nous l'aventure d'un amateur de pipe de la Drôme ayant fait part de son goût pour la chose à une députée européenne. Le ban et l'arrière ban de la police judiciaire lui sont tombés dessus...

Enfin, les moyens de la justice seraient terriblement insuffisants si elle s'attachait sérieusement à sanctionner tous les amateurs de pipe et de "matos".

Quid de la médiocrité prétentieuse de certaines élites qui sont une insulte permanente à l'intelligence et au bon sens populaires et qui bénéficient d'un régime d'impunité assez inexplicable ? L'honneur de la Nation aurait-il moins de valeur que celui d'un quidam qui se cache derrière un pseudonyme ?

En revanche, cette "pseudo" procédure, s'il elle prospère, offre l'opportunité de faire évoluer sérieusement le droit pénal, en matière d'internet et de droit de la presse.

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