Préambule
Danièle Obono, nouvelle députée écosocialiste et humaniste sous la bannière de la France insoumise, était l'invitée de l'émission des « grandes gueules » sur RMC le 21 juin dernier. Là, elle a été victime d'amalgames et de procès d'intention dans une atmosphère de racisme et de xénophobie plus que palpable tant le fond de l'air était lourd d'idées brunes. Comment les libéraux d'un média classique de grande audience ont-ils pu ressembler aussi visiblement à de vulgaires frontistes tendant un traquenard ? Pour le comprendre, il faut se tourner vers l'Histoire et ce qu'elle nous apprend sur le libéralisme, au travers de tous ces faits peu flatteurs exhumés par le penseur Domenico Losurdo.
Le libéralisme repose historiquement sur le racisme
On pourrait croire libéraux et extrême droite opposés alors que le pouvoir macroniste tente d'imposer à grand renfort de commentateurs médiatiques un clivage ouvert-fermé pour remplacer le toujours pertinent, mais subversif et donc à abattre, clivage gauche-droite. Pourtant, alors que gauche et droite proposent des projets de société différents, les libéraux et l'extrême droite ne se présentent comme opposés que sous une lumière trompeuse. Ils sont non seulement les deux faces de la même pièce lorsqu'observés à la lueur des rapports entre peuples, mais dans le clair-obscur d'où émerge le racisme, il est impossible de les distinguer. La nuit, tous les chats son gris et il faut appeler un chat un chat. Le libéralisme repose en partie sur le racisme, et ce depuis ses origines, comme l'analyse très bien avec l'éclairage de ses enquêtes historiques Domenico Losurdo (voir par exemple deux de ses livres : 1 & 2).
Le libéralisme s'est toujours appuyé sur le racisme, qu'il s'agisse de l'explosion de l'esclavagisme racial suivant les révolutions libérales en Angleterre, ou en Hollande, ou de la victoire d'une figure de proue libérale, et propriétaire d'esclaves, Thomas Jefferson sur l’abolitionniste Alexander Hamilton. Il fallait bien que cette liberté tant louée par les hommes bien nés puisse être financée. Pour que ces hommes (oui, les femmes n'ont pas souvent fait l'objet d'attention et de soucis d'égalité dans la matrice libérale) soient libres, c'est à dire libres de s'enrichir et de jouir d'une opulence matérielle avec pour valeur cardinale la propriété privée, il fallait qu'ils en exploitent d'autres. Seulement, ces autres, ces exploités, ne devaient pas être considérés de la même trempe car les subordonner aussi tyranniquement aurait constitué une atteinte aux libertés. Le stratagème était tout trouvé : il n'y avait qu'à théoriser une différence de nature entre les possédants, seuls êtres pleinement humains à même de jouir de libertés, et le reste du peuple semblable au sauvage, à l'enfant ou aux bêtes de trait, et nécessitant donc pour son propre épanouissement d'être dominé. Le pilier raciste du libéralisme fût ainsi érigé, si bien qu'aujourd'hui encore il ne s'est pas effondré, souvent caché derrière le récit capitaliste du succès individuel mérité, mais qui comme par hasard concerne surtout des hommes blancs n'étant pas nés dans la pauvreté.
Le cas de l'interview de Danièle Obono, un révélateur
Dans le contexte bien réel du racisme libéral, il y a plusieurs types de races inférieures à considérer pour le bourgeois gentilhomme civilisé. D'abord et comme depuis des lustres, il y a la personne de couleur, et l'étranger, qui sont souvent confondus. Il y a parmi les sous-espèces listées dans le bestiaire libéral les femmes, ces créatures objets de désir sexuel et vouées à la reproduction générationnelle, mais ne méritant que mépris, haine ou domination en toutes (autres) circonstances. Il y a aussi les pauvres dont les T-shirts et l'incapacité flagrante à accumuler des richesses démontrent au libéral leur infériorité. Il faut donc les exploiter en leur laissant les miettes et en se félicitant d'être la main qui les nourrit. Parmi, les pauvres, il est même une sous-espèce plus infamante que le reste dans le prisme libéral. En effet, l'organisation contemporaine du territoire a créé des lieux d'accumulation de pauvres qui, aux yeux du libéral, pullulent et dégénèrent dans la sauvagerie et qui chantent « nique la France » au sein des banlieues.
Danièle Obono, qui rassemble en sa personne nombre des caractéristiques de ce que les libéraux considèrent comme races inférieures, leur a fait l'affront de se faire élire au parlement de la nation. Pire encore, impossible pour les libéraux de l'utiliser et de l'afficher comme caution puisqu'elle tient un discours de gauche. Il fallait donc que les libéraux tentent de l'humilier. Ainsi, le présentateur et ses acolytes cherchèrent donc a créer un amalgame entre la défense de la liberté d'expression prônée par la députée et une caution à des propos injurieux. Une fois l'atmosphère hostile installée, il fallait encore vérifier l'asservissement de la cible. Ainsi, on essaya de faire dire à Danièle Obono « vive la France », mais pas par amour de la France. L'interviewer lui-même n'est pas ému et fier en prononçant ces mots, mais les utilise comme une arme contre son ennemi et se faisant, il dégrade la France. Il dégrade la France d'autant plus qu'il cherche à faire dire son nom à Danièle Obono comme on demande à un chien de s’asseoir pour s'assurer de son obéissance et de sa docilité.
Finalement, Danièle Obono ne se coucha ni ne mordit, elle resta calme et digne faisant mentir les thèses libérales et prouvant à ceux encore étreint d'un doute coupable qu'elle appartient autant qu'eux à l'espèce humaine et à la civilisation, sinon plus. Vive Danièle Obono ! Vive la France Insoumise !