4 DÉCEMBRE - PAR FABRIZIO POGGI
L'enquête, dont le titre originaire "Porochenko ouvrira-t-il en Ukraine une revente de pétrole de Daech?", part des déclarations de l'ambassadeur de l'UE en Irak Jana Khibaskova, selon laquelle certains pays ont acheté le pétrole volé par les terroristes de l'Etat islamique, et du constat que Vladimir Poutine, en nommant parmi ces pays la Turquie, n'a rien fait d'autre qu'indiquer l'un des points les vulnérables du terrorisme international. À cela s'ajoute ce qui a été écrit par certains journalistes occidentaux, à propos du fait que la Turquie, les Etats-Unis et le gouvernement régional du Kurdistan irakien ferment tous les yeux sur la vente du pétrole sur le marché noir par Daech, à des prix bien inférieurs, selon l'Agence internationale de l'énergie, des 30 $ du brut irakien ou des 40 $ du Brent européen et du WTI américain.
Il y a les noms des principaux centres de la contrebande (Manbij, Al Bab, Al Qaim) entre Daech et Ankara, tout en affirmant que Daech contrôlerait l'oléoduc Kirkouk-Ceykan et en rappelant comment les médias écrivent depuis longtemps du port turc en tant que point d'arrivée des pétroliers de la compagnie Palmali Shipping & Agency JSC, détenue par le milliardaire turc-azerbaïdjanais Mubariz Gurbanoglu.
Selon le portail polonais Forsal, la contrebande serait également un des principaux facteurs dans la chute du prix du pétrole à partir de l'année dernière; chute qui a un si grand rôle dans la forte baisse du chiffre d'affaires de la Russie, si avantageuse pour l'Occident. Dans ce jeu, l'Ukraine constituerait pour Erdogan le pont idéal pour le transport de pétrole brut vers la Pologne et la Lituanie, non par hasard, écrit oko-planet, "les deux pays qui soutiennent le plus résolument le régime de Porochenko". De l'Ukraine, le pétrole arriverait à la Baltique, où il n'est plus possible en suivre les traces originaires ; et en Ukraine, le point clé serait représenté par Odessa, "contrôlée avec succès par le clown-réformateur géorgien": l'actuel gouverneur de la région d'Odessa, ultrayankee et infatigable "combattant contre la corruption ukrainienne", l'ex président géorgien Mikhaïl Saakachvili ; les terminaux opérationnels de la contrebande seraient la raffinerie et l'oléoduc d'Odessa. Cela expliquerait aussi les luttes d'il y a quelques mois pour le contrôle de l'infrastructure portuaire de la ville sur la Mer Noire, signalées même par Contropiano.
Selon les statistiques officielles, poursuit oko-planet, au terminal de Illitchivsk, au sud d'Odessa, dans la période janvier-octobre 2015 ont été traitées 1,48 millions de tonnes (- 4,8% sur la même période de l'année 2014) de charges liquides. Ont été transbordés des produits pétroliers pour 155 mille tonnes (- 47,4%), de l'huile pour 1,31 millions de tonnes (+ 4%). Et dans le port commercial d'Odessa ont été gérées 2,84 millions de tonnes de produits liquides (-16,4% par rapport à 2014): en grande partie du pétrole (1,98 millions de tonnes), en plus de 717 mille tonnes de produits chimiques, 64 mille tonnes d'huile, 84 mille tonnes de pétrole brut (-50,9% par rapport à 2014).
À relever que, en dépit de la profonde crise économique qui prévaut en Ukraine, souligne oko-planet, le vice-ministre pour les Infrastructures Vladimir Shulmeister a parlé de projets pour la construction d'un nouveau port à l'embouchure du Dniepr-Bug et d'un éventuel terminal pétrolier. Pour sa part, le ministre de l'Industrie Minière et pour l'Energie, Vladimir Demchishin a dit que les entreprises commerciales ukrainiennes ont réussi à remplacer les fournitures de produits pétroliers de la Fédération de Russie avec environ 170 mille tonnes par mois de "sources alternatives"; selon ses termes, les entreprises russes "ont été remplacées par d'autres fournisseurs", dont on ne dit pas les noms.
En novembre dernier, Ukrnafta a mis aux enchères 144 mille tonnes d'hydrocarbures : "un succès incontestable pour un pays en guerre et qui extrait une quantité microscopique de pétrole", écrit oko-planet. Et comment cela a-t-il été possible? " Avec la revente. D'où aussi le bénéfice net de Ukrnafta en 2014 de 27,891 milliards de grivna."
En outre, le 30 novembre dernier, la direction de la société de pipeline Sarmatia a déclaré attendre l'autorisation pour la construction de l'oléoduc Brody-Plock, soit prolonger l'actuel tronçon long 667 km, qui connecte Odessa à Brody (dans la région de Lviv) de 490 autres km jusqu'à la polonaise Plock. Il est intéressant de noter que la société Sarmatia est contrôlée par l'agence étatique azerbaïdjanaise Socar, par la géorgienne GOGC Ldt, par la ukrainienne Ukrtransnafta (pomme de discorde, en mars dernier, entre le magnat Porochenko et l'oligarque Kolomoïsky et qui a coûté à ce dernier le gouvernorat de Dnepropetrovsk et, en fin de compte, le bras de fer perdu avec Mikhaïl Saakachvili), par la polonaise Przedsiebiorstwo Eksploatacji Rurociagow Naftowych Przyjaźń s.a. et par la lituanienne AB Klaipedos Nafta. "Manque seulement la Turquie ... et voilà que le 3 décembre le Premier ministre Davutoglu arrive à Bakou"!
"Ce n'est pas un hasard", conclut oko-planet, "si les frappes de l'aviation russe sur le système de transport du pétrole soustrait par Daech, à travers la Syrie et la Turquie, ont alarmé Porochenko à tel point qu'il a consenti à la destruction de la ligne électrique vers la Crimée et maintenant il menace le blocus naval de la péninsule et a déjà commencé de nouvelles attaques contre le Donbass." Avec lui, l'une des créations d'Euromajdan, le chef du bataillon néo-nazi "Azov", Andrei Biletsky, se prépare à lancer sa propre société militaire privée à envoyer en Syrie combattre contre les Russes: "Dans l'intérêt de l'état ukrainien nous frapperons la Russie dans le monde", a déclaré Biletsky.
Et pour témoigner de l'importance stratégique, à la fois politique et économique, attribuée par l'Occident au bassin de la Mer Noire et aux autorités régionales appelées à le surveiller, voilà que trois navires de l'OTAN ont traversé le détroit des Dardanelles : le canadien Winnipeg, l'espagnol Blas de Lezo et le portugais Francisco De Almeida.
Pour fermer le cercle, après que le ministère ukrainien des Affaires étrangères a protesté contre la visite de Vladimir Poutine en Crimée le 2 décembre dernier, non 'concordée' avec Kiev, qui considère la péninsule, avec Sébastopol, "partie intégrante de l'Ukraine", voilà l'écho immédiat d'Ankara, qui se déclare favorable à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, y compris la Crimée. Une telle déclaration du ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu est venue immédiatement après sa rencontre avec son homologue russe Sergei Lavrov : "La Turquie attend un respect cohérent de l'indépendance de l'Ukraine, de sa souveraineté, de son intégrité territoriale, incluant dans ce concept la Crimée." Dans ce débat musclé entre Moscou et Ankara, dans lequel cette dernière, après les preuves documentaires apportées par le ministère russe de la Défense sur les trafics de pétrole entre Daech et la Turquie, a à son tour accusé Moscou de commerce illégal de brut avec Daech, Lavrov a observé comment de telles "allégations arrivent de nombreux jours après que la question ait trouvé de l'espace dans les médias et nous, nous avons présenté les faits concrets." Lavrov s'est limité à citer le proverbe russe que "sur le voleur même le chapeau chauffe"; comme dire "la poule qui chante a pondu l'œuf."
source :
http://contropiano.org/internazionale/item/34134-il-petrolio-dell-isis-dal-mar-nero-al-mar-baltico
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