Le 5 septembre 2012, Saphir News écrit « Le Conseil de l’Europe et l’UNESCO appellent à lutter contre l’islamophobie à l’école », se référant à un document intitulé « Principes directeurs à l’attention des éducateurs pour combattre l’intolérance et la discrimination à l’encontre des musulmans », avec le sous-titre « Aborder l’islamophobie à travers l’éducation ». Au même moment, le CRIF (Conseil Représentatif des Institutions juives de France) diffuse un article intitulé « Antisémitisme en Allemagne : une spécialiste préconise davantage de prévention dans les écoles » alors que France 3 évoque « Un tag à caractère antisémite sur le mur d'un collège à Montreuil ». L'éducation est de toute évidence un lieu et un moyen essentiel pour combattre des idéologies qui poussent au rejet d'autrui et à la discrimination. Mais dans ce cas, ne doit-on également faire toute la transparence sur les discrimination passées, et tout particulièrement sur celles qui ont pu persister ou se développer en France après la Libération ? On ne peut qu'être choqué de constater que dans ce domaine sensible certains vont jusqu'à qualifier de « théorie du complot » les références très précises à des pratiques de « quotas de juifs » qui semblent avoir subsisté pendant une longue période après 1945. S'agissant des universités et de la recherche scientifique, ces références ont été récemment évoquées par notre collègue Luis Gonzalez-Mestres dans son article « Recherche française et quotas de juifs après la Libération » sur le blog Notre Siècle. Voir également nos articles « Universités, recherche et discriminations » (I) et (II) sur le blog La Science au XXI Siècle. Et si un ouvrage comme The Chosen de Jerome Karabel n'hésite pas à constater que la pratique des quotas n'a pas automatiquement disparu dans les universités des Etats-Unis à la fin de la deuxième guerre mondiale, qui en France a osé mener le même type d'étude ? Quant au silence des médias français au cours de la dernière campagne des présidentielles à propos de la « petite phrase » attribuée à Jean-Luc Mélenchon par le livre Maquillages de Christophe Barbier : « Vous savez pourquoi le NPA est fichu ? Parce qu'on ne transforme pas un groupuscule d'intellectuels juifs du Quartier latin en parti de masse des banlieues musulmanes » (page 193 de Maquillages), quelles ont été les raisons de ce comportement collectif ? Peut-on estimer qu'une si importante campagne électorale s'est déroulée normalement, alors que la presse n'a pas exigé de Jean-Luc Mélenchon des explications à ce sujet, ni informé correctement les citoyens ?
Il y a plus d'un an, dans un commentaire sur Médiapart, Boddisatva écrivait le 2 mai 2011 ( http://blogs.mediapart.fr/blog/jacques-bolo/020511/des-quotas-de-juifs ):
L'exemple de quotas de juifs que je connais en France était celui qui existait au conseil de l'ordre des Avocats de Paris jusqu'à ce que Robert Badinter devienne Garde des Sceaux. L'existence de ce quota a été rendue publique par l'avocat Bernard Cahen dans "Tribune juive". (...) Il semblerait qu'un tel quota existait aussi à l'Ordre des Avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.
(fin de citation)
Force est de constater que plus d'un an s'est écoulé et que le commentaire est toujours là, apparemment sans démenti ni attaque en diffamation. Où est le « complotisme » ?
D'autant plus, que ce témoignage est loin d'être le seul, s'agissant du milieu universitaire et apparenté.
Dans son article du 2 du septembre 2012 « Recherche française et quotas de juifs après la Libération » (blog Notre Siècle, http://notresiecle.blogs.courrierinternational.com/archive/2012/09/02/recherche-francaise-et-quotas-de.html ), Luis Gonzalez-Mestres relève :
(...)
L'ouvrage Conférence Moshé Flato 1999 Quantization, Deformations, and Symmetries, Volume I, édité par Daniel Sternheimer et Giuseppe Dito, est paru en 2000 et actuellement commercialisé par Springer. Il s'agit d'un hommage au physicien et mathématicien Moshé Flato, professeur à l'Université de Bourgogne et consultant de la Fondation Nobel, décédé fin 1998.
Proche collaborateur de Moshé Flato, Daniel Sternheimer écrit, page 29 ( http://books.google.fr/books?id=vT-_Q3yY9KUC&pg=PA29&lpg=PA29... ), évoquant la candidature de Moshé Flato à une chaire au Collège de France en 1971 :
... Despite of all that, and the unofficial quota for Jews in the College, which was already filled, Moshé obtained a respectable score...
(fin de citation)
Daniel Sternheimer évoque ainsi un « quota de juifs » au Collège de France en 1971, apparemment sans recevoir de démenti ni être attaqué en diffamation.
Or force est de constater qu'il ne s'agit pas d'un témoignage isolé sur des pratiques discriminatoires envers les universitaires et chercheurs français d'origine juive postérieures à la Libération.
Sont particulièrement parlants des entretiens des médecins Claude Mawas et Jean-Paul Lévy que l'on trouve sur les sites du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et de l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) :
http://www.vjf.cnrs.fr/histrecmed/entretiens/mawas/mawas.html
http://www.vjf.cnrs.fr/histrecmed/entretiens/levy/levy.htm
Mawas rapporte :
... mon externat en chirurgie chez le Doyen Cordier m'ayant passionné, en particulier l'année passée avec Christian Cabrol et sa femme Annie. Le contact avec de grands chirurgiens comme Faurel, Garnier ou Villain m'avait émerveillé. Mais au printemps 1961 ou 1962, un lundi pendant le staff, devant tous les externes, internes, assistants, infirmières, Cordier interpelle ses collègues chirurgiens : "On ne va tout de même pas nommer Bitker chirurgien des Hôpitaux ?" La réponse unanime fut négative (Garnier, Faurel, Villain, Cabrol...). Marc Fellous, externe à l 'époque dans le même service, me dit en sortant : "tu as vu, ils refusent de nommer Bitker parce qu'il est juif ! La chirurgie ne sera pas pour nous !"...
(fin de citation)
Et Jean-Paul Lévy, catholique avec un "mauvais nom", rapporte à son tour à propos de faits survenus en 1955 :
L'antisémitisme du milieu médical
J'étais passé aussi chez un neurologue qui m'avait fait comprendre qu'il valait mieux ne pas s'appeler Lévy pour postuler chez lui... À La Salpêtrière, il y avait à l'époque un groupe d'antisémites assez virulents. À Lariboisière, j'ai connu plus tard un chef de service juif, dont on m'avait raconté que dans les années 1940 ses collègues lui avaient interdit l'entrée de la Salpêtrière...
(fin de citation)
(...)
(fin de l'extrait de l'article de Luis Gonzalez-Mestres « Recherche française et quotas de juifs après la Libération »)
A quand une étude transparente, comme celle menée par Jerome Karabel aux Etats-Unis ?
Quant à la « petite phrase » attribuée à Jean-Luc Mélenchon par Maquillages, livre dont la vente se poursuit à ce jour, voir nos articles :
Christophe Barbier, Jean-Luc Mélenchon et Maquillages (I)
Christophe Barbier, Jean-Luc Mélenchon et Maquillages (II)
Christophe Barbier, Jean-Luc Mélenchon et Maquillages (III)
Indépendance des Chercheurs
http://science21.blogs.courrierinternational.com
http://www.mediapart.fr/club/blog/Scientia
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