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Billet de blog 6 juin 2025

« Le seul maillot de bain qui me va bien en haut ET en bas »

Cette semaine à l'atelier Prendre mots de la Maison des femmes de Saint-Denis où sont accueillies des femmes victimes de violence, petit exercice ludique : faire la liste de dix choses indispensables à emporter pour un séjour seule en résidence.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cette semaine, à la Maison des femmes de Saint-Denis (93) où sont accueillies des femmes victimes de violences, peu de patientes étaient présentes à l’atelier “Prendre mots”.

Toutes les femmes ne peuvent pas être là chaque semaine, car certaines travaillent et d’autres peuvent avoir des soins programmés par ailleurs.

Ce fut donc une séance moins dense que la semaine passée, à la Maison de la poésie, mais il y eu quand même un intrus qui nous a bien diverties (voir photo plus bas dans ce post)

Première consigne suggérée aux femmes assises autour de la table :  « Vous partez seule dans un lieu de résidence pour y passer du temps et vous reconnecter à vous-même. Quelles sont les dix choses que vous emportez ? ». 
Consigne un peu vague qu’il faut affiner avant que chacune se mette à écrire : « Est-ce qu’on peut dire “des livres” ou est-ce qu’on a droit à qu’un ?» « Est-ce qu’on peut dire des sous-vêtements ou est-ce qu’il faut détailler et que chaque pièce compte pour une chose ? » On laisse le choix à chacune mais nous précisons quand même, dans un sourire :  « On a bien dit “des choses”, donc vous n’amenez pas vos enfants ! »

(Sont reproduits ci-dessous que les textes pour lesquels les femmes ont donné leur accord pour une publication dans ce blog)

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La liste d’une première femme :  
- des livres
- de quoi me protéger du soleil (crème solaire, lunettes et chapeau)
- musique
- cahier de croquis + crayons aquarelle
- sac de change avec nécessaire à toilette
- médicaments et kit manucure
- Maillots de bain + paréo
- chocolat
- trousse à maquillage et soin
- de quoi tricoter, crocheter. 

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La liste d’une deuxième femme :
- Kit de tricot pour enfin apprendre à en faire
- Mon tube de crème solaire entamé depuis l’année dernière et oublié dans un tiroir de novembre à mars.
- Le dernier livre d’une série que je n’ai jamais finie
- Le seul maillot de bain qui me va bien en haut ET en bas
- Un MP3 pour les playlists que je cultive depuis des années
- Un appareil photo
- Un tube de peinture
- ???

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La liste d’une troisième femme :
- une lampe frontale
- une brosse à dent
- ma liseuse avec le live de Lucy Cooke, Bitch : le pouvoir des femelles dans le monde animal. 512 pages, ça peut tenir une longue résidence. 
- mon téléphone
- 1 pantalon
- 1 T-Shirt
- ma vaporette
- des sous-vêtements (culotte)
- une enceinte pour écouter de la musique et des podcasts
- un gros carnet avec crayon pour écrire ou dessiner. 

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Illustration 1
© Mdf

L'intrus de la semaine à l'atelier Prendre mots
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Deuxième consigne : écrivez le mode d’emploi de trois objets indispensables de votre liste
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La deuxième femme écrit :
- MP3 : fait le travail d’une boite noire pour conserver les souvenirs des jours heureux et des jours bleus. 

- Maillot de bain qui va bien en haut ET en bas : accessoire de corps pour transformer votre body instantanément en beach-body. 
Avant l’achat, choisissez une couleur qui vous va bien et votre degré de paillettes.
Après l’achat, défilez un quart d’heure dans votre salle de bain avant exposition au soleil.
Pour un look logique, le porter en été sous une robe ou un short. Peut aussi se porter sous un pull en hiver si la plage vous manque. 

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La troisième femme écrit :  
- Lampe frontale : permet de voir la nuit ou dans tout endroit obscur tout en gardant les mains libres. A poser sur le front à l’aide de l’élastique qui entoure la tête.
Veillez à ce que la pile ne soit pas en bout de course, sinon la lampe ne sert à rien et vous êtes ridicule avec cet étrange bandana. 
N’avancez pas trop vite en marchant car toute la magie de cette lampe frontale et d’éclairer par un petit faisceau et de pouvoir surprendre des petites bêtes de nuit que vous n’aurez aucune chance de voir sans. 
Permet aussi de lire le soir dans son lit ou au bord d’une rivière. 
Peut aussi attirer moustiques et moucherons. Pour s’en prémunir, se couvrir la tête d’une moustiquaire en vente en page 53 du catalogue (10% de remise pour deux articles achetés ensemble). 

- T-Shirt : Vêtement qui couvre le buste avec juste une encolure et des trous pour les bras
Peut servir de chemise décontractée, de chemise de nuit, de doudou, de tablier, de torchon.
Se lave facilement et ne nécessite pas de repassage.
Peut se customiser, se peindre, se broder et devenir alors vite culte. Inconvénient : l’usage en mode torchon peut alors faire mal au cœur. 

- Vaporette :Substitut à la cigarette. Contient de la nicotine
Un temps pour soi est le meilleur moment pour l’oublier. Chiche ?  
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Nous avons eu le temps cette fois-ci de proposer un deuxième exercice : décrivez un rituel de beauté, que vous avez vécu, apprécié ou pas, ou dont vous rêvez :

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Beaucoup de femmes aiment le hammam comme rituel beauté dans ma communauté. Moi, je garde des souvenirs tout en nuance. 
En Algérie, à Sétif pour être précise, je suis alors âgée de 11 ans, c’était un été qui se voulait festif malgré le contexte tendu de l’Algérie du début des années 1990.
Mes cousins du bled devaient se marier, saison des mariages oblige, et nous voilà parties avec ma grand-mère pour mon premier hammam accompagnées de toutes les femmes de ma famille. 

Moi, la petite française, pudique, me suis déshabillée au vestiaire et suis arrivée au bord des bassins en claquette et maillot de bain avec la serviette entourant mon corps dans une chaleur à crever. Et comme si cela ne suffisait pas à mon calvaire, vision d’horreur pour moi, toutes les femmes étaient entièrement nues, se frottaient mutuellement le corps en discutant, et riant au su de tous. 

J’avais alors demandé à ma grand mère où je pouvais me retirer seule, elle me montra une série de portes bleues où derrière chacune, il y avait une baignoire avec de l’eau très chaude où l’on pouvait s’immerger.

L’endroit n’étant pas suffisamment propre à mon goût, je rebroussais chemin. Trop tard, je ne peux m’échapper de l’emprise de ma grand-mère et de son luffa (éponge végétale exfoliante, ndlr), elle me mouilla le corps avec une eau incertaine et se mit à me frotter énergiquement, que dis-je, rageusement avec du savon noir afin de me purifier en ce jour de Joumou’a, jour de prière.
 
Là où certains diront que je suis ressortie comme un soulier neuf, j’aurai tendance à dire poncée avec la peau couleur porcelet. 

C’est la seule fois où je me suis rendue au hammam, mais j’aimerais beaucoup y retourner pour me faire de nouveaux souvenirs agréables qui se substitueraient à ceux là.

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L’atelier « Prendre mots » vise à permettre aux femmes vulnérabilisées et victimes de violence, prises en charge dans le parcours de soin de la Maison des femmes de l’hôpital Delafontaine, de s’exprimer dans le cadre d’exercices d’écritures encadrés. Ce n’est pas un groupe de parole mais une espèce de cercle de jeux de mots, animé par la photographe et autrice Louise Oligny, la dessinatrice, créatrice et autrice Clémentine du Pontavice, la journaliste Sophie Dufau, et cette année avec l'étudiante en art thérapie Juliette Cabon. Pour retrouver tous nos posts, cliquez ici.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.