Dernière affaire en date, le scandale IAAF-Russie, révélant de manière incroyable des pratiques de corruption et de dopage au cœur même d’une des fédérations sportives les plus puissantes au monde, la fédération internationale d’athlétisme.
Cette affaire a remis au centre de l’attention médiatique la question du dopage, ébranlant le monde de l’athlétisme, ses instances mais aussi l’ensemble du milieu sportif.
Hasard du calendrier, un colloque sur « Le nouveau Code Mondial Antidopage, évolutions et perspectives » co-organisé par Thierry Chiron et Cécile Chaussard (laboratoire de droit du Sport – CREDIMI), se tient ce jeudi 26 novembre à Dijon (informations). L’occasion de revenir sur les dispositions de ce nouveau code et sur la lutte antidopage de demain.
Entré en vigueur le 1er janvier dernier, le nouveau Code Mondial Antidopage révise la version précédente, qui datait de 2009. Cette version tend à un durcissement des sanctions à l’encontre des tricheurs, prohibe de nouveaux comportements et vise à faciliter l’investigation et l’apport de preuves à charge contre les tricheurs. Cette réforme, qui se veut clairement positive pour l’éthique et les valeurs sportives, pose néanmoins un certain nombre de questions quant à son application effective.
Des évolutions importantes pour la lutte antidopage
Comme le souligne Valérie Fourneyron, ancienne Ministre des Sports et aujourd’hui présidente du comité Santé, médical et recherche de l’Agence Mondiale Antidopage (AMA), les évolutions prévues dans le nouveau Code Mondial Antidopage sont nombreuses, et doivent permettre de rendre plus efficace la lutte antidopage. En premier lieu, elles facilitent et renforcent les pouvoirs d’investigation de l’AMA. Mesure la plus visible (et controversée), la possibilité de procéder à des contrôles nocturnes sur les sportifs (« à titre exceptionnel, en cas de soupçons graves et spécifiques » précise le Code). Le nouveau Code prévoit aussi la prise en compte des preuves indirectes et non-analytiques, permettant à l’AMA de se fonder sur des témoignages, des anomalies sur le passeport biologique… pour engager une enquête plus poussée. Les sanctions sont aussi plus « dissuasives » : suspension doublée (de deux ans de suspension à quatre ans) ; délai de prescription augmenté, prise en compte de l’entourage du sportif, complicité et refus de se soumettre au contrôle antidopage considérés comme des infractions… L’ensemble étant prévu pour resserrer les mailles du filet autour des réseaux de dopage.
Au-delà des considérations techniques que véhicule ce nouveau Code, on comprend bien que l’esprit du texte est de rendre la triche de plus en plus compliquée, mais surtout de permettre à l’AMA d’avoir les moyens de ses ambitions. En ce sens, il peut être une avancée considérable.
Des interrogations quant à la mise en œuvre des réformes
Si les dispositions du nouveau Code Antidopage visent à une efficacité accrue, une répression plus forte et des moyens de preuve plus étendus, elles peuvent aussi entraîner des dérives si elles ne sont pas bien encadrées et utilisées. C’est pourquoi le nouveau Code prévoit également une plus grande souplesse si le sportif incriminé peut apporter la preuve qu’il ne trichait pas.
D’un point de vue juridique, ce Code, en tant que norme internationale, a fait l’objet d’une transposition dans la loi française, présentée le 30 septembre dernier par voie d’ordonnance. Les décrets d’application devraient être publiés d’ici la fin de l’année, les fédérations sportives ayant ensuite six mois pour les inscrire dans leur réglementation.
Cet équilibre fragile entre efficacité de la lutte antidopage et respect de la vie privée peut quelquefois se heurter aux lois nationales ou communautaires. À titre d’exemple, l’avocat Thierry Chiron, co-organisateur aux côtés de Cécile Chaussard du colloque « Le nouveau Code Mondial Antidopage, évolutions et perspectives », fait remarquer que le fait que le nouveau Code autorise des contrôles « en tout lieu et à tout moment » peut poser problème aux regard de la législation française.
Et quid de la prévention ? Si la législation évolue, ne doit-elle pas aller de pair avec une prise en charge en amont de l’éducation aux dangers du dopage ? L’un ne va pas sans l’autre pour Maître Chiron.
S’il est clair, au vu de l’actualité, que la lutte contre le dopage a besoin de nouveaux outils, il est encore trop tôt pour appréhender les réussites du nouveau code, dont l’esprit prometteur devra aboutir à des résultats concrets. Cependant le contexte actuel devrait permettre un accueil favorable et accélérer la mise en place des outils qu’il propose.