Les 6 principaux prix littéraires français en 2020

Prix Goncourt

• 10 juré·e·s
• 7 hommes / 3 femmes
• 9 blanc·he·s / 1 non-blanc·he
• Moyenne d’âge : 69,3 ans
• Nombre de lauréatEs : 11 (depuis 1903) ; 3 (depuis 2000)

> Quelques faits : Virginie Despentes et Bernard Pivot ont quitté le jury pendant l’hiver 2019-2020 ; ils ont été remplacés par Camille Laurens (jurée Femina depuis 2007) et Pascal Bruckner, lequel a calomnié Rokhaya Diallo le 21 octobre 2020.

Prix Renaudot

• 9 juré·e·s
• 8 hommes / 1 femme
• 9 blanc·he·s / 0 non-blanc·he
• Moyenne d’âge : 71,1 ans
• Nombre de lauréatEs : 16 (depuis 1926) ; 8 (depuis 2000)

> Quelques faits : le 4.11.2013, suite au lobbying de l’un des jurés (son « fidèle complice » Christian Giudicelli, directeur de collection chez Gallimard), le prix Renaudot essai a été attribué (par 7 voix contre 3) à Gabriel Matzneff pour Séraphin, c’est la fin ! (éd. La Table ronde, groupe Gallimard/Madrigall) ; en mars 2020, Jérôme Garcin a démissionné du jury « en raison de l’affaire Springora » et des « vices de forme qu’elle a révélés » ; son collègue juré J.M.G. Le Clézio a annoncé peu après qu’il allait « suivre Jérôme Garcin » (mais, en juin 2020, il n'a toujours pas démissionné) ; le 5 mai 2020, Claro a demandé aux jurés Renaudot de « bien vouloir retirer au plus vite [son] livre de [leur] sélection ».

Grand prix du roman de l'Académie française

• 12 juré·e·s
• 10 hommes / 2 femmes (en moyenne*)
• 11 blanc·he·s / 1 non-blanc·he (idem*)
• Moyenne d’âge : 78,6 ans
• Nombre de lauréatEs : 13 (depuis 1915) ; 3 (depuis 2000)

> Quelques faits : la secrétaire perpétuelle Hélène Carrère d’Encausse fut l’autrice en 2005 de propos racistes ; 6 immortel·le·s, qui font à ce titre régulièrement partie du jury du grand prix du roman de l’Académie française, sont aussi juré·e·s en 2020 des prix Renaudot (Dominique Bona), Interallié (Jean-Marie Rouart et Jean-Christophe Rufin) et Médicis (Dominique Fernandez, Patrick Grainville et Andreï Makine).

Prix Femina

• 8 juré·e·s
• 0 homme / 8 femmes
• 8 blanc·he·s / 0 non-blanc·he
• Moyenne d’âge : 76,4 ans
• Nombre de lauréatEs : 39 (depuis 1904) ; 7 (depuis 2000)

> Quelques faits : suite à la parution du Consentement de Vanessa Springora, l’une des jurées, Josyane Savigneau (responsable du Monde des Livres de 1991 à 2005), a dénoncé cette « époque à la moraline » ; Mme Savigneau a publié en 2019 Une conversation infinie avec Philippe Sollers, « grâce à qui Gabriel Matzneff était entré chez Gallimard en 1990 » (dans la collection « L’Infini » qu’il dirige toujours).

Prix Interallié

• 10 juré·e·s
• 10 hommes / 0 femme
• 10 blanc·he·s / 0 non-blanc·he
• Moyenne d’âge : 69,8 ans
• Nombre de lauréatEs : 9 (depuis 1930) ; 2 (depuis 2000)

> Quelques faits : l’un des jurés, le journaliste du Figaro Eric Neuhoff, est l’auteur d’écrits et de propos sexistes et misogynes : notamment dans son livre (Très) cher cinéma français (prix Renaudot essai 2019) et l’émission « Le Masque et la plume » sur France Inter (lire l’enquête de Marine Turchi dans Mediapart).

Prix Médicis

• 10 juré·e·s
• 6 hommes / 4 femmes
• 10 blanc·he·s / 0 non-blanc·he
• Moyenne d’âge : 70,2 ans
• Nombre de lauréatEs : 13 (depuis 1958) ; 6 (depuis 2000)

> Quelques faits : Frédéric Mitterrand, ancien ministre de la Culture (2009-2012), a publié en 2005 La mauvaise vie ; trois jurés Médicis sont membres de l’Académie française : Dominique Fernandez, Patrick Grainville et Andreï Makine (Frédéric Mitterrand est membre quant à lui de l’Académie des beaux-arts).

Au total :

• 59 juré·e·s
• 41 hommes / 18 femmes (69,5% / 30,5%)
• 57 blanc·he·s / 2 non-blanc·he·s (97% / 3%)
• Moyenne d’âge des 6 jurys : 72,6 ans
• Depuis 1903 : 101 lauréatEs (sur 574 prix décernés), soit 17,6%
• Depuis 2000 : 29 lauréatEs (sur 120 prix décernés), soit 24,2%

Annexes

Les jurys sont présentés ci-dessus par « ordre de ventes décroissant ». Entre 2014 et 2018, un prix Goncourt s’est vendu en moyenne à 367.100 exemplaires ; viennent ensuite les prix Renaudot (219.800 exemplaires), de l’Académie Française (116.300 exemplaires), Femina (95.500 exemplaires), Interallié (46.900 exemplaires) et Médicis (34.600 exemplaires). Source : Jean-Philippe Louis, « Prix littéraires : lequel rapporte le plus ? », Les Echos, 4.11.2019 (accès libre).

Le jury Goncourt décerne aussi un prix Goncourt de la nouvelle, du premier roman, de la poésie et de la biographie ; le jury Renaudot décerne aussi un prix Renaudot essai et du livre de poche ; le jury Femina décerne aussi un prix Femina étranger et essai ; le jury Médicis décerne aussi un prix Médicis étranger et essai.

* L’Académie française compte actuellement 34 membres : 29 hommes et 5 femmes (85% / 15%) ; 32 personnes blanches et 2 non-blanches (94% / 6%). Le jury du grand prix du roman de l’Académie française est composé de 12 d’entre eux·elles ; sa composition varie d’une année sur l’autre. Pour attribuer à ce jury les mêmes caractéristiques qu’aux autres jurys, j’ai reporté la moyenne d’âge des 34 académicien·ne·s (78,6 ans) et réalisé, pour les deux autres points, une règle de trois (arrondi au chiffre entier le plus proche). L’Académie française décerne aussi tous les deux ans un grand prix de littérature.

Mes sources pour identifier les membres des jurys : les pages wikipédia des prix Goncourt, Renaudot et Interallié ; le site de L’Obs (« Bibliobs ») pour les prix Femina et Médicis.

Années. Pour établir les moyennes d’âge des différents jurys, j’ai attribué aux juré·e·s l’âge qu’ils ont atteint, ou vont atteindre, au cours de l’année 2020 (par exemple l’âge de 70 ans à un·e juré·e né·e en 1950). Pour établir l'âge des juré·e·s, je me suis généralement appuyé sur les dates de naissance mentionnées sur leurs pages wikipédia. Pour établir la « moyenne d’âge des six jurys », j’ai additionné la moyenne d’âge de chacun des six jurys, puis divisé par six.

Hommes/Femmes. Je conseille vivement la lecture de cet article de Hélène Combis sur le site de France Culture : « Prix littéraires : “C'est l'homme blanc quinquagénaire qui règne en maître dans les jurys” » (5.11.2018, accès libre). La parole y est notamment donnée aux jurées Dominique Bona (Renaudot, Académie française) et Anne-Marie Garat (Femina). Il y est aussi précisé que près de deux auteurs sur trois sont des hommes, d’un âge (moyen) de 55 ans (statistiques 2015, cf. l’infographie réalisée par le site Actualitté). On peut également écouter Geneviève Grisac, le 12.11.2019, sur France Culture.

Nombre de lauréatEs depuis l’origine des différents prix : j’ai repris les chiffres publiés en novembre dernier par Julien Guillot dans Libération : « En 2019, le prix littéraire est décerné à… un homme ». Lire aussi l'article de Grégoire Orain dans Le Monde : « Prix littéraires : toujours aussi peu de femmes récompensées » (16.11.2018, accès libre). Il arrive que les hommes fassent le grand chelem (6 sur 6) : c’était par exemple le cas en 2017.

Histoire. Le jury Femina est exclusivement féminin depuis sa naissance (en 1904) ; le jury Interallié est exclusivement masculin depuis sa naissance (en 1930).

Des prix attribués par des jurys dont les membres sont eux.elles aussi issu·e·s du “monde de l’édition” ont été créés plus récemment : notamment les prix Décembre (en 1989), de Flore (en 1994) et Wepler (en 1998) ; à Vichy ont été créés les prix Valery-Larbaud (en 1967, lire un précédent billet) et Michel-Dard (en 1983).

Des prix attribués par des jurys composés (notamment) de lecteurs sont également apparus : les plus prescripteurs parmi eux sont le prix Goncourt des lycéens (depuis 1988, 2 000 élèves juré·e·s chaque année) et le prix du roman Fnac (depuis 2002, 400 adhérent.e.s et 400 libraires), qui, entre 2014 et 2018, ont atteint respectivement 314.000 et 171.000 exemplaires vendus en moyenne (étude de l'institut GFK, cf. l’article des Echos mentionné plus haut). Existent aussi de nombreux (autres) prix de libraires (dont celui des Maisons de la Presse), ainsi que le Grand prix des lectrices de Elle (depuis 1970), le prix du livre Inter (depuis 1975), etc.

Bibliographie. L’ouvrage de référence sur le sujet reste La littérature, à quel(s) prix ? Histoire des prix littéraires, de Sylvie Ducas, professeure de littérature à l’Université de Paris-Est Créteil, paru en 2013 aux éditions La Découverte. En novembre 2018, Sylvie Ducas évoquait sur France Culture la question de l’indépendance des juré·e·s. 

Dans le journal Le Monde ont paru fin 2019-début 2020 les trois articles suivants : « Gallimard, grand gagnant des prix littéraires » (Nicole Vulser, 20.11.2019), « Gabriel Matzneff : questions sur un prix Renaudot » (Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, 6.01.2020) et « Du Goncourt au Renaudot, enquête sur le fonctionnement des jurys littéraires » (Raphaëlle Leyris, 21.01.2020).

Dans le journal Le Monde ont aussi paru ces trois articles de Dominique Perrin où il est notamment question des prix Goncourt et Renaudot : « “Les temps ont changé, il est devenu indéfendable” : dans un contexte post-#metoo, le malaise Gabriel Matzneff » (23.12.2019), « Pascal Bruckner, le mâle pensant » (10.04.2020) et « Prescription, déni, complaisance… Matzneff, une affaire toujours en souffrance » (27.06.2020).

Twitter. Trois jours avant la remise du prix Renaudot 2020, j'ai entamé ce "thread", qui compile les articles de presse ayant trait aux prix Renaudot et Larbaud, ainsi qu'au scandale que constitue le maintien au sein de leurs jurys de Christian Giudicelli :