Comment tisser la toile réunissant les carrefours où se croisent les pensés, les vies, les histoires, l’histoire ? Que reste-t-il et pourquoi ? Il y a l’expression française « du qu’en dira-t-on ». Elle est intéressante. Non pas pour ce que ça veut dire, mais pour ce qu’elle dit. On peut regretter qu’elle exprime en général une crainte et non pas simplement une interrogation.
Dans mes lectures récentes sur Médianet j’avais croisé le billet intime et très beau intitulé :D’un exil l’autre (écho intimiste à la série d’Antoine Perraud, en forme de lettre à un père)qu’Anne Guérin-Castell publiait sur son Blog le 03 août.
Je vous invite à le lire si ce n’est déjà fait. Les commentaires furent nombreux, et à mon tour je réagissais :Merci Anne, pour ce doux roulement de tambour, perçu comme un son au loin si connu par tous ceux qui font partie de tribus d'ailleurs. Par les commentaires je vois que votre billet résonne dans les âmes de tous ceux qui ont eu la chance d'avoir pu s'enrichir au contact de plusieurs pays-patries. Que ce soit au cours de leur vie propre ou celle des aïeux.Je reconnais votre nostalgie qui vient aux enfants et petits enfants au détour d'un album photo, d'histoires entendus, d'un voyage, et qui se sentent différents des autres enfants, car ils sont plus blond ou plus bruns, et se sentent comme faisant partie d'une histoire-aventure.
Pourtant par fois j'enviais les habitants de mon village qui vivent là où ils sont nés depuis plusieurs générations. Toujours dans la même maison, sur la même colline donnant sur la mer.
Leurs histoires et leurs terres se confondent. Chaque pierre raconte leur histoire, chaque bosquet leur murmure à l'oreille. Leur histoire est une histoire qui avance dans le temps, mais qui reste figé dans l'espace..... J'ai eu des envies modestes de filmer cela, mais aussi ces voyageurs qui sont restes, partout sur la terre et que l'on appelle qui exilé, qui réfugié, qui immigré, qui étranger....
D'autres filment et filmeront à ma place avec beaucoup plus de talent, et toujours un regard différent.
Merci encore... à suivre?
Anne Guérin-Castell répondait :
L'errance étant très tôt devenue ma nature, j'ai longtemps été, comme vous, fascinée par les personnes qui vivent tout près de l'endroit où sont nés leurs ancêtres, parfois dans la même maison. Mais il est encore plus difficile de filmer le temps que de tenter de le dire…N’ayant ce jour là pas encore ouvert le Tink Tank, j’ai squatté l’espace d’Anne encore un peu :
Cheminons encore un peu ensemble sur ce Médiapart très hors des sentiers battus....Vous voulez bien? J'y fais mes premiers pas et ne suis pas encore au diapason. Pardonnez-moi mes fautes d'accords ou sémantiques. Il n'y a pas de comité de relecture avant émission de mes billets. Je les écris seul.....des bouts des doigts. En attendant d’oser ouvrir mon blog, je m’invite chez les autres…quand je vois de la lumière….Tiens je crois que je commence à saisir ce qui rend Médiapart si différent. En fait c’est comme quand je suis avec des Canadiens. Ils sont bien dans notre langue, mais dans une autre culture, une autre société. Je les appelle les francophones optimistes….au fait «Vancouver», ça vient d’où ?Anne, je ne sais (pas encore ?) filmer, et j’appréhende la déception face au résultat, le jour où je ferai le pas. En fait c’est comme la certitude de ne pas arriver à réussir le goût d’un met d’après le fumet dont on se souvient.
Filmer le temps, je pense que c’est possible grâce aux paroles pensées et non dites. Est-ce là la grande différence entre l’image et le mot ? Le regard et l’écriture.
J’ai toujours aimé les pièces radiophoniques. Pas tellement les histoires, mais les images, lieux, dimensions créés avec des bruits. (Même le froid ou le brouillard peuvent s'entendre.)
Ecrire le temps, pour ceux qui sont d’ailleurs, est un exercice qui chemine de lieu en lieu d’une langue à l’autre. Il y a la langue des souvenirs, de l’enfance, de la nostalgie, des repères, puis la langue des découvertes et rencontres, de la raison et des doutes. Parfois il y a d’autres langues, juste pour parler et comprendre, qui ouvrent des portes vers d’autres passés et d’autres présents.
Au bout de ma rue il y a la mer Méditerranée. Dans l’absolue elle est pour moi l’image du temps. Elle traverse le temps, immuable. Reliée aux autres mers de la terre, dont celle du Nord où mes ancêtres subissaient les tempêtes, péchaient des moules et craignaient dieu, dans les villages derrière les digues…
Pardon Anne, d’être si volubile….comme je disais, je me suis invitée….
La prochaine fois j’apporterai un petit quelque chose… qu’est ce qu’il vous ferait plaisir ?J’espère qu’Anne ne m’en veut pas d’avoir recopié tout ce qui précède dans mon Blog. Ce sujet m’est si proche que je souhaite l’ajouter au « Tank ». Le réécrire me semblait périlleux. Merci à Vancouver de m’avoir donné l’idée.