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Billet de blog 7 septembre 2024

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France-Argentine et les droits humains, engagement ou faux-semblant ?

Les chancelleries française et argentine ont signé un communiqué commun réaffirmant leur engagement dans la lutte contre la disparition forcée de personnes. A priori positif, ce communiqué interpelle dans le contexte actuel

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Ce 30 août, le Quai d’Orsay a publié un communiqué conjoint avec le ministère argentin des Relations extérieures, du Commerce international et du Culte. Il y affirme que pour les deux États « la défense des droits de l’Homme constitue une priorité de la politique étrangère » et rappelle qu’ils ont œuvré ensemble dans la lutte contre les disparitions forcées (qui peuvent constituer des crimes contre l’humanité).

Enfin, le communiqué fait savoir que les deux pays ont obtenu que dix pays ratifient la Convention de l’ONU dédiée à cette lutte et espèrent que 100 États feront de même.

Cet ensemble de nouvelles, ainsi que le salut adressé par la France et l’Argentine aux « organisations de la société civile et [aux] défenseurs des droits de l’Homme engagés dans la lutte contre les disparitions forcées » sont très bienvenus.

D’autant plus que le gouvernement argentin de Javier Milei s’est montré, depuis son investiture l’année dernière, surtout disposé à occulter la répression menée par la dernière dictature en Argentine (1976-1983), dont la modalité principale fut précisément la disparition de personnes.

Ainsi, le 13 août dernier, il a fermé une importante unité de l’organisme dédié à la récupération d’identité des enfants enlevés et appropriés pendant la dictature; le 24 mars (jour de commémoration du coup d’État de 1976), il a posté une vidéo dont le seul objectif est de minorer les disparitions forcées ; il taxe régulièrement « d’idéologiques »  la plupart des enquêtes sérieuses menées sur les années 1970, alors qu’elles ne font qu’approfondir les connaissances sur les modalités de la répression menée par l’État.

De même, le rôle joué par des membres de l’administration actuelle dans l'organisation d’une visite cordiale de six députés du parti présidentiel auprès de détenus pour crimes contre l’humanité, reste obscur. Parmi les anciens militaires visités, se trouvaient Alfredo Astiz, responsable de la disparition des religieuses françaises Alice Domon et Léonie Duquet en 1977.

 Autant dire que nous sommes agréablement surpris de voir le gouvernement argentin s’engager si fermement dans la défense des droits humains aux côtés de la France. Nous saluons cet engagement qui ne peut que se traduire par une inflexion majeure dans son discours et sa politique vis-à-vis des très nombreuses disparitions forcées commises par l’État dans les années 1970.

De même, nous saluons la chancellerie française pour son engagement conjoint avec l’Argentine. Il démontre aussi une inflexion, après plusieurs mois d’une activité diplomatique qui laissait plutôt entendre que la France n’était intéressée que par les ressources naturelles de l’Argentine, dont le lithium. L’extraction de ces ressources n’étant pas sans conséquence pour l’environnement et les droits élémentaires des populations qui habitent les zones investies par cette activité, il nous semble heureux que la France réaffirme son engagement principiel pour les droits humains.

Pour finir, une petite remarque à l’adresse du Quai d’Orsay sur quelques changements survenus ces derniers jours dans l’organigramme de son vis-à-vis argentin. La Chancellerie de Buenos Aires, appelée « Ministère des Relations Extérieures, du Commerce International et du Culte », s’est récemment dotée d’un secrétariat au « Culte et à la Civilisation », qui comprend un sous-secrétariat aux « affaires internationales en droits humains » (donc l’administration la plus directement intéressée par l’engagement qui vous unit désormais à l’Argentine dans la lutte contre le crime de disparition forcée). Nahuel Sotelo a été nommé à la tête de ce secrétariat. Ce personnage est surtout connu pour sa volonté d’inscrire l’ONG Greenpeace dans la liste des organisations terroristes et de rétablir la criminalisation de l’avortement. 

Le communiqué du 30 août est donc là pour nous rassurer: malgré les saillies provocatrices des défenseurs de la dictature et du terrorisme d’État, ce texte vient ratifier que le gouvernement argentin souhaite respecter malgré tout ses engagements vis-à-vis des droits humains dont la France reste la grande garante internationale.

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