Filiation
• Gérard Darmanin est né le 11 octobre 1982 à Valenciennes [1]. Il est le fils de Monsieur Darmanin [2] et de Madame Ouakid.
• Son grand-père paternel est né à Malte. Son grand-père maternel, M. Moussa Ouakid, est né en 1907 en Algérie. Selon L’Obs [3], M. Ouakid était un « petit paysan des Aurès » ; tirailleur algérien, il prit part à la campagne de libération (1943-1945), et notamment à la bataille de Monte Cassino (début 1944) — « comme dans le film Indigènes », indique son petit-fils, qui ne l’a pas connu — ; M. Ouakid fut « encarté au RPF de De Gaulle en 1947 », mais n'a par contre pas « combattu aux côtés des harkis en Algérie », contrairement à ce qu'affirment beaucoup de portraits de son petit-fils [3'].
• Gérald Darmanin mentionne fréquemment ses deux grands-pères — particulièrement son grand-père maternel. Il tire par exemple argument de ce que « ses deux grands-pères sont nés de l’autre côté de la Méditerranée », pour affirmer que lui « n’ethnicise pas » le débat, ni ne fait « de lien entre insécurité et immigration » [4]. En novembre 2020, au cœur du débat parlementaire sur la proposition de loi « Sécurité Globale », le ministre de l’intérieur invoqua cette fois le souvenir de sa grand-mère : elle appréciait, paraît-il, les expressions «filer un mauvais coton» et «tout ce qui est avant “mais” n’est pas vrai».
Du Nord à Paris
• A sa naissance, les parents de Gérald Darmanin tenaient un bar à Valenciennes (« Le Bonus », qui existe toujours), situé à proximité du stade Nungesser (détruit en 2012) [5]. Mais c’est à Paris qu’il grandit, et, après le divorce de ses parents, principalement auprès de sa mère.
• Après la vente de leur bar puis deux années passées en Espagne [6], M. Darmanin s’est reconverti bouquiniste [3] et Mme Ouakid est devenue concierge « sur la très chic avenue d'Eylau (16e arr.) au début des années 1990, puis dans un immeuble de la Banque de France (1er arr.) » [5].
• Gérald Darmanin n’oubliera jamais « tous ceux qui méprisaient [sa mère] quand elle faisait ses ménages » [7] ; il l’accompagnait, le soir, assis sur un petit tabouret avec un livre : « Les mecs passaient devant elle et ne lui disaient pas bonjour. »
• Gérald Darmanin mentionne fréquemment sa mère. S’il a récemment utilisé le terme « ensauvagement » dans un entretien au Figaro [8], c’est notamment, selon lui, parce que « [sa] mère comprend le mot » [9].
Scolarité
• Gérald Darmanin entame ses études primaires à l’école (publique) de la Jussienne, située à deux pas du domicile familial, avant que ses parents ne l’inscrivent à l’école (privée) Saint-Roch (près des Tuileries) : son père s’inquiétait du niveau de l’enseignement, et sa mère, de « l’environnement violent » du premier établissement [9’].
• Gérald Darmanin effectue ses études secondaires (collège et lycée) à l’école privée des Francs-Bourgeois, dans le Marais. Il y fréquente les enfants des beaux quartiers : « La récré, c'était place des Vosges » [3]. « Sur [ses] 130 cousins-cousines », a-t-il aussi déclaré, ils ne sont « que deux à avoir le bac… » [3], la plupart d’entre eux-elles ayant enchaîné « collège Villars à Denain [et] bac pro » [6].
• L’établissement huppé [10] qu’a fréquenté Gérald Darmanin dans les années 1990 n’avait déjà plus grand-chose à voir avec celui que décrit mon grand-père dans ses mémoires : « L’école devait son nom à la rue des Francs-Bourgeois où elle avait été fondée en 1843. Après avoir déménagé avant 1900 dans l’hôtel de Mayenne, au 21 rue Saint-Antoine, elle avait gardé son nom. Elle était tenue par les frères des Ecoles chrétiennes, appelés aussi “frères quatre bras”, car, ceux-ci n’enfilant pas leurs manches, celles-ci flottaient comme deux bras supplémentaires. Ils étaient aussi appelés “frères ignorantins”, car ils se flattaient de ne former qu’aux matières pratiques, utiles à la petite bourgeoisie commerçante ou artisanale, et non à la culture classique, avec latin et grec, réservée à la bonne société. L’école s’appelait d’ailleurs “école commerciale” et le brevet en était traditionnellement l’objectif. […] Les Francs-Bourgeois que je trouvai en 1931 n’avaient guère changé depuis que mon père en était sorti en 1913 : même organisation pour les classes, mêmes manifestations rythmant la vie de l’école, mêmes locaux… » [11]
• « Je n’ai jamais cru à l’excuse sociale », a souvent affirmé Gérald Darmanin : « Ce n'est pas parce qu'on est fils d'immigrés ou d'ouvriers qu'on a moins de chance de réussir, et j’ai toujours trouvé que Bourdieu disait des conneries absolues » [3 et 6].
• Son inscription puis son maintien dans un établissement tel que les Francs-Bourgeois, distant de plus de deux kilomètres et d’au moins quatre stations de métro de son domicile, indiquent que son entourage familial a été en mesure de mettre en œuvre pour lui une stratégie scolaire et de mobiliser les ressources financières correspondantes.
• Gérald Darmanin se décrit par ailleurs comme « un adolescent boursouflé d’acné et d’amours ratées » [6].

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«Faire de la politique»
• Extrait du portrait paru dans Society en 2015 [6] : « Un jour, alors qu’il a 12 ans, Gérald annonce à des amis de sa mère qu’il aimerait faire de la politique. “Si tu veux être député à 40 ans, il faut être militant à 16.” Le conseil porte. » Effectivement : Gérald Darmanin affirme lui-même qu’il baigne dans la politique « depuis l'âge de 16 ans » [12].
• Il fait ses armes au sein des Jeunes RPR, dont il intégrera la direction nationale [13] ; il est notamment une « petite main » de la campagne de Philippe Séguin — qu’il citera souvent, par la suite, comme une référence — lors des mémorables élections municipales de 2001 à Paris [6].
Notes :
[1] Page wikipedia « Gérald Darmanin ».
[2] Décédé en 2019. Source : « Enquête pour viol: Gérald Darmanin face à ses contradictions », Antton Rouget et Marine Turchi, Mediapart, 26.01.2021.
[3] « Gérald Darmanin, le protégé de Sarkozy devenu ministre de Macron », Maël Thierry, L’Obs, 6.03.2015, mise à jour 17.05.2017 (en accès libre).
[3'] Lire l'ouvrage très complet de Laurent Valdiguié et François Vignolle, Gérald Darmanin, le baron noir du président (éd. Robert Laffont, mars 2022) et, en particulier, le premier chapitre : « L'ombre du père ».
[4] « Gérald Darmanin se dit à “100.000 lieues” de faire “le lien entre immigration et insécurité” », déclaration à l’Assemblée nationale, 28.07.2020 (via le compte twitter de LCP).
[5] « Les petits secrets de Gérald Darmanin », François Miguet, Capital, 16.08.2017 (en accès libre). L'immeuble en question était situé rue de la Vrillière (près du jardin du Palais-Royal et de la place des Victoires) : cf. « Noir désir », Pierre-Philippe Berson, Sofoot, n°207, juin 2023 (l'article est consacré à l'expérience d'arbitre du jeune Darmanin dans le Val-de-Marne).
[6] « Le petit Gérald », Antoine Mestres et Michaël Simsolo, Society, 3-16 avril 2015, p.38-42 (les anciens numéros peuvent être commandés ici).
[7] « À Bercy, je ne suis pas extrêmement heureux », Astrid de Villaines, Charles, décembre 2017, p.48-58 (le pdf de l’article peut être téléchargé sur le site de la revue).
[8] « Il faut stopper l’ensauvagement d’une certaine partie de la société », entretien au Figaro, 24.07.2020 (accès abonnés).
[9] « Le ministre de l’Intérieur revendique une nouvelle fois l’usage du mot “ensauvagement” », déclaration à l’Assemblée nationale, 28.07.2020 (via le compte twitter de LCP).
[9’] D’après la biographie (sans intérêt) de Gérald Darmanin parue en novembre 2021 aux éditions de l’Archipel (p.18-19).
[10] Site officiel de l’école : « Les Francs-Bourgeois - Frères des Ecoles Chrétiennes ».
[11] Texte non publié.
[12] « Gérald Darmanin, un proche de Douillet pour succéder à Vanneste », Eric Nunès, Le Monde, 22.02.2012.
[13] « Mobilisations et luttes internes autour des questions homosexuelles à l'UMP : l'“affaire Vanneste” », Anne-Sophie Petitfils, Politix 2010/4 (n° 92), pages 99 à 124 (en accès libre).

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