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Billet de blog 13 mars 2025

« Ma douce, garde la tête haute »

À la Maison des femmes de Saint-Denis (93), l'atelier « Prendre mots » entame sa deuxième saison. Un nouveau groupe de femmes s'est installé est déjà l'une écrit : « Dans “entendre”, il y a tendre. Allons y avec tendresse. »

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis le 3 mars dernier, tous les lundis après-midi, des patientes prises en charge dans le parcours de soins de la Maison des femmes de Saint-Denis (93) se retrouvent à l’atelier “Prendre mots” que nous avons initié en janvier 2024. C’est la deuxième saison.

A celles qui découvrent cet espace, nous expliquons d’abord son intention ou plutôt ce qu’il n’est pas : ce n’est pas un cours d’écriture, nous ne donnons ni conseil, ni recette pour « bien » écrire, voire être publiée. Ce n’est pas non plus un groupe de parole : d’autres endroits à la Maison des femmes permettent de parler de son histoire, son traumatisme. Même si, ici, les mots choisis ne seront jamais anodins.

Nous jouons donc avec les mots en posant quelques contraintes dont on peut allègrement s’affranchir, et si l’on veut, on lit son texte à voix haute, on s’écoute, on partage, on se nourrit des autres. Sans jugement. 

Des femmes venues l’an dernier et dont les travaux ont été restitués sur scène en janvier à la Maison de la poésie, une est de nouveau là. Elle raconte que pour elle cet atelier fut « très intense » et qu’elle est « ravie de revenir », de poursuivre. C’est la seule du groupe de l’an passé. D’autres ont accompli ici ce qu’elles attendaient. Elles ne reviendront sans doute pas, ce qui est aussi le but de cet atelier.  

Durant les deux dernières semaines, le nouveau groupe s’est mis en place tranquillement. Voici une sélection de textes produits. Ils sont retranscrits ici avec l’accord des femmes qui les ont écrits.

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Et d’abord, que nous évoque le mot « Ecrire » ? Les idées fusent, inscrites sur une grande feuille blanche, ils seront notre nuage de mots dans lequel on peut picorer.

Illustration 1
Que vous évoque le mot “Ecrire” ? © MDF

« Ecrire est une forme d’expression sur papier qui permet de se soulager des maux invisibles à l’œil nu dans l’espoir de se faire comprendre ou de se sentir mieux. 
L’action d’écrire peut être considérée comme un processus de guérison silencieuse d’un mal être. »

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« Le silence n’est pas si silencieux, il murmure à l’âme l’espoir de s’écouter, de s’entendre. »

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« Agricultrices de nos âmes souvent écorchées sur le chemin de la guérison, lien entre les mots, corps et émotions, nous plantons les graines de notre libération dans le partage et à l’unissons, sans jugement ni compétition : écrire, ressentir, gribouiller un exutoire où l’on peut s’entendre et d’ailleurs dans “entendre”, il y a tendre, allons y avec tendresse. 
Le bruit de ce stylo sur ce papier exprime mes silences et un soulagement si longtemps attendu et espéré. »

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« - Ecrire, c’est s’exprimer sur le papier, tracer des lignes sur le cahier à l’encre de Chine
- Ecrire, c’est semer les graines de ses pensées, s’ancrer en allant puiser loin en soi les émotions extirpées de son échine
- Ecrire, c’est ne pas avoir peur de raturer, se relire et réessayer. S’entendre et écouter chanter cette voix intérieure.
 - Ecrire, c’est permettre de partager nos silences et les faire exister, Nourrir l’espoir d’agir selon notre for intérieur.
- Ecrire, c’est cheminer en quête du mieux être, s’aimer. 
En cohérence avec ce besoin d’apaisement
- Ecrire c’est se confier. 
Tel un exutoire dans le temps, une empreinte dans le vent. 
- Ecrire c’est exister. Avec le support comme confident. 

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Illustration 2
Extrait d'un cahier © MDF

« Sur du papier, tracer des pistes avec de l’encre. Débusquer les mots dans le silence. Exister un peu avec ou sans rature, ancrer un peu d’espoir. 
Quand les graines se confient au silence, les voix respirent et s’enracinent.
Je trace à l’encre, respire et signe entre les lignes »

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A partir de ce même nuage de mots, nous suggérons d’en choisir cinq et d’en écrire trois phrases :

« La vie ressemble à un combat dans lequel parfois on se sent très bien, plein d’espoir et le lendemain, très mal avec une envie de tout abandonner, mais c’est normal, c’est la vie et cette danse des émotions fait partie de l’existence. 
Profite de chaque instant comme si c’était le dernier, apprend à apprécier chacun de tes efforts et accomplissements, aussi petit qu’il soit, apprend à apprécier ta propre compagnie et à t’aimer. 
La vie est belle ma douce, garde la tête haute et va de l’avant. »

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«  Je trace les trais familiers de ton visage avant de déchirer la page de mon cahier. La feuille reste sur le banc, prête pour n’importe qui d’autre, n’importe qui sauf moi. 
Un dernier regard à tes yeux d’encre alors que je m’éloigne sous les platanes. La ville s’est arrêtée pour nous regarder. Le silence est immense et hurle autour de nous. 
Qu’est ce qu’on doit faire quand on ne veut pas de ses racines et qu’on veut vivre dans le vent ? »

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L’atelier « Prendre mots » vise à permettre aux femmes vulnérabilisées et victimes de violence, prises en charge dans le parcours de soin de la Maison des femmes de l’hôpital Delafontaine, de s’exprimer dans le cadre d’exercices d’écritures encadrés. Ce n’est pas un groupe de parole mais une espèce de cercle de jeux de mots, animé par la photographe et autrice Louise Oligny, la dessinatrice, créatrice et autrice Clémentine du Pontavice, la journaliste Sophie Dufau, et cette année avec l'étudiante en art thérapie Juliette Cabon. Pour retrouver tous nos posts, cliquez ici.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.