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Carole Delga n'affrontera pas Jean-Luc Moudenc à Toulouse. La présidente de la région Occitanie a détaillé dans une interview de deux pages à La Dépêche du Midi les raisons qui la poussent à privilégier son mandat actuel. Elle tient surtout à sa fonction de présidente de Régions de France, où l'élue socialiste cohabite avec son voisin Renaud Muselier (ex-LR), Valérie Pécresse ou Xavier Bertrand pour tenir tête à Emmanuel Macron et la citadelle de Berçy, qui prévoit des coupes sombres (5 milliards) dans les budgets des collectivités pour redresser les comptes de la Nation. Carole Delga voit bien plus loin que le Capitole de la "ville rose".
Son micro-parti, La République en Commun, vient de mettre en ligne un site internet à son nom : la « machine Delga » est bien lancée dans la course à l'Elysée. Le site prolonge l'esprit des « rencontres de la gauche » sociale démocrate organisées chaque année dans le petit village de Bram (Aude). « Il y a une volonté de changement, pas seulement portée par les citoyens de gauche », glisse Delga à l'adresse de ses supporters et notamment de ces « chefs d'entreprises » qui la pressaient de descendre dans l'arène toulousaine.
« Non évènement » ?
Fort de sa réélection dès le premier tour dans sa circonscription de Toulouse qui englobe les quartiers populaires du Mirail, François Piquemal juge le renoncement de Carole Delga comme « un non-événement ». Aux yeux du jeune député LFI qui vient de fêter ses 40 ans, la quinquagénaire représente « la gauche archaïque ». Il pointe le soutien constant de la présidente de région à l'A69. Les Insoumis et les écologistes sont férocement opposés au chantier de l'autoroute de Castres, le PS s'était rallié nationalement au « moratoire » réclamé par le Nouveau Front Populaire. Ce sera finalement au tribunal administratif de Toulouse de décider, ou non, de stopper des travaux déjà très avancés.
Récemment adoubé par Jean-Luc Mélenchon venu lancer sa campagne, Piquemal glisse dans la même boîte à archives destiné au Muséum les anciens "radicaux" du PRG. Le président départemental de la formation chère à Jean-Michel Baylet, propriétaire de La Dépêche, s'est fendu d'un communiqué après l'annonce du forfait de Delga appelant à élaborer « un projet commun » et une « candidature fédératrice » pour la métropole toulousaine. Le courrier du maire de Labège a été adressé à plusieurs partis de gauche, mais pas à LFI, rejeté implicitement à l'extrême-gauche.
Piquemal « gauchiste » ?
« Je ne sais pas si François Piquemal est d'extrême-gauche », avait déjà lancé depuis le siège du parti communiste local Pierre Lacaze, la veille de la présentation des vœux du député Insoumis qui marquait le lancement de sa campagne municipale. Siégeant à la fois dans la majorité de Carole Delga à la région et dans l'opposition à Moudenc au Capitole, Pierre Lacaze se lance à son tour en binôme dans la course pour 2026 aux cotés d'Inès Pedrosa, nouvelle élue au conseil départemental de Haute-Garonne. Le PCF, comme le PRG et le PS, conteste la prétention au leadership revendiqué par LFI. « Je ne crois pas que l'extrême-gauche pourra gouverner Toulouse », avait prévenu de son coté Sébastien Vincini lors de ses vœux à la presse. Le président (PS) du département prenait soin toutefois de ménager François Piquemal, assurant maintenir « de bonnes relations » avec le député LFI.
Briançon, candidat par défaut du PS
Artisan des accords NUPES aux cotés d'Olivier Faure, Vincini ne partage pas l'attitude intransigeante de Delga à l'égard des petits soldats de Mélenchon. « Le PS n'est plus hégémonique » approuve François Briançon, qui a succédé à Vincini à la tête du parti en Haute-Garonne. Cultivant une attitude bonhomme de vieux routier de la politique locale, Briançon a fait son retour sur les bancs de l'opposition au Capitole à la faveur de la démission de Piquemal. Il s'apprête à endosser le rôle de "chef de file" du PS qui devrait être désigné en avril par les militants, maintenant que l'hypothèque Delga est levée. « Je n'ai personne contre moi », assure le sexagénaire qui ne se froisse même pas d'une étiquette de candidat par défaut.
Sans attendre la décision de la présidente de région, le PS avait déjà lancé une brochure présentée comme « le livre noir de Moudenc », listant les dix principaux « échecs » du maire sortant, ancien LR jadis proche de Macron et qui se prépare à rempiler sous ses propres couleurs, sans étiquette(s). Les militants socialistes commencent la tournée des marchés avec un questionnaire, également disponible en ligne, pour « donner la parole aux Toulousains ». Les communistes annoncent aussi une « consultation » dans tous les quartiers avec quelques propositions. « Ils démarrent trop tard, nous avons fait ce travail en rencontrant les associations et les habitants depuis plus d'un an » réagit François Piquemal. « Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation » répond Briançon, qui s'agace de son coté de constater que François Piquemal a déjà lancé sa campagne d'affichage. Le " lièvre " insoumis poursuit sa course dans son propre couloir et annonce une " assemblée citoyenne " le 27 février dans le quartier des Minimes.
Godec et les écologistes en « casques bleus »
Alors que le ton monte entre le PS et LFI, Régis Godec a choisi de prendre du champs. Le candidat investi par les écologistes s'est accordé une semaine de vacances. Préféré à Antoine Maurice qui avait conduit la liste Archipel Citoyen en 2020 avant d'être éconduit par Carole Delga aux élections régionales, cet ancien adjoint de Pierre Cohen, dernier maire socialiste de Toulouse, entend jouer les casques bleus dans la " guerre des gauches " qui s'annonce. « Nous sommes très convoités parce que nous représentons un point d'équilibre », assure le candidat écolo qui mène des discussion bilatérales avec le PS comme avec LFI. Depuis les plages de Calais, le candidat qui avait préféré sauter son tour en 2020 confie toutefois son inquiétude de voir les débats nationaux autour de l'élection présidentielle, mais aussi du futur congrès du PS annoncé pour le mois de juin, « parasiter » la préparation des municipales.
Les écologistes se sont fortement impliqués dans l'initiative du Printemps Toulousain, qui a réussit à réunir toutes les nuances de gauche dans une salle municipale le 25 janvier dernier. Du NPA de Philippe Poutou à Place Publique de Raphaël Gluskman, tous les supporters locaux des grandes écuries nationales ont pu s'y exprimer. Même les anciens militants " municipalistes " d'Archipel Citoyen, jadis hostiles à la prépondérance des " vieux " partis politiques, ont pu y avancer leur idée d'une " coopérative " pour tenter d'accoucher aux forceps d'une liste commune à gauche. « La proposition est intéressante, mais il fallait le faire plus tôt. Elle ne peut pas aboutir à un an du scrutin », estime l'une des chevilles ouvrières du Printemps Toulousain.
Printemps toulousain ou marseillais ?
Contrairement au Printemps Marseillais, les initiateurs de cette démarche " unioniste " jurent qu'ils ne cherchent pas à lancer leur propre liste à Toulouse. Leur appel, relayé par la CGT, a été signé par plus de 500 militants ancrés à gauche et de nombreux artistes de la scène locale. Mais il n'est pas certain que le petit miracle fédérateur du 25 janvier puisse se reproduire. Les déclarations individuelles de candidature fusent en ordre dispersé à gauche. « Il y a de quoi remplir la feuille de match pour une équipe de foot », constate Nicolas Tissot, ancien socialiste "printanier ", un brin navré de constater que toutes et tous revendiquent le brassard de capitaine.
Nadia Pellefigue a profité du retrait annoncé de Carole Delga pour aussitôt préempter la place. La vice-présidente de la région Occitanie était arrivée en troisième position en 2020 à la tête d'une liste fédérant le PS, le PCF et le PRG, derrière la liste Archipel Citoyen. Mais sa tentative de come-back a immédiatement été dénoncée par Carole Delga, déplorant « une initiative personnelle ». Se présentant « sans étiquette » depuis son départ du parti socialiste, Nadia Pellefigue expliquait dans La Dépêche du Midi vouloir fédérer « tous ceux qui ne veulent pas reproduire les matches nationaux entre gauche et droite » à Toulouse.
Romain Cujives, son rival au sein du PS pour décrocher l'investiture en 2020 qui avait finalement rejoint Archipel Citoyen avec ses troupes, se déclare lui aussi « disponible » pour conduire une liste. Il siège avec les écologistes au conseil municipal depuis l'éclatement du groupe Archipel mais n'a rejoint aucune formation politique. Pour compléter le tableau, sa voisine sur les bancs de l'opposition Isabelle Hardy s'est aussi inscrite sur la ligne de départ, avec le dossard de Génération(s). Egalement élue dans la majorité du conseil départemental de Sébastien Vincini, elle incarne l'héritage de Pierre Cohen, le dernier locataire de gauche du Capitole qui avait quitté le PS pour rejoindre le parti jadis fondé par Benoît Hamon. Mais les militants des quartiers populaires qui avaient servi de supplétifs à l'ancien maire pour présenter une troisième liste en 2020 ne l'entendent pas de cette oreille. Ahmed Dahrour, qui revendique 500 adhérents au sein de « Tous pour Toulouse », a fait savoir dans les colonnes du quotidien régional qu'il n'entendait pas céder la place.
Seul candidat potentiel encore non déclaré à ce jour, Maxime Le Texier dit refuser « d'ajouter du bruit au bruit ». Cet ingénieur d'Airbus, cofondateur d'Archipel Citoyen, a néanmoins poussé à la transformation de l'association en véritable parti politique. Il assure que son mouvement est toujours dans la course et représente même « la quatrième écurie » à gauche pour tenter de battre Jean-Luc Moudenc. Une manière de rester à la table de la véritable partie de "poker menteur " lancée entre tous les prétendant(e)s au Capitole à la gauche de Moudenc. Le maire sortant a tendance à ranger tous ses adversaires putatifs dans le même sac « rouge et vert » des « extrêmes ». A part bien sûr Madame Delga...