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Billet de blog 17 mars 2023

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La source du pouvoir

Emmanuel Macron confond légitimité et légalité, et cherche à nous faire croire qu’il respecte la démocratie alors qu’il se limite à respecter la loi. Le président oublie qu’il n’est que le dépositaire du pouvoir, et qu’il a l’obligation de céder face à la volonté du peuple.

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Ce jeudi, M. Macron a choisi d'embraser le pays. Conscient que sa réforme serait rejetée par le peuple, il refuse de la présenter au référendum. Conscient qu'elle serait rejetée par les députés, il refuse de la soumettre au vote. Sans convaincre personne, le président prétend que les Français l'ont élu pour repousser l'âge de la retraite.

 Le Macron de 2019 affirmait qu'il était inepte de vouloir faire travailler les gens jusqu'à 64 ans. Le Macron de 2022 reconnaissait qu'il avait été élu pour faire barrage à l'extrême-droite, et que cet état de fait l'obligerait à faire des concessions. Le Macron de 2023, lui, est frappé d’amnésie.

Lui et ses lieutenants nous assurent que leur seule faute, si jamais ils en ont commis une, est d'avoir manqué de pédagogie. Pour eux, au mieux, le peuple est un enfant dénué de discernement. Il faut donc contraindre ce peuple-enfant, le mettre sous tutelle, car il ne sait pas ce qui est bon pour lui. Au pire, ils considèrent le peuple comme un ramassis d'imbéciles réfractaires, inaptes à comprendre des réformes « intelligentes » dont tout bon technocrate sait qu'elles sont nécessaires.

"Cette réforme est indispensable pour sauver nos retraites sans baisser les pensions ni augmenter les impôts", tweetait hier Bruno Retailleau, le chef des sénateurs LR, pour justifier l'utilisation du 49.3. Le passage en force est donc justifié, du moment que la réforme est bonne ? Ce serait si simple.

Le pays ne manque pas de gens persuadés que leurs idées sont les meilleures qui soient, et que tout irait bien mieux s'ils étaient aux commandes. Malheureusement, on s’aperçoit vite que leurs programmes ne sont pas identiques… Comment, dès lors, départager tous ces esprits brillants qui ne parviennent pas à se mettre d’accord ?

La démocratie représente à la fois une traduction concrète du principe d'égalité entre les citoyens, et une solution technique à cet épineux problème : en démocratie, le peuple décide. Il juge, il tranche, il départage. Si mon idée est bonne, il ne suffit pas que j'en sois convaincu. Je vais devoir faire l'effort de convaincre mes concitoyens.

Emmanuel Macron a été élu dans les règles, rétorqueront certains. Il n'a donc plus à convaincre ses concitoyens, du moins pendant la durée du mandat qui lui a été confié. A cela on doit d’abord objecter que le parlement a lui aussi été élu, et que M. Macron l'a empêché de se prononcer.

En outre, les insuffisances de la démocratie représentative sont multiples (il suffit de penser à notre mode de scrutin biaisé et archaïque) et il serait faux de dire que les élus sont en mesure d’exprimer très fidèlement la volonté du peuple. L'élection de représentants n'est pas un principe profond de la démocratie : c'est une solution technique, la seule manière de prendre des décisions collectives à l'échelle d'une nation.

Puisque le peuple ne peut pas être assemblé en permanence pour délibérer des affaires publiques, il élit des représentants auxquels il délègue cette tâche. Mais ne nous y trompons pas : les représentants ne sont en aucun cas la source du pouvoir, ils n'en sont que les dépositaires.

Et quand la volonté du peuple va clairement dans un sens opposé à celui des représentants, c'est à eux de céder. Le peuple peut se tromper, et chacun a le droit de penser cela. Moi-même, je pense souvent qu’il fait fausse route, et à bien des égards. Mais il demeure le souverain, la seule source légitime du pouvoir politique. Si M. Macron pense que le peuple se trompe, il n’a qu’à faire en sorte d'être plus convaincant.

Les Français ne disposent pas du pouvoir de révoquer leurs représentants en cours de mandat. Cela signifie-t-il que ces représentants peuvent faire tout ce qu'ils veulent pendant les cinq ans qui suivent leur élection, du moment qu'ils restent dans les limites de la loi ?

Le fait d'avoir été élu ne les dispense en aucun cas de l'obligation de convaincre leurs concitoyens et de rendre des comptes. Les élections sont épisodiques, mais la vigilance citoyenne est constante : un peuple libre ne dort jamais, c’est un géant toujours prêt à bondir.

A présent, le président dépend des Républicains pour se maintenir au pouvoir. Ceux-ci se trouvent à la croisée des chemins – vont-ils se désolidariser du gouvernement, ou accepter d'être marqués au fer rouge pour leur alliance avec une Macronie plus honnie que jamais ? 

Le locataire de l'Elysée gouverne délibérément contre la volonté du peuple. Il amalgame sciemment légalité et légitimité, et cherche à nous faire croire qu’il respecte la démocratie alors qu’il se limite à respecter la loi. Il sait que s'il soumet son projet au référendum, il sera balayé. Il sait que s'il provoque de nouvelles élections, il sera laminé. Tout ce qu'il peut faire, c'est se cramponner à son siège en espérant que les Républicains choisissent de lui sauver la mise. Ce jeudi, M. Macron a voulu tester les limites de son pouvoir : il s’apprête à les découvrir.

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