Après presque 20 jours de «tango», de manœuvres et de coups sur le devant de la scène et aussi en coulisses, le M5S et la Ligue Nord, à la tête de la coalition des droites, sont arrivés à un accord pour élire les nouveaux présidents de la Chambre des députés et du Sénat. Fico, l’«orthodoxe» du M5S, est le nouveau président de la première et Casellati, une super fidèle de Berlusconi, la présidente su Sénat. Ce résultat est considéré comme une réussite des deux nouveaux leaders politiques issus des élections du 4 mars dernier. Mais la suite est plus que jamais incertaine et risque même d’être inquiétante.
Les résultats du 4 Mars n’avaient donné la majorité ni à la coalition des droites, ni au M5S. Mais, alors que ce dernier est de loin le premier parti du parlement (avec plus de 32% des votants), la coalition des droites est à haut risque d’éclatement.
Car, si la Ligue Nord s’est imposée de loin comme le premier parti de cette coalition, reléguant Berlusconi au deuxième rang, elle n’a que 17,4%. Dès lors, Salvini, leader de la Ligue, s’est proclamé leader de la coalition, mais il est contraint à jouer entre maître absolu de ce camp et concessions à Berlusconi, pour ne pas perdre le soutien des parlementaires de celui-ci (ce qui réduirait beaucoup son poids dans les négociations avec le M5S); en même temps, il cherche à faire passer la plupart des berlusconiens dans son parti, déjà proposé comme l’unique parti des droites (mais, qui difficilement pourra avoir plus d’élus que le M5S).
Or, ce jeu n’est pas simple et le résultat à court et moyen terme n’est pas du tout garanti.
Dans ce premier round du nouveau scénario politique italien, les deux leaders de ces deux nouveaux pôles –Di Maio du M5S et Salvini de la Ligue Nord- n’ont pas arrêté de se proclamer gagnants et incontournables pour le futur du pays. En réalité, pour avoir la majorité, tous les deux sont obligés de choisir entre un accord entre eux-mêmes ou bien un accord avec le Parti Démocratique, qui a essuyé la défaite la plus cuisante de son histoire mais représente le troisième pôle du parlement.
Ainsi, le M5S a joué sur deux fronts: celui d’un accord avec la Ligue (mais refusant de négocier avec Berlusconi tout comme avec Renzi, les deux considérés comme les responsables de tous les maux du pays et de la vieille caste) et celui d’une hypothèse d’entente avec le PD. En effet, il semble que la majorité des électeurs du M5S préfèrerait ce dernier choix.
Mais le PD, encore assez contrôlé par Renzi, refuse tout accord même si une partie de ses élus est tout à fait prêt pour essayer de jouer le jeu (ce qui aurait pu donner une présidence de l’une des deux chambres du parlement à un élu PD). La tactique du M5S (imitée avec moins de crédibilité par Salvini) est en partie toujours la même que par le passé, jouant les vieux démocrates chrétiens (et en particulier Andreotti): «Nous sommes l’aiguille d’équilibre qui bouge sur deux fronts».
C’est Grillo, le «père» et «garant» de la conduite du M5S qui explique ainsi qu’ils sont en train de jouer une sorte de «tango où ce qui compte est de commander jusqu’à la fin… un jeu dangereux mais où on danse à deux; et ce qui compte est de ne pas faire tomber le regard».
Ainsi, Di Maio a «dansé» entre le niet aux premières propositions de Salvini, a rencontré Berlusconi et ensuite passé un accord pour élire présidente du Sénat Maria Elisabetta Alberti Casellati, la première femme élue à ce poste, mais aussi une fidélissime de Berlusconi. Elle est connue pour son activisme lors des lois ad personam en faveur du cavaliere et aussi pour avoir fait embaucher sa fille au ministère quand elle y était sous-secrétaire. Bref, un choix pas du tout en ligne avec la prétention de moralisation que le M5S avait arborée par le passé. Mais comme dit Grillo lui même, «l’époque des «vaffa» (des «allez tous vous faire f.» adressé aux politiciens) est terminée; maintenant il faut gouverner».
En échange, le M5S a réussi à gagner la présidence de la Chambre des députés avec Roberto Fico, considéré comme un «orthodoxe de la première heure», pendant un moment leader en contraste avec Di Maio. Le tournant vers la politique politicienne adopté par le parti.
Cela dit, maintenant le M5S pense à continuer le «bal»: «Le match est ouvert … notre force est de pouvoir aller d’un côté ou de l’autre comme ça nous arrange et selon les conditions qu’on veut». Cela veut dire que le M5S n’arrête pas de proclamer être disponible à toute sorte d’alliance pour aller gouverner, soit avec la Ligue Nord soit avec le PD.
«Eux -ces deux autres pôles- suivent un schéma, nous on ne veut pas de ça, nous on est pour ne pas avoir de schéma afin de pouvoir agir librement», «A la différence de la coalition des droites nous nous avons donné preuve d’être compacts et cela le président de la République ne pourra pas l’ignorer».
En effet, lors des élections des deux présidents, alors que les élus du M5S ont voté tous selon la directive du parti (à la Chambre des députés et au Sénat, même si nombre de sénateurs du parti auraient préféré éviter l’élection d’un personnage si discutable), dans le camp de la coalition des droites soixante de ses députés n’ont pas voté pour Fico (il est presque certain qu’il s’agit d’un vote contre Salvini par des fidèles à Berlusconi qui auraient voulu une entente avec le PD de Renzi).
La prochaine échéance sera la tentative de former un gouvernement. La possibilité d’une entente entre M5S et coalition des droites n’apparaît pas facile. Tout d’abord le M5S veut la tête du gouvernement; ne veut pas que des ministères soient confiés à des berlusconiens ou autres qui font l’objet de procédures judiciaires (relativement nombreux dans les rangs de cette coalition mais présents aussi dans celui du PD); veut tout de suite une loi pour une forte réduction des coûts du parlement et notamment des salaires des parlementaires; veut voter une nouvelle loi électorale qui éliminerait les mécanismes qui ont permis l’élection de personnages sous procès judiciaires et sans droits de choix de la part des électeurs; et veut aussi une sorte de salaire de base pour tous ainsi qu’une révision du système des retraites.
Or, la plupart de ces objectifs ne sont pas du tout partagés ni par la majorité des élus des droites, ni par la majorité de ceux du PD (malgré tout Fico est considéré comme le leader M5S relativement favorable à l’entente avec le PD). Par ailleurs, le président de la République a déjà fait savoir qu’il accepterait uniquement une proposition de gouvernement qui puisse compter sur une majorité stable, des ministres de haut profil et un programme qui ne mette pas en discussion les engagements du pays vis-à-vis de l’Union européenne, de l’Otan et des traités internationaux.
Il va sans dire que la perspective de former un tel gouvernement n’est pas du tout certaine, et que la possibilité d’un retour à de nouvelles élections est très élevée (même après le changement de la loi électorale car, entre autre, l’actuelle est soupçonnée d’être inconstitutionnelle). Alors, est-ce que les danseurs de tango finiront par chuter … sur la peau du pays?
En tout cas, comme dit entre autre l’un des plus infatigables militants qui secourent les immigrés, Fulvio Vassallo Paleologo, la majorité de ce parlement semble bien préférer une orientation réactionnaire sinon carrément fasciste, raciste et sexiste.
A suivre.