Les très gros fraudeurs à l'impôt sont les fossoyeurs de l'intérêt général. Plus que jamais, il faut rappeler le rôle essentiel des outils de répartition des richesses que sont les impôts, taxes et cotisations.
A l'heure où Macron impose par la force son projet profondément antisocial sur les retraites, la solution la plus équitable serait de récupérer les sommes spoliées à la valeur ajoutée produites par les citoyens pour abonder aux budgets de l'éducation, de la santé, des retraites et de la transformation climatique, etc.. Avant de demander à la classe la moins riche d'ouvrir son portefeuille, la voie la plus logique et juste serait de réduire drastiquement le fossé entre riches et pauvres.
Les faits et les chiffres sont parfaitement clairs, soigneusement occultés par une fallacieuse communication officielle soutenue par les chaînes d'information en continu et la plupart des autres médias. Dans l'article Redistribuer les richesses pour sauver la planete, l'économiste Thomas Piketty explique : "Disons-le d’emblée : il est impossible de lutter sérieusement contre le réchauffement climatique sans une redistribution profonde des richesses, à l’intérieur des pays comme à l’échelle internationale. La part détenue par les 10% les plus riches atteint 77% du total, contre seulement 2% pour les 50% les plus pauvres. En France, les 500 plus grandes fortunes sont passées à elles seules entre 2010 et 2022 de 200 milliards à 1000 milliards, c’est-à-dire de 10% du PIB à près de 50% du PIB ! "
Et Piketty de rappeler " En instituant une imposition exceptionnelle de 50% sur cet enrichissement, ce qui n’aurait rien d’excessif à un moment où les petites épargnes durement accumulées acquittent un impôt inflationniste de 10% par an, le gouvernement français pourrait réunir 400 milliards d’euros."
Mais les imaginaires collectifs ont été tellement formatés par l'idéologie libérale qu'évoquer une solution de redistribution des richesses apparaît comme une provocation, un excès de langage populiste, une aberration utopiste.
La part très belle faite aux riches
L'économiste Gabriel Zucman, économiste, professeur associé à l'université de Berkeley a été interrogé dans cet article (en accès libre après saisie d'une adresse mail) par Alternatives économique. Son analyse précise et les pistes qu'il trace sont de précieuses sources pour éclairer un débat essentiel. "Les très riches ne paient que 2 % d’impôt sur le revenu [...] Le taux de prélèvements obligatoires est à peu près de 50 % du revenu national. Mais il y a une grosse exception, les très hauts revenus, les très grandes fortunes françaises, ont des taux effectifs d’imposition de l’ordre de 20 à 25 %." Une niveau d'imposition jamais évoqué par les plus riches et grandes entreprises qui ne parlent que de confiscation.Un comble. En taxant à 1,5 % tous les revenus de plus d’1 milliard de dollars, on obtiendrait chaque année 300 milliards de dollars à l’échelle mondiale pour financer la lutte contre le dérèglement climatique !
Pour escamoter les dividendes, bénéfices, patrimoines, les Gafam et autres multinationales sont aidés par les juristes des grands cabinets d'audit et conseil E&Y, Deloitte et Touche, Mc Kinsey et autres. Une véritable attaque contre le bien commun.
Le système fiscal français n'est pas progressif, le taux de prélèvements obligatoires y est à peu près de 50 % du revenu national. Mais il y a une exception de taille, les très hauts revenus, les très grandes fortunes françaises qui ont des taux effectifs d’imposition de l’ordre de 20 à 25 %.
L'évasion et l'optimisation fiscales soustraient près de 100 milliards de recettes par an à l'Etat Français. Jusqu'à ce jour sans aucune intervention des différents gouvernements dont celui de Macron qui a supprimé 4000 postes dans les services fiscaux et raboté les moyens du Pôle financier chargé de poursuivre les fraudeurs. Comme préserver dans ces conditions la cohésion sociale ? Comment garantir un système social protecteur ?
Combien paient les très hauts revenus ?
L' étude très précise de l’Institut des politiques publiques montre que les 0,0001 % Français les plus riches, 370 ménages, bénéficient d’un taux effectif d’imposition de l’ordre de 20-25 %. Pourquoi est-ce beaucoup moins que pour la moyenne des Français ? C’est essentiellement à cause de la faillite quasi complète de l’impôt sur le revenu qui est censée être la pierre angulaire de la progressivité fiscale et qui n’arrive pas du tout à bien taxer ces très hauts revenus.
Zucman explique que l'impôt sur le revenu pour ce groupe de 370 ménages est de l’ordre de 2 %. Si l’on va encore plus loin, pour les 37 ménages aux revenus les plus élevés de France, leur taux effectif d’impôt sur le revenu est de 0,2 %! Vous avez bien lu.
L’essentiel de leur fortune repose sur des parts dans des grandes entreprises, des actions de sociétés, cotées en Bourse ou non, détenues par des sociétés holding, des sociétés écran. Lorsque les LVMH, Total et autres versent des dividendes, ils ne tombent pas sous le coup du prélèvement de 30 % sur les revenus du capital parce qu’ils sont versés à ces sociétés holding qui les réinvestissent, sans que leurs propriétaires aient eu à payer l’impôt sur le revenu.
Le seul impôt que payent véritablement les très grandes fortunes, c’est l’impôt sur les profits des sociétés dont elles sont actionnaires. Problème, en France, comme dans le monde entier, cet impôt a été érodé par la course au moins-disant fiscal, il est passé de 33 % en 2017 à 25 % en 2022. Ainsi, ce que l’on peut considérer comme un impôt minimum sur les très grandes fortunes a été fortement raboté.
La suite de l'interview montre de manière sourcée et difficilement contestable toutes les échappatoires, artifices et autres stratégies pour éviter de contribuer à la préservation de services publics de qualité. Le contraire de ce qu'ils sont aujourd'hui après des décennies de rabotages des financements.
((( Cette section est majoritairement issue de l'entretien de Gabriel Zucman sur Alternatives Economiques )))
Taxer la finance
Comme presque toujours, l'appât du gain dénature profondément les actions publiques et privées. Les bourses censées contribuer au financement des entreprises ont été détournées de leur but premier. La plupart des transactions se font via des outils de trading haute fréquence ( THF) comme je l'avais expliqué en détail dans mon billet. Il ne s'agit de rien d'autre qu'un moyen moderne, très rapide, de faire de l'argent avec de l'argent avec une force de frappe inédite, délétère et dangereuse pour l'économie globale.
Toutes les tentatives de taxer la finance sont systématiquement et méticuleusement pilonnées par les lobbies bruxellois et nationaux. Or, rien qu'a l’échelle européenne (et malgré le Brexit), une taxe de 0,1% sur les transactions financières (0,1% pour les actions et 0,01% pour les produits dérivés) pourrait rapporter jusqu’à 57 milliards d’euros par an.
Pierre Larrouturou, député européen, inlassable combattant de la justice sociale et fiscale explique que la mise en place d'une plus grande taxation des revenus financiers n'aurait aucune incidence sur l'économie globale mais cela n'empêche pas les marchés et leurs représentants de torpiller toute initiative de mise en place d'une taxation juste. Le site Taxons la spéculation qui reprend le projet d'ATTAC montre en détail cette solution. Si vous avez le temps ( près de 3 h ) , écouter en podcast ou voir son entretien sur le site Thinkerview