Bon, vous allez dire que j'exagère. Vous aurez raison mais, peut-être, vous n'aurez pas toujours raison. Ninon Bivès, enseignante du Tarn-et-Garonne, désobéisseuse, élue du SNUIPP 82 a été sanctionnée de manière déguisée alors que rien ne saurait justifier cette action de l'Inspecteur d'académie. Sans riposte publique des représentants nationaux du SNUIPP, les sanctions les plus ubuesques seront rendues légitimes. Luc Chatel aurait tort de s'en priver.
Voici le communiqué du Réseau des enseignants du primaire en résistance :
« Alors que plusieurs rapports démentent l'efficacité de l'aide personnalisée, que des Inspecteurs doutent fortement de sa pertinence pour les élèves en difficulté, que le ministère s'interroge sur le bien-fondé du calendrier des évaluations CM2, pressions et répression continuent de s'abattre sur les enseignants du primaire en résistance qui dénoncent depuis 2008 ces réformes.
Mais las d'offrir une tribune aux enseignants en résistance qui médiatisent des sanctions parfois spectaculaires (suspensions, retrait d'emploi, blocage de promotion, mutation d'office, abaissement d'échelon, etc...), les Inspecteurs d'Académie, tenus par le ministère de gérer ces gênants désobéisseurs, agissent désormais de façon plus discrète mais fort pernicieuse.
Ainsi en Tarn-et-Garonne, l'Inspecteur d'Académie n'a pas trouvé meilleure idée que d'attaquer sur le plan pédagogique une collègue engagée depuis la première heure dans ce mouvement de résistance. Après avoir commandité l'inspecteur de circonscription pour une évaluation du travail fourni par Ninon Bivès, il a co-rédigé et noté le rapport. Pourtant même la lecture attentive de celui-ci ne donne aucun élément pouvant justifier l'octroi d'une note si basse qu'elle ne s'inscrit pas dans la grille départementale de notation !
Les règles d'avancement de carrière font que cette note anormalement basse pourrait pénaliser financièrement jusqu'à la retraite cette enseignante. De plus, cela peut apparaître comme l'exercice d'une pression psychologique sur Mme Bivès et la volonté de jeter un discrédit sur elle, par ailleurs élue du personnel du SNUipp82.
Dans la pratique, les activités et projets coopératifs de la classe sont largement reconnus par les partenaires de l'école, tel l'OCCE, qui à plusieurs reprises a récompensé le travail de la classe par la remise de prix. Les élèves, quittant cette classe dans laquelle ils ont étudié trois années consécutives, poursuivent leur scolarité de façon tout à fait satisfaisante au collège.
Malgré les courriers et les arguments avancés par une délégation du SNUipp82 reçue par l'Inspecteur d'Académie, celui-ci n'est pas revenu sur sa décision. C'est donc par la voie d'un recours hiérarchique auprès du Recteur de Toulouse que Ninon Bivès dénonce aujourd'hui, samedi 11 septembre 2010, cette sanction qui tait son nom, demandant la révision de cette note, note pédagogique et non administrative dans l'enseignement primaire.
Avec notre collègue Ninon Bivès, nous demandons la levée de cette sanction injustifiée et perverse.
Premiers signataires : Réseau des enseignants du primaire en résistance, SNUipp 82, ICEM 82, SNUIPP 34, SNUIPP 44... » s
( il est possible de signer un soutien à l'enseignante sur le blog suivant Ninon-bives.resistancepedagogique.org)
On pourrait rajouter ces propos recueillis par le café pédagogique de l'Inspecteur d'Académie, Daniel Amédro : « Sur le plan pédagogique, c'est une enseignante investie dans son métier qui a des relations positives avec ses élèves. » Mais « en dépit de cet investissement réel, elle doit mieux prendre en compte les attentes administratives » et de conclure qu'après la constatation qu'elle ne suivait pas les instructions administratives de son IEN, il ne lui a pas été possible de l'augmenter de 2 ou 3 points pour lui donner une note conforme à son échelon. « Je n'engage pas le débat là-dessus. J'applique le dispositif ».
La responsabilité est donc renvoyée au Ministre. Le critère d'action est « l'attente administrative » et non le jugement, fondé sur la liberté pédagogique, de « l'attente des élèves ». Pourtant, Ninon Bivès répond aux attentes administratives puisqu'elle effectue en présence d'élèves l'intégralité de son enseignement. Pourtant, Ninon Bivès répond aux attentes administratives puisqu'elle propose à chaque élève des parcours personnalisé durant les heures de classes. Pourtant, Ninon Bivès répond aux attentes administratives à l'article L111-1 (le premier) du code de l'éducation qui affirme que « le service public de l'éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants ».
D'un côté Luc Chatel peut avoir deux attitudes : soit il maintien sa position répressive, même lorsque rien ne la fonde, et teste le degré d'opposition des syndicats, notamment du SNUIPP mais il risque de décrédibiliser un peu plus les « mesures Darcos » qu'il assume difficilement (cf les rythmes scolaires) ; soit il envoie un signe d'apaisement en ordonnant publiquement un « regard plus objectif sur le travail effectué par Ninon Bivès » afin de s'efforcer de reprendre la main sur son administration en train de le lâcher (cf mon billet).
De l'autre côté le SNUIPP national : soit il cherche à faire progresser par des négociations des points qui lui tiennent à cœur et il ne rendra pas publique sa position sur une de ses représentantes au risque de donner l'impression de la « lâcher » au sein même de son propre syndicat ; soit il prendra position clairement pour elle (aujourd'hui ?) et en cela, il exprimera un soutien clair aux désobéisseurs, voire une légitimation de cette forme d'action, et c'est assez cocasse, après les syndicats d'Inspecteurs qui ne cachent plus leur hostilité au Ministre.
Ce qui est certain, c'est qu'une fois rendue publique, cette affaire contraint les deux acteurs, Ministre et syndicat, d'agir sous peine de perdre l'un et l'autre leur crédit.