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Billet de blog 6 février 2015

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Maupassant va se refaire une beauté!

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y a un an tout juste, dans cet espace blog, je lançais l'idée de restaurer la statue de Guy de Maupassant au parc Monceau, à Paris. Le monument était laissé à l'abandon. Il s'abimait dangereusement dans une indifférence navrante.  Aujourd'hui, une lettre de la Mairie de Paris indique que les travaux de restauration commenceront dès ce printemps. Heureuse victoire ? Certes. Mais cette lettre ne m'était pas destinée.
Retour sur une aventure pleine de rebondissements.

Retrouver un visage élégant

Le courrier est à l'en-tête de la Mairie de Paris, Division des Affaires Culturelles. Il signe l'épilogue d'une aventure commencée il y a un an. Cette lettre, de la Conservation des Oeuvres d'Art Religieuses et Civiles (COARC), est datée du 23 janvier 2015. On y lit : "Nous prévoyons dans le courant du printemps 2015 une intervention sur ce monument. Elle consistera en un nettoyage de la pierre accompagné d'un traitement par biocide pour éliminer les micro-organismes parasites (...) en particulier au niveau de la tête et du cou de Guy de Maupassant. Le nez disparu de Maupassant et celui de votre grand-mère qui retrouvera ainsi son visage élégant pourront être restitués, par un ragréage de poudre de marbre mêlé à de la chaux..."

Qui donc est cette grand-mère  ? Il s'agit d'Aurélia Hoesti, qui a posé pour Raoul Verlet, le sculpteur. Elle repose au pied de l'écrivain, songeuse, un livre à la main.  Le destinataire de cette heureuse missive n'est autre que le petit fils du modèle !

Flash-back.

Courant décembre, sur ma page Facebook dédiée à la restauration de cette statuaire, je recevais un message et plusieurs photos d'Aurélia, la grand-mère en question. Aucun doute. Oui, c'était bien la dame qui avait posé dans l'atelier de Verlet, elle dont le visage est désormais  affreusement défoncé. Emotion ! Ainsi donc, quelque part (pas très loin, d'ailleurs, à Courbevoie...) une personne était tombée sur mon site et  poursuivait, de son côté, ce même combat. Nous nous écrivîmes. G.H était animé d'une jolie flamme : "J'estime qu'il n'est pas concevable qu'un service administratif ne réponde pas à un courrier. Je ne lache jamais une affaire engagée." Ferme et direct.

Le délicieux barrage

Des mots qui faisaient résonnance. Voilà en effet un an que votre serviteur  feraillait seul dans le maquis administratif parisien : Directeurs, responsable presse, maire-adjoint puis appels téléphoniques, pétition, page Facebook, film sur youtube, demandes d'interviews, autant d'efforts qui rencontraient un intérêt poli. Pas davantage.

L'évidence s'imposait : tout le monde s'en foutait de cette statue, de Maupassant, de cette croisade culturelle ! Comme d'autres, on me laissait croupir dans une salle d'attente. J'étais un maniaque, un romantique, un allumé ! Il y avait comme une sorte de commisération dans le regard de mes interlocuteurs, un sourire entendu. Mais je reçus une lettre d'encouragement de la Société des Gens de Lettre. Son directeur, JC Bologne, m'écrivait :
"Il est particulièrement douloureux, pour la Sté des Gens de Lettres, de constater l'état d'abandon de monuments dont elle avait financé l'érection par le lancement d'une souscription nationale. En ce qui concerne Guy de Maupassant, nous avons le sentiment d'avoir fait le maximum pour la préservation de sa mémoire : l'entretien de sa tombe nous avait alors été confié par Mme de Maupassant, mère de l'écrivain, et la somme confiée à cet effet est depuis longtemps épuisée ; néanmoins, nous avons toujours considéré qu'il était de notre devoir de perpétuer cet entretien, que nous assumons aujourd'hui à nos frais".
Puis il  m'expliquait que la décision de restauration des bustes et monuments d'écrivains "revient aux collectivités détentrices de ces oeuvres. A plusieurs reprises, nous nous sommes heurtés à des fins polies de non recevoir pour nos demandes...".

De fait, pour moi aussi, la farandole des déceptions commençait.

Ah, le délicieux barrage des secrétaires !  Qui dira le plein pouvoir de ces êtres froidement aimables et  qui semblent rémunérés  pour faire blocage au téléphone, offrir des réponses vaseuses ou éconduire sans ménagement l'importun qui ose, le salaud, demander quelque chose.

La technique, bien française,  est éprouvée : il s'agit d'empiler les refus afin d'épuiser l'interlocuteur pour qu'il rende enfin les armes et n'emmerde plus jamais personne.

Les refus me dopaient.  Le combat monta d'un cran.

Vous aimez Maupassant ?  Prouvez-le !

Je constituais alors un dossier pour le Qatar. Espoir un peu fou. Et si un émir francophile était  sensible à ma démarche, s'il acceptait de lacher un ou deux barils de pétrole pour la remise en état de la sculpture ? Puis je fabriquais une maquette d'affiche (la photo en une de cet article). Le texte se voulait incisif : "VOUS AIMEZ MAUPASSANT ? PROUVEZ-LE ! SIGNEZ LA PÉTITION POUR EXIGER LA RESTAURATION DE SA STATUE AU PARC MONCEAU. L’ÉCRIVAIN NE DOIT PAS MOURIR UNE DEUXIÈME FOIS !"

Ma pétition mise en ligne recueillait quelques signatures. Elle offrait aussi quelques enseignements. Partout dans le monde, on aimait cet écrivain. Les signataires habitaient la France mais aussi le Canada, la Georgie, la Tunisie, la Côte d'Ivoire, l'Ouzbékistan ! Quelques phrases accompagnaient parfois  les signatures de soutien. Il était touchant de voir combien cette oeuvre palpite encore dans la poitrine des gens.

Pourquoi ces inconnus signaient-ils ?  : "Je signe parce que sauver notre patrimoine, c'est préserver la mémoire qui enrichit notre présent et notre avenir." (Ange, Côte d'Ivoire) "Comment ne pas signer?...Pour notre histoire, pour celle d'un homme qui a marqué notre littérature française, belle et précieuse. Pour le garder simplement prés de nous..."(Marilyn, France) "Parce que, comme beaucoup de Français, je me sens redevable au grand écrivain qui a enchanté bien des heures de lecture et alimenté bien des heures de réflexion."(Michel, France) "Guy de Maupassant est un grand très apprécié dans le monde arabe. Un grand nombre de ses textes sont traduits en arabe.(Arselène, Tunisie). Immortel Maupassant.

Sans doute émue par la lettre de G.H qui évoquait Aurélia, son arrière grand-mère, Anne Hidalgo, maire de Paris,  a donc donné son feu vert pour que soit restaurée la statue de l'écrivain bien-aimé.  Ouf ! Il était temps. Presque trop tard. Maupassant sauvé par une femme et surtout grâce au combat de son petit-fils. L'histoire est savoureuse. L'écrivain en aurait probablement fait une nouvelle.

Est-ce que tout cela influencera mon vote aux prochaines municipales ? Peut-être. 

Laissons à notre écrivain-copain le dernier mot. A la fin de  son premier roman "Une vie" (1883) , Maupassant couchait ses lignes :
"La vie, voyez-vous, ça n'est jamais si bon ni si mauvais qu'on le croit."

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