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Billet de blog 9 juillet 2008

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Rentrée chaude dans les lycées ou comment réformer dos au mur

Le ministre Xavier Darcos l'a annoncé: la loi de finances 2009 prévoit 13.500 emplois de moins pour le ministère de l'éducation nationale. Mais rassurez-vous, il y aura autant de profs pour les élèves, et même plus d'activités scolaires : soutien, accompagnement pédagogique, histoire des arts... Mais comment font-ils ?

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Le ministre Xavier Darcos l'a annoncé: la loi de finances 2009 prévoit 13.500 emplois de moins pour le ministère de l'éducation nationale. Mais rassurez-vous, il y aura autant de profs pour les élèves, et même plus d'activités scolaires : soutien, accompagnement pédagogique, histoire des arts... Mais comment font-ils ?

Après les 12000 suppression de la LF 2008 ?

Ce sont de grands magiciens, ou de piètres stratèges.

Une chose est sûre, la rue de Grenelle ne dispose pas de marges d'adaptation suffisantes pour faire fonctionner à l'identique la machine avec 13500 ETP (équivalents temps plein) en moins. Il va faloir trouver des solutions et la seule possible c'est de réformer le lycée.

La réforme du Lycée est en cours, il y a eu déjà le 11 juin la signature de 11 points de convergence entre les syndicats et le ministre (positions communes) sur des principes et des axes directeurs.

On a annoncé aussi la refonte de la sélection et des concours, de la formation, des enseignants pour la rentrée 2010.

Je m'aperçois ce matin que Claude Lelièvre fait le point clairement sur ces aspects, je ne peux que renvoyer à son blog.

Il y a un consensus assez largement répandu sur le fait que les horaires et programmes du lycée sont trop lourds, que les élèves n'ont le temps ni d'apprendre, ni de réfléchir, encore moins de faire du sport ou d'autres activités. (Je sais, si ils passaient moins de temps sur MSN ou pendus à leur mobile... mais ça on n'y peut rien).

On est un peu moins d'accord, mais enfin presque, sur le fait que les redoublements sont inutiles et coûteux, et que notre système dépense plus d'argent pour le secondaire que pour le supérieur, pour des résultats, euh, des résultats disons inférieurs à ce que l'on serait en droit d'attendre.

Or les mesures annoncées aujourd'hui vont plutôt dans le sens d'une aggravation des conditions de gestion du système éducatif.

On diminue le nombre de postes en créant de nouveaux dispositifs ! (pour mémoire : soutien scolaire, accompagnement éducatif généralisé dans tous les collèges en 2008 et prévu aussi pour les lycées en 2009, introduction de l'histoire des arts...réforme des filières STSS du Bac technologique, et des Bac pro.)

Alors qu'on ne sait pas encore exactement quelles seront les conséquences des diminutions actées pour 2008 (un peu moins de 12000). On est sûr, cependant, qu'à la rentrée 2009 on n'aura plus les marges de manoeuvre actuelles.

Admettons que l'on puisse remettre devant élèves tous les profs détachés à travers toute la fonction publique, les EPA, les collectivités locales, les associations. Bon.

D'une part ils ne sont pas 12000 ETP.

D'autre part ils sont utiles là où ils sont, et souvent dans des missions para-éducatives.

Enfin, certains refuseront de rentrer. (NON ! JE VEUX PAS Y RETOURNER ! comme la fille devant les usines Wonder en 68, vous vous souvenez ? dans le doc d'H. Leroux, Reprise) une fois qu'on a arrêté d'enseigner dans certaines zones pendant un certain temps, on est prêt à tout pour ne pas y retourner. Je sais c'est moche, mais allez d'abord enseigner 10 ans en collège en ZEP et après on en reparle.

Cette argument invoqué par le ministre est en fait fallacieux, même Luc Ferry, entendu par la commission Pochard au début de l'année avait avoué que si l'on examinait bien les détachés et mis à disposition cela ne constituait pas une ressource massive, ni très mobilisable sans frais. (les vidéos des auditions de la commission du conseiller d'Etat M. Pochard sur l'avenir du métier enseignant, prélude au Livre Blanc éponyme)

Donc c'est la catastrophe : peut-être pas tout de suite. On va savoir gérer à coup d'heures sup, de classes surchargées, de profs pas remplacés, de vacataires et autres précaires sous-qualifiés, pendant une année. Les choses mettent du temps à se dégrader, l'Educ Nat c'est un gros pétrolier, il lui faut du temps pour s'arrêter ou manoeuvrer.

Mais la rentrée 2009 va être explosive.

Comment faire ?

Epiphanie ! Joie, joie, joie ! Pleurs de joie !

J'ai trouvé, on va réformer le lycée !

On va faire baisser le nombre d'heures de cours, on va allonger le temps de présence, hors cours des profs dans les lycées, on va créer des modules, et des formes alternatives d'enseignement permettant à moins de prof, de "traiter" davantage d'élèves.

C'est la future réforme des lycées.

Sauf que l'on va la négocier sous pression, avec moins de moyens disponibles, au pied du mur, ou plutôt le dos au mur, donc dans les pires conditions.

Inutile de prophétiser que cela ne sera pas très ambitieux, et que pour s'assurer la paix sociale on va satisfaire d'abord les corporatismes et les intérêts des divers groupes de pression et lobbies variés. Inutile de prophétiser, certes, mais ça va mieux en le disant, c'est la joie de la prétérition.

Tous ceux qui s'intéressent à l'administration et aux politiques publiques savent que pour réformer de manière ambitieuse il faut dans un premier temps, au pire maintenir les moyens, et c'est mieux d'en ajouter un peu la première année. Les années suivantes les effets de la réforme permettent de supprimer les postes devenus inutiles grâce aux changements.

Mais commencer par se lier les mains, puis réformer c'est suicidaire.

Que fait le gouvernement ?

Ils recommencent l'erreur du paquet fiscal. On dépense ce qu'on a pas, et après on n'a plus de moyens quand on en a vraiment besoin la conjoncture se dégradant. Relisez La Fontaine !

Il y a de quoi être assez pessimiste.

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