
Devant son rempilage « triomphal », sans opposition, l’hebdomadaire L’Express n’a pas hésité à titrer
« En Tunisie, Kaïs Saïed, "un Trump sans le sou, un Poutine sans bouton rouge" », une semaine le scrutin passé [1]
En rapportant : « Kaïs Saïed se poutinise et l’Europe ferme les yeux voulant à tout prix externaliser
La frontière sud de l’Europe vers l’Afrique. [Ainsi], le silence de l’Europe, il a acheté », a-t-il affirmé
« Qui est tenue par le pacte migratoire signé avec Tunis, sous l’impulsion de l’Italie », dans un autre billet [2]
En se référant, principalement, à une enquête fouillée, dans le quotidien britannique le Guardian, publiée
Face à une Tunisie en pleine dérive dictatoriale, l'UE, sur une ligne de crête, s’est engagée
La nécessité de maintenir une façade minimale de respect de ses valeurs fondamentales, d’un côté
Et le besoin de ménager un partenaire, en matière de sécurité et de gestion des flux migratoires, clé
En sacrifiant les valeurs de liberté, de dignité et de justice dont elle s’est toujours proclamée
Et la Tunisie, en un « prestataire de services » de surveillance des frontières européennes, s’est transformée
« Un Kadhafi sans pétrole, un Sissi sans la domination de l’armée », faudrait-il, peut-être ajouter [3]
Rempilage après une élection, de visions pour sortir le pays de ses multiples crises, dénuée
Où l’exercice de la citoyenneté fut entravé par l’absence de concurrents qui furent empêchés
De candidater : qui en résidence surveillée, qui poursuivi en justice, qui emprisonné, qui exilé
Qui, par son Instance Supérieure Indépendante pour les Élections, s’est trouvé, illégalement, écarté [4]
Facilitant le rempilage du président sortant qui, au premier bain de foule qu’il s’est offert après
La proclamation officielle de sa victoire, a confirmé, en l’accentuant, la continuité
De la symbolique, dans sa communication avec les citoyens, du « bras levé et poing serré » [5]
Il a commencé son mandat, avant d’être intronisé, par une solution dont lui seul a le secret
Aux épineux problèmes induits par la chute des taux de croissance et, sur l’économie mondiale, ses retombées
Lui, le néophyte en économie et finances, comme il l’est dans plusieurs autres domaines, qui reconnait
Ne pas avoir d’atomes crochus avec les chiffres, jusqu’à confondre, dans ses discours, le millier et l’unité
Dans son rapport semestriel sur la Croissance en région MENA, la Banque mondiale a actualisé
Ses prévisions de croissance de l’économie tunisienne pour 2024 et prévoit désormais
Une croissance de seulement 1,2% ; le taux initialement prévu, de 2,4%, était [6]
Et, pour le FMI, ce taux de croissance de 1,2%, va, à l’horizon 2029, se retrouver [7]
Mauvaise nouvelle, d’autant que le taux de croissance du PIB, à 0,4 %, avait chuté
Et que des économies voisines affichent une croissance bien meilleure que la nôtre, dont l'algérien allié
Chez qui la croissance économique, au voisinage de 4% pour l’année 2024, devrait rester [6]
Ce qui a représenté une douche froide pour le moral de notre président qui vient fraîchement de rempiler
Qu’à cela ne tienne ! : « les éléments de calcul du taux de croissance doivent être révisés », a-t-il répliqué
En insistant sur le fait que les êtres humains ne sont pas de simples unités de calcul à évaluer
Selon des critères définis par ceux qui veulent, un système économique mondial injuste, perpétuer [8]
À sa solution miracle, il croit tellement que, le jour même de son investiture, il l’a développée [9]
« Les éléments retenus pour le calcul du taux de croissance sont tous biaisés et erronés », a-t-il répété
Devant les deux Chambres, « taux de croissance figurant dans les tableaux de professeurs autoproclamés »
En insistant encore : « ils établissent les taux de croissance à leur convenance et ils veulent perpétuer
Un ordre mondial, ayant montré ses limites, qui s’est retourné contre lui-même et qui a atteint son apogée
Aujourd’hui, nous voyons tous le nouvel ordre humain qui commence à prendre forme et à vraiment percer
Qui remplacera cet ordre mondial fondé sur une répartition injuste des richesses », et d’ajouter
« Des concepts dépassés et même de la terminologie obsolète, il faut se débarrasser
Et concevoir de nouvelles solutions qui créent le développement dont le travailleur peut profiter
Ainsi que la communauté nationale », a-t-il conseillé, en poursuivant ses critiques dirigées
Contre les institutions financières qui ne font que « caractériser, classer et noter », sans les nommer
« En émettant des appréciations et attribuant des notes, comme un professeur, à son élève, le ferait
Se demandant quel modèle de croissance adopter ; ce modèle sera, par le peuple appauvri, inventé
C’est lui qui détermine le cours de l’Histoire, qui le pave et qui construit l’édifice auquel il a aspiré » [10]
Et, D’ailleurs, ce n’est pas la première fois qu’il invite les instances financières internationales à chambarder
Leurs critères d’évaluation de l’état des économies, jusqu’à, des notations souveraines, se moquer [11]
Pour ce qui est de sa « lutte pour l’assainissement du pays » et « contre la corruption », maintes fois notifiée
Il a retrouvé son rôle d’enquêteur sur les lieux des crimes avec ses « visites non annoncées», « inopinées »
Avec son inséparable porte-document rouge, ses rapports, photos, graphiques, tableaux, courbes et feuillets
Porte-document rouge qui, dès son apparition dans une institution étatique fait, tout le monde, trembler [12]
Et, si votre nom, d’une façon ou d’une autre, implicitement ou explicitement, y est
Sachez que, dans le jour, la semaine qui suit, par la police, la justice, vous serez convoqué
Il a retrouvé son rôle de lanceur d’alerte et d’inquisiteur incisif qui a fait sa renommée
Apparemment sans enquête ad hoc préalable sur les éléments constituant la corruption présumée
Menée par des compétences en audit, comptabilité, droit, finance,… et divers experts du sujet traité
Mais avec des slogans dénonçant « la dilapidation des deniers publics, du peuple tunisien, propriété » [13]
«Des biens ont été volés, j’ai tous les chiffres, j’ai toutes les données, ce n’est pas normal », a-t-il affirmé
« Ceux qui se comportent ainsi avec l’argent de l’État et l’argent du peuple tunisien doivent être jugés
Concernant les vols, c’est une corruption financière et administrative, tout une corruption programmée
Contre laquelle nous menons une guerre de libération, en tout lieu et tous les domaines sont concernés
Pour libérer la Tunisie de tous les lobbys et faire porter, à tout voleur, ses responsabilités
Il faut qu’on soit tous solidaires, main dans la main, pour que leurs manœuvres soit contrecarrées », a-t-il déclaré [14]
« Au sein d’un certain nombre d’institutions de l’État, les lobbys, ces jours-ci, ont commencé à bouger
Ainsi que leurs ramifications, et le devoir national sacré exige qu’ils soient démantelés »
A-t-il souligné, lors d’une réunion, au palais de Carthage, du Conseil national de sécurité [15]
Les lobbys, dont il parle si souvent, seraient-ils ces nantis auprès de qui il ne veut s’assoir, jamais [16]
Avec un tel aveu, il est difficile pour lui, le président de tous les Tunisiens, de se considérer
Une attention particulière doit être prise en considération dans ce type de lutte, une attention sacrée
C’est de ne pas jeter des accusations à tort et à travers contre les institutions et les particuliers
Car les accusés injustement, à tort, pour des faits injustifiés, arrivent rarement à se relever
À être réhabilités. Et une condition sine qua non pour ce faire, c’est une justice non aliénée
Quant à son discours d’investiture, il fut un non-évènement démentant ce que son frère avait annoncé
En effet, Naoufel Saïd, qui a fait fonction de son directeur de campagne, nous avait fait espérer
« Une trêve politique », une parenthèse d’apaisement, comme il est souvent d’usage dans les pays civilisés [17]
Et l’on a cru que cela allait apparaître dans son discours d’investiture qui va être consacré
À restaurer une période d’accalmie, à appeler à l’apaisement, à réduire les animosités
À atténuer les tensions pour nous engager à relever tous ces défis qui nous ont gangrénés
À retrouver, enfin, une vie politique libre, démocratique, saine, pluraliste et normalisée
Mais, malheureusement, dès les premières minutes de son discours d’intronisation, le ton a été vite donné
En n’apparaissant pas le président de tous les Tunisiens, puisque de vindictes et de divisions, il fut jonché
Mais, conforme à ses habituelles lancées d’accusations, sans aucune amélioration à espérer
Avec son lot de « voleurs », de « traitres », de ceux qui «rêvaient de faire exploser le pays et le démanteler»
Et aussi de « vipères dont nous entendions leurs sifflements même si nous ne les voyions pas, en tous lieux, dispersées »
De « traîtres », de « tyrans », de « mercenaires », de « ceux qui espéraient faire imploser le pays et le disloquer »
De « reptiles venimeux », de « ceux qui se jettent dans les bras du colonisateur » et d’« agents de l’étranger » [18]
Avec, cette fois-ci, quelques détails et une promesse : « viendra le temps de tout dévoiler, où sera révélé
À tout le monde ce qui était en train de se préparer, de se planifier, sur le même pied d’égalité
Aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Et leur dernière manœuvre criminelle consistait à faire entrer
La Tunisie dans une guerre civile. Et louange à Dieu, car, les députés ont fait tomber les plans projetés
Par les agents du sionisme international et des cercles de la maçonnerie qui avaient même décidé
De l’heure exacte du passage à l’acte ». Il parle ici du tollé général provoqué par sa décision d’amender [19]
La loi électorale, seulement quelques jours avant le scrutin, afin que ses concurrents sérieux soient écartés
De la compétition, et que, de son élection au premier tour, sans opposition, il soit bien assuré [4]
On aimerait bien qu’il nous dise comment le sionisme et la maçonnerie, dans ce cadre, avaient opéré !
On aimerait aussi savoir, le lundi 9 avril 2012, Lundi noir du Printemps tunisien, où il était
Se trouvait-il, encore une fois, loin du champ de bataille, comme il le fut un certain 14 janvier
Puisque, d’après les archives syndicales, au combat contre les régimes révolus, il n’a point participé
Et, avant cette date, aucun engagement politique, syndical ou associatif, on ne lui connait [20]
Il fut absent pendant que les campus et amphis s’étaient révoltés, et sur l’Esplanade de sa Faculté
Lors de notre mémorable rassemblement syndical du 13 janvier 2011 qui fut organisé
Au Campus universitaire de Tunis El Manar, par la FGESRS. Et, c’est avec fierté
Et une certaine nostalgie révolutionnaires, je l’avoue, que je prends la liberté de rappeler
Ici, que ce rassemblement prévu, au départ, au Campus intra-muros s’est, à la fin, transformé
À mon initiative, en une manifestation en dehors du Campus, obligeant la police qui l’encerclait
Depuis quelques jours, avec ses redoutables chiens, ses canons lanceur d’eau, ses impressionnants anti-émeutes blindés
À lever le siège en déclarant forfait, pour nous libérer la sortie et, nous laisser, sur le boulevard, manifester [21]
Et ce fut la première manifestation qui a eu lieu sur le plus long boulevard du Grand Tunis, baptisé
Après la Révolution , « Boulevard Mohamed Bouazizi », alors que, « Boulevard du 7 novembre », il s’appelait
C’est un « révolutionnaire de la vingt-cinquième heure », comme on dit, qui est arrivé quand tout était achevé
En récupérant notre Révolution, sans y avoir pris part, il a su, à merveille, du feu, les marrons, tirer
Et, je l’avoue, je suis toujours estomaqué chaque fois que je l’entends suggérer qu’il y ait participé
Après la décennie de l’islamisme rampant, voilà la décennie de l’islamisto-populisme installée
On aimerait aussi savoir où il était pendant les événements du lundi 9 avril 2012, je disais
Car, dans son discours d’investiture, il en a parlé comme « étant le complot le plus grave dont l’objet est de diviser
Le pays, et plus jamais personne ne pourra faire effacer de la mémoire ces évènements quand ils ont essayé
De réprimer les manifestants avec l’intervention de milices, soi-disant légales, organisées et armées » [22]
On aimerait savoir où il était, car, il semble ignorer que parmi ses opposants, aujourd’hui emprisonnés
Figurent plusieurs militants, organisateurs de cette journée, qui ont été violentés par lesdites milices armées
Dont on peut citer Jaouhar Ben Mbarek qui a été agressé violemment puis, par la police, arrêté [23]
On aimerait savoir quelles prises de positions, à propos de ce « complot le plus grave », a-t-il déclarées
En ce temps-là ; d’autant plus que pendant la décennie de l’islamisme rampant, aux abonnés absents, il était
Nous ne l’avons même pas entendu exprimer un avis sur l’assassinat de Chokri Belaïd, « le Rossignol de la liberté » [24]
Aujourd’hui, de Révolution confisquée, de martyrs, de nouvelle Histoire, de libération nationale, il ne fait que parler
De l’assainissement du pays, de sa construction,... avec son maître-mot « Il faut, il faut », accompagné [25]
Pour ce qui me concerne, j’y étais, au premier rang comme l’atteste la photo qui, par un média de la place, a été publiée [26]
Et, étant asthmatique, je fus secouru par les forces armées qui, vers la Maison du parti, m’ont exfiltré
Car, j’avais perdu mon souffle, conséquence des bombes lacrymogènes qui, sur nous, de tous côtés, s‘abattaient
Et, le lendemain, je fis paraître dans Mediapart une lettre, au Ministre de l’Intérieur, sur le sujet [27]
Salah HORCHANI
Dans ce contexte, voir aussi les liens suivants :
https://news.un.org/fr/story/2024/10/1149706
https://www.dailymotion.com/video/x99ktqq
[5] https://www.facebook.com/Presidence.tn/videos/1268171484198505/
[6] https://openknowledge.worldbank.org/entities/publication/3d15a77f-2cc3-45af-98fa-2fd577b44b69/full
[8] https://www.facebook.com/photo?fbid=950891720402762&set=a.247622744063000
[9] Voir la vidéo suivante, de la minute 39 : 00 à la minute 43 : 30.
https://www.facebook.com/Presidence.tn/videos/2857037351135913
Quant à la vidéo ci-dessous, qui représente le premier bain de foule que Kaïs Saïed s’est offert après la proclamation officielle de sa victoire, elle confirme, en l’accentuant, la continuité de la symbolique du « bras levé et poing serré » dans sa communication avec la foule.
https://www.facebook.com/Presidence.tn/videos/1268171484198505/
[10] https://www.facebook.com/Presidence.tn/videos/265792051962438
[12] Ci-dessous, en photos, quand notre président est à la tâche, hors du Palais :


Agrandissement : Illustration 3

[14] Voir la vidéo suivante de la minute 3 : 50 à la minute 7 : 40, de la minute 8 :15 à la minute 9 :10, de la minute 9 : 20 à la minute 11 : 05, de la minute 13 : 25 à la minute 13 : 50 et de la minute 16 : 40 à la minute 17 : 20.
https://www.facebook.com/Presidence.tn/videos/3948975652092297
[15] https://www.facebook.com/photo?fbid=964367649055169&set=pcb.964367745721826
[16] Kaïs Saïed a dit un jour : « Vous ne me verrez jamais m’asseoir à côté d’un nanti », citation extraite du lien suivant :
[17] https://www.leconomistemaghrebin.com/2024/10/09/naoufel-saied-prone-treve-politique/
Dans ce contexte, voir, aussi, les deux liens suivants :
[18] Voir la première vidéo de la référence [9] ci-dessus, de la minute 19 : 40 à la minute 20 : 10, de la minute 31 : 41 à la minute 32 : 00, de la minute 34 : 00 à la minute 34 : 20 et de la minute 46: 45 à la minute 47 : 30.
[19] Voir la première vidéo de la référence [9] ci-dessus, de la minute 32 : 40 à la minute 33 : 55.
[22] Voir la première vidéo de la référence [9] ci-dessus, de la minute 22 : 50 à la minute 23 : 50.
[23] En photo, Jaouhar Ben Mbarek, agressé violemment, puis, par la police, arrêté, le 9 avril 2012.

Agrandissement : Illustration 4

[24] https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/a-chokri-belaid-le-rossignol-de-la-132177
[26] Ci-dessous, photo prise le lundi 9 avril 2012, Lundi noir du Printemps tunisien, Avenue Mohamed V à Tunis, au niveau du bâtiment de la Banque Centrale, dix minutes, environ, avant la charge de la Police anti-émeute et des Milices d’Ennahdha. J’y figure, au milieu du bas de la photo, avec lunettes et cheveux entièrement blancs. Et dire qu’un haut gradé m’avait répondu à une question posée : «nous n’allons pas vous charger, nous sommes la "Police du Peuple " !». Quant aux lunettes, je les ai perdues pendant la charge.

Agrandissement : Illustration 5
