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Billet de blog 31 décembre 2024

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#MeTooCinéma : 2024, année décisive

Affaires Depardieu, Jacquot, Doillon, Téchiné, Sarde, Barde, Boutonnat, Bedos, Duvauchelle : prises de parole, enquêtes journalistiques, plaintes et procès se sont succédé pendant l'année écoulée pour dénoncer les abus de pouvoir commis au sein du cinéma français et rendre ainsi possible sa refondation.

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6-8 janvier : « La petite fille en moi ne peut plus taire ce nom. Il s'appelle Benoît Jacquot », écrit Judith Godrèche sur son compte Instagram, après avoir découvert un extrait d'un documentaire de Gérard Miller datant de 2011 dans lequel intervient le réalisateur (les premiers témoignages accusant le médiatique psychanalyste sont quant à eux révélés à la fin du mois).

6 février : Judith Godrèche porte plainte contre Benoît Jacquot pour « viols avec violences sur mineur de moins de 15 ans commis par personne ayant autorité ». Après avoir également recueilli le témoignage des comédiennes Julia Roy, Isild Le Besco, Vahina Giocante et Laurence Cordier (les deux premières porteront également plainte contre le réalisateur), Le Monde titre trois jours plus tard : « Benoît Jacquot, la prédation sous le couvert du cinéma ».

22 février : « De mes 11 ans à mes 15 ans, j'ai été abusé par mon agent et d'autres gens de son entourage. J'ai porté plainte à 16 ans car il le faisait à d'autres, je l'ai envoyé en prison. Je me pensais libéré, puis il y a eu les réalisateurs et producteurs : agressions, harcèlements, tentatives de viol. [...] Jusqu'à 25 ans, on m'a proposé des rôles, de la drogue en échange de faveurs. On a tenté de me droguer souvent », écrit sur son compte Instagram le comédien Aurélien Wiik, qui lance ainsi le #MetooGarçons.

Icon of French Cinema | Série Fiction | ARTE © ARTE Presse

23 février : « Nous sommes sur le devant de la scène, à l’aube d’un jour nouveau. Nous pouvons décider que des hommes accusés de viol ne puissent pas faire la pluie et le beau temps dans le cinéma. […] Il faut se méfier des petites filles : elles touchent le fond de la piscine, elles se cognent, elles se blessent, mais elles rebondissent. Les petites filles sont des punks qui reviennent déguisées en hamster [comme le personnage central de sa série Icon of French Cinema] », déclare Judith Godrèche lors de la cérémonie des César.

5 mars : Marine Turchi révèle dans Mediapart qu'une enquête préliminaire pour « agression sexuelle » a été ouverte suite à la plainte déposée contre Gérard Depardieu par une décoratrice ayant travaillé en 2021 sur le tournage du film Les Volets verts, de Jean Becker. Le procès, programmé en octobre, se tiendra finalement en mars 2025

16 mars : les comédiennes Louise Chevillotte, Zita Hanrot, Clotilde Hesme et Marie Lemarchand, toutes membres de l'Association Des Acteur.ices récemment créée, sont les invitées du débat « Metoo dans le cinéma » organisé lors du festival de Mediapart.

27 mars : le dernier film de Jacques Doillon, CE2, dont la sortie était prévue ce jour-là, ne connaît finalement pas d'exploitation en salles, suite à la plainte déposée le 6 février par Judith Godrèche contre le réalisateur et aux témoignages d'Anna Mouglalis et Isild Le Besco ; au désaccord exprimé par les acteur·ices Nora Hamzawi et Alexis Manenti ; aux interrogations sur les conditions dans lesquelles s'est déroulé le casting des enfants jouant dans le film. Fin 2024, Jacques Doillon est visé par quatre plaintes, dont trois sont couvertes par la prescription.

27 avril : dans un long entretien accordé à Libération, puis sur Canal + et France Inter, Juliette Binoche revient notamment sur ses premiers castings au début des années 1980 (avec Maurice Pialat, Jean-Luc Godard ou Sébastien Japrisot), sur le comportement à son égard des réalisateurs Pascal Kané (Liberty Belle, 1983) et Philip Kaufman (L'insoutenable légèreté de l'être, 1988), sur les tournages des Amants du Pont-Neuf de Leos Carax (1991), ainsi que de Rendez-vous et Alice et Martin d'André Téchiné (1985 et 1998).

Illustration 2

30 avril : cent hommes, notamment issus du milieu du cinéma, manifestent leur soutien au mouvement #Metoo en lançant une pétition.

13 mai : Alain Sarde fut l'un des producteurs français les plus puissants des années 1980 aux années 2000 : Jean-Luc Godard, Roman Polanski, Claude Sautet, Bertrand Tavernier, André Téchiné, Nicole Garcia, Alain Corneau, Bertrand Blier, Jacques Doillon figurent dans son abondante filmographie. A la veille de l’ouverture du festival de Cannes, le magazine Elle publie une enquête dans laquelle neuf femmes témoignent avoir été victimes de viols, d’agressions sexuelles et de harcèlement de la part du producteur (entre 1983 et 2003).

14 mai : « Les rendez-vous professionnels nocturnes dans les chambres d’hôtel des messieurs tout-puissants ne font plus partie des us et coutumes du vortex cannois suite à l’adoption de la loi du mouvement #MeToo », déclare l’actrice Camille Cottin lors de la cérémonie d'ouverture du festival de Cannes.

22 mai-6 juin : dans les jours précédant la dissolution de l'Assemblée nationale, la commission d’enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité auditionne notamment l'autrice et réalisatrice Iris Brey (trois de ses livres et sa série Split sont respectivement disponibles dans la collection Points Féminismes et sur France.tv), le directeur de casting Stéphane Gaillard (MeTooActeurs) et l'actrice Noémie Kocher (qui avait fait condamner le réalisateur Jean-Claude Brisseau en 2005).

28 juin : Dominique Boutonnat démissionne de la présidence du Centre national du cinéma (qu'il occupait depuis juillet 2019) suite à sa condamnation en première instance à trois ans de prison, dont un an ferme, pour agression sexuelle.

© Télérama

28 août : après Dire vrai d'Isild Le Besco (paru en mai) et avant Jeu cruel de Mara Goyet (qui paraît en septembre), Caroline Ducey publie le récit Prédation (nom féminin), dans lequel elle revient sur le tournage en 1998 du film Romance et le comportement à son égard de la réalisatrice Catherine Breillat.

29 août : Marianne Denicourt rappelle que dans Rois et Reine, film emblématique du cinéma d'auteur des années 2000, Arnaud Desplechin « [l]'a rendue responsable de la mort de deux êtres [le père de son fils et son propre père] qui ont tant compté pour [elle]. Ça n'avait rien à voir avec un auteur qui utilise la vie de proches. Ici, il se servait de l'art pour me détruire psychiquement ». Pour avoir osé attaquer en justice « la coqueluche du cinéma français » et Why Not Productions, l'actrice avait été soudain mise au ban.

20 octobre : Mediapart publie le témoignage de sept femmes mettant en cause l'acteur Thomas Scimeca. Au mois de juin, le journal avait publié le témoignage de sept anciennes collaboratrices de Bruno Barde, directeur d'une importante agence de relations presse et du festival de Deauville. Les enquêtes ayant porté cette année sur les violences sexistes et sexuelles reprochées aux réalisateurs Alain Corneau, Nils Tavernier, Serge Bozon, Philippe Lioret et Joachim Lafosse, ainsi qu'à l'ancien agent Dominique Besnehard et à l'acteur Gérard Darmon ont été quant à elles publiées par Le Nouvel Obs, Télérama, la Cellule investigation de Radio France, Libération et Politis : la preuve que des choses ont changé dans les rédactions parisiennes depuis l'enquête pionnière de Lénaïg Bredoux et Cyril Graziani en 2016.

22 octobre : l'acteur et réalisateur Nicolas Bedos est condamné en première instance à un an de prison, dont six mois avec sursis, pour agressions sexuelles.

L'actrice Sara Forestier en novembre 2024 sur le plateau de © Mediapart

7 novembre-18 décembre : devant la nouvelle commission d'enquête, l'actrice Sara Forestier, puis Francis Renaud, Nina Meurisse, Anna Mouglalis et Judith Godrèche livrent des témoignages marquants. Peu après son audition devant les député·es, Sara Forestier désignera l'acteur Nicolas Duvauchelle comme l'auteur de la gifle qu'elle a reçue en 2017 sur le tournage du film Bonhomme, de Marion Vernoux. Sur le plateau de Mediapart, elle confie également qu'un entretien d'Isabelle Adjani en novembre 2017 lui a servi de « déclic » : « Au théâtre, [j'ai été confrontée à un] acteur avec une vraie violence physique, avait déclaré la comédienne peu après les révélations sur le producteur Harvey Weinstein. Il a même cassé le bras d'une actrice plus tard et s'est fait traîner en justice par une autre encore. Lui échapper était devenu tellement obsédant pour moi que je suis tombée malade. J'ai dû arrêter la pièce. Tout le monde m'est tombé dessus comme si c'était ma faute. Ça marque… » L'acteur en question s'appelait Niels Arestrup.

10 décembre : Adèle Haenel avait été bien seule à prendre la parole en 2019, puis à « se lever et se casser » de la cérémonie des César en 2020, avant d'annoncer en mai 2023 son « arrêt du cinéma », en raison de « la complicité généralisée du métier vis-à-vis des agresseurs sexuels et, plus généralement, [de] la manière dont ce milieu collabore avec l'ordre mortifère écocide raciste du monde tel qu'il est ». A l'issue de deux jours de procès, la procureure a requis cinq ans de prison, dont deux fermes aménagés avec un bracelet électronique, à l'encontre du réalisateur Christophe Ruggia.

15 décembre : Le Dernier tango à Paris, de Bernardo Bertolucci, était programmé ce jour-là à la Cinémathèque française, dans le cadre d'un hommage à l'acteur Marlon Brando. La séance a finalement été annulée, et la tête de l'institution (directeur général Frédéric Bonnaud, programmateur Jean-François Rauger, président Costa-Gavras), qui s'était déjà distinguée en 2017-2018, a eu tout faux jusqu'au bout.

22 décembre : l'année 2023 s'était ouverte (dans Le Point de la famille Pinault) et refermée (dans Le Journal du Dimanche de Vincent Bolloré) sur une tribune dénonçant le « mépris de la présomption d'innocence » et le « lynchage médiatique » de Sofiane Bennacer puis Gérard Depardieu. L'année 2024 s'achève sur le débunkage par Mediapart de l'intox du clan Depardieu-Moix visant à désamorcer le dévastateur « Complément d'enquête » consacré un an plus tôt à l'acteur.

31 décembre : la critique cinéma peine à se remettre en question, constate Ludovic Lamant, alors qu'un #MetooCritiqueCinéma apparaît sur les réseaux sociaux.

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