Cette année, Mediapart fête ses 15 ans. Comme chaque année, nous avons présenté, le mardi 14 mars, tous nos chiffres et résultats lors d’une conférence de presse que vous pouvez visionner ici. Nous avons également publié notre livret annuel, qui contient toutes ces informations, ainsi que les grands projets de l’année écoulée, et de celle à venir.
Pour fêter ces 15 ans d’un média résolument à part, nous avions décidé en ce mois de mars de lancer notre opération « 15 ans, 15 villes », une série d’événements pour aller à la rencontre de nos lectrices et lecteurs, abonné·es ou non pour échanger sur le journalisme, la fabrique de l’information et les nombreux sujets que nous traitons à Mediapart.
Nous vous donnons ainsi rendez-vous le samedi 25 mars pour notre désormais traditionnel festival parisien, puis à partir d’avril, nous nous rendrons dans 14 autres villes de France et à Bruxelles. Vous pouvez retrouver toutes les dates et les villes en cliquant ici : https://www.mediapart.fr/lefestival.
Pour accompagner cette tournée de rencontres physiques, nous avons également souhaité lancer une campagne d’affichage pour être présents dans l’espace public, et en radio, pour souligner l’utilité et l’impact des révélations réalisées durant ces 15 années d’existence sous le slogan : « Sans nous, vous ne l’auriez pas su. »
Ne souhaitant pas nous contenter d’un slogan, comme le font la plupart des médias qui font ce type de campagne, nous avons conçu, avec l’agence de communication Adesias, une série d’affiches sur un ton un peu décalé pour interpeller, questionner, sur certaines de nos enquêtes, afin de matérialiser ce slogan. Une série d’enquêtes que nous avons révélées, sur des informations d’intérêt public, dont nous sommes à l’origine et qui ensuite ont fait leur chemin dans l’espace public et médiatique, créant des débats de société, faisant trembler les pouvoirs, menant parfois à des démissions de ministres ou à la création d’instances visant à réguler la vie publique et politique.
Voici donc ce que vous pouvez voir, ces jours-ci si vous êtes en région parisienne (et que vous pourrez voir au cours de l’année dans différentes villes) :

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Qu’est-ce qu’un fait ?
Toutefois, ce n’est pas tout à fait la campagne que nous avions imaginée au départ… Les espaces publicitaires sont gérés par une régie publicitaire, Mediatransports.
D’après son site internet, Mediatransports (qui a pour slogan « Pour une publicité utile ») est « la première régie publicitaire du groupe Publicis, 3e groupe mondial de communication. Acteur incontournable de la publicité dans les univers de transport, Mediatransports est partenaire des deux acteurs majeurs des transports, la RATP et SNCF (Gares & Connexions), ainsi que des autorités organisatrices de mobilité et des opérateurs de transport ».
Lorsque vous souhaitez afficher une campagne sur ces réseaux, la campagne et les visuels doivent être validés par le service juridique de la régie.
Les affaires que nous avions prévu d’évoquer sur les affiches étant toutes des enquêtes déjà publiées sur Mediapart, dans les règles déontologiques du journalisme, nous pensions passer cette étape sans problème. En effet, dans notre esprit, nous respections les règles de l’ARPP (l’autorité de régulation professionnelle de la publicité), à savoir que « le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur, en adéquation avec les éléments justificatifs dont il dispose ».
Pourtant, rapidement, nous avons eu des échanges assez lunaires avec le service juridique de la régie sur ce point, mais aussi sur des demandes de justifications savoureuses.
Par exemple, pour l’affiche sur l’affaire Cahuzac, il nous a été demandé si nous étions bien sûrs de pouvoir prouver que sans Mediapart le public n’aurait rien su de cette affaire…
Nous avons bien évidemment envoyé tous les éléments prouvant que nous étions bien à l’origine de cette révélation, et des autres, que certaines avaient donné lieu à des suites judiciaires, d’autres non, que ces informations sont en ligne sur notre site et que, de fait, nous les assumons, et assumons de les défendre en justice le cas échéant, mais dans certains cas ces éléments sont restés vains.
Pour l’affaire Bettencourt, qui a tout de même occupé l’espace médiatique, politique et judiciaire pendant une dizaine d’années, le visuel proposé n’a pas été accepté, « eu égard aux rebondissements des différentes procédures judiciaires, très polémiques, notamment en raison du choix de l’expression “faire trembler la République” » (sic).
Sur l’espionnage des militants écolos de Bure, nous avions proposé deux formules, l’une avec « dispositif d’un film d’espionnage », l’autre avec « dispositif tentaculaire ». On a fait plus polémique… La réponse : « Aucune de ces deux formulations ne nous semble acceptable, car elles ressortent (sic) d’un parti-pris sur la proportionnalité des mesures de surveillance mises en œuvre à Bure auprès des militants anti-nucléaires. »
Pour rappel, sur cette histoire révélée par Mediapart et Reporterre, voici les faits :
29 personnes placées sur écoute, plus d’un millier de discussions retranscrites, plus de 85 000 conversations et messages interceptés, plus de 16 ans de temps cumulé de surveillance téléphonique, 1 million d’euros dépensés pendant l’information judiciaire. Nous laisserons les lectrices et lecteurs juges du « parti-pris sur la proportionnalité des mesures mises en œuvre ».

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Nous pourrions continuer ainsi, mais pour résumer, pour la régie un fait n’est avéré, et donc vrai, que s’il a été judiciarisé, et jugé définitivement. Quid, dès lors, des informations que nous révélons et qui ne sont pas contestées, donc pas judiciarisées ? En sont-elles pour autant fausses ? Vous avez quatre heures.
Dans une sorte d’énergie du désespoir à quelques heures d’envoyer les affiches en impression dans les temps, nous avons essayé cette ultime tentative de compromis :

Proposition encore une fois refusée, car cela pourrait « être assimilé à de la censure »...
Vous pouvez donc voir ces affiches dans les métros et gares franciliennes, mais vous pourrez voir également les autres, quinze en tout, un peu partout en ville, en affichage sauvage, ainsi que sur nos réseaux sociaux. N’hésitez pas à les partager, à les diffuser, pour soutenir le combat quotidien de notre journal et rappeler qu’en 15 ans d’existence, Mediapart a publié plus de 6 300 enquêtes. Soit plus d’une par jour en moyenne, dans tous les domaines : économie, énergie, écologie, diplomatie, évasion fiscale, corruption, violences sexuelles, discriminations, ventes d’armes, violences policières, terrorisme…
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Post-scriptum : La prochaine fois que vous verrez une affiche dans un métro ou une gare, faites l’exercice suivant : imaginez les justificatifs qu’ont dû apporter les annonceurs pour prouver la véracité du message diffusé. Comme, par exemple, pour cette campagne :
