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Billet de blog 7 octobre 2013

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L’orientation scolaire, le deuxième piège pour Vincent Peillon après les rythmes scolaires

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En acceptant de mettre le paragraphe suivant dans la loi pour la refondation de l’Ecole, Vincent Peillon s’est fait avoir, de la même manière qu’il s’était fait avoir quand il a cru que le dossier sur la semaine de 4 jours et demi mettait tout le monde d’accord.

« A titre expérimental, pour une durée maximale de trois ans, dans des académies et des conditions déterminées par le ministre chargé de l’éducation nationale, la procédure d’orientation modifiée afin qu’après avoir fait l’objet d’une proposition du conseil de classe et au terme d’une concertation approfondie avec l’équipe éducative, la décision d’orientation revienne légaux de l’élève ou à celui-ci lorsqu’il est majeur. Cette expérimentation fait l’objet d’un rapport d’évaluation transmis aux commissions compétentes en matière d’éducation de l’Assemblée nationale et du Sénat. »

L’expérimentation proposée est hors sujet. De plus, elle générera des dysfonctionnements basés sur  un mécanisme proche de l’assouplissement de la carte scolaire qui, en ouvrant des vannes a entraîné une ghettoïsation des établissements scolaires.

D’après la presse une douzaine d’académie et 117 collèges expérimenteront le « dernier mot » aux parents. Cela me semble irresponsable pour une expérimentation vouée à l’échec.

Les loupées de la semaine de 4jours et demi

Je vous rappelle ce qui s’était passé sur la semaine de 4 jours et demi. Un consensus a été établi pour dire qu’il fallait diminuer la journée à la charge de l’enseignant et offrir aux enfants des activités périscolaires de qualité de manière à faciliter les apprentissages des enfants. Par ailleurs, l’amélioration des rythmes scolaires était dans le programme de François Hollande. La jeunesse étant une priorité, les communes paieront.  Les Syndicats d’enseignants semblaient d’accord sur le principe. Les fédérations de Parents d’Elèves ainsi que la gauche de la gauche étaient focalisées sur les injustices dues à la différence de l’offre périscolaire en fonction du lieu d’habitation.  C’était des pressions pour avoir le maximum d’activités gratuites pour l’épanouissement de leur cher bambin, pressions inadéquates car cette partie de la réforme était de la responsabilité des communes, et que le problème est l’équilibre de la journée, non pas la quantité de périscolaires.

Le passage à la semaine des 4 jours et demi est une excellente réforme, parce qu’elle donne du "bon temps" pour les apprentissages et parce qu’elle donne la responsabilité de l’équilibre de la journée aux municipalités, propriétaires des locaux et responsables des activités périscolaires. Les parents étant des électeurs, les municipalités sont de fait obligées de dialoguer avec toutes les personnes concernées.

Cependant la communication a été inadaptée, en ne mettant pas en valeur ce qui est vraiment l’intérêt de l’enfant, en promettant des activités périscolaires d’une qualité qu’il était impossible à tenir et en sous-estimant les difficultés d’organisation que la réforme poserait. Le positionnement des enseignants par rapport à cette réforme n’a pas été anticipé, alors qu’il était facile à deviner.  Tout ceci est expliqué dans ce précédent billet : 27/01/2013 – Rythmes scolaires : Quelles erreurs Vincent Peillon a commises ? Que doit-il faire pour reprendre la main ?

La cause de cette erreur est simple : le ministre a cherché un consensus entre des personnes qui cherchaient plus à faire perdurer leurs fonds de commerce que de rechercher l’intérêt des enfants. Il aurait dû analyser l’impact sur les personnes concernées au quotidien par la réforme (professeurs, parents qui doivent se réorganiser, animateurs) et sur les difficultés prévisibles d’organisation qu’allaient rencontrer les communes.

Dans le cas de l’orientation, c’est la même chose. Il y a des gros dysfonctionnements dans l’orientation. Mais la solution proposée ne règle en rien le vrai problème. Par ailleurs, elle va créer d’autres problèmes et risque de capter l’attention sur de faux problèmes d’empêcher de mettre en place une solution adaptée.

L’affectation en fin de Troisième

La commission d’appel statue sur l’acceptation ou non en lycée générale ou technologique, non pas sur l’affection dans une filière de l’enseignement professionnel. Or c’est dans l’affectation dans les filières professionnelles  que se situent les dysfonctionnements de l’orientation à la fin de 3ème.

C’est d’ailleurs la conclusion de l’étude présentée le Le 25 septembre 2013, à la « journée du refus de l’échec scolaire » organisée par l’AFEV dont le thème était le lycée professionnel, et disponible sur internet à l’adresse suivante.

http://www.afev.fr/pdf/JRES/Afev-Trajectoires-Unaf_Rapport-etude-LP_JRES2013_VF.pdf

35% des élèves de lycées professionnels n’ont pas choisi leur orientation en fin de 3ème . La première cause de mécontentement est qu’ils n’ont pas eu la spécialité demandée.

Les élèves sont globalement satisfaits : 83% pensent que le lycée professionnel est mieux que le collège, 86% pensent que le lycée professionnel est aussi bien ou mieux que le lycée général.  82% pensent que le diplôme qu’ils préparent ont de la valeur. Seuls 5,5% des élèves pensent que ce qu’ils apprennent aux lycées n’est pas utile.

Les jeunes qui n’ont pas choisi leur orientation « aiment moins que les autres aller au lycée (53% contre 29%) et s’y ennuient plus (74% contre 57,5%). Ils ont moins le sentiment que les professeurs s’intéressent à eux ».  « Ils sont moins nombreux à penser qu’ils auront leur diplôme (78% contre 92%). ». Par ailleurs, ces élèves sont beaucoup plus concernés par le décrochage.

Cette affectation n’est pas choisie par le conseil de classe, mais par le logiciel AFFELNET dont les paramètres sont réglés par des bureaucrates des services académiques qui  visent de bons chiffres pour les statistiques.  Le système d’affectation est basé sur les notes, corrigées par des points de bonus qui favorisent les parcours dérogatoires (SEGPA, DP6) et les établissements proches. 

En fonction de leurs notes, les conseilleurs d’orientation indiquent aux élèves les formations en lycée professionnel qu’ils peuvent avoir et les détournent des formations les plus demandées. Pour un élève ayant de mauvaises notes au collège, la liste est très réduite.

Or, il existe une solution. C’est de donner aux responsables des formations professionnelles, la responsabilité de choisir les élèves sur le critère de "la motivation pour le métier" comme je l’explique dans un précédent billet. Les établissements auront l'obligation de rechercher un équilibre entre les profils.

http://blogs.mediapart.fr/blog/viviane-micaud/250813/l-orientation-en-fin-de-3eme-par-une-boite-noire-informatique-est-ce-une-bonne-chose

Il n’y a pas de dysfonctionnement dans l’affectation en 2nd  générale et technologique. En effet, le processus complet (conseil de classe, puis le dialogue avec les parents, puis la commission d’appel) fonctionne correctement. Les discussions en commission d’appel porte uniquement sur la réponse à la question « Le jeune a-t-il une chance raisonnable de réussir la filière qu’il demande ? ». En cas de doute, il est donné raison à la famille. La commission d’appel a pour rôle d’éviter que les jeunes qui sont en déperdition en 3ème à cause de leurs lacunes, soit en situation de souffrance une année de plus. Pour comprendre le mécanisme de destruction de la confiance en soi des jeunes au collège,  je vous conseille de lire ces deux billets.

11/01/2013 – L’indifférence de la communauté éducative à la souffrance scolaire générée par notre système éducatif

25/08/2013 – Jetons nos enfants au milieu de la piscine sans bouée pour leur apprendre à nager

Lors de la journée du 25 septembre 2013 sur l’échec scolaire, les adultes en position d’enseignement ou de facilitation de l’enseignement n’ont nullement vanté l’intérêt d’aller en lycée générale pour les jeunes de lycée professionnel. Ce qui transparaissait dans les non-dits, c’était plutôt l’opinion contraire. « Ils leur manque des bases pour réussir ». «Pour la plupart, ils ont perdu confiance en eux et en nous ». « Ils ont perdu le goût d’apprendre parce qu’ils ne savent pas apprendre ». « Il faut les réconcilier avec eux-mêmes, avec les autres, avec l’apprentissage. »

Le droit des enfants à continuer de détruire leur estime de soi dans des formations où ils seraient noyés, était très éloigné de leurs suggestions d'amélioration du système. Personnellement, je ne crois pas que ceux qui revendiquent ce droit s'intéresse à l'intérêt de l'enfant.

La problématique de l’orientation peut être résumée en deux contraintes :

- Aucun élève ne doit être affecté dans une formation pour laquelle il n’a clairement pas les bases pour réussir

- Aucun élève ne doit être dans une formation professionnalisante  alors qu’il ne s’est pas impliqué psychologiquement dans ce choix.

Le « dernier mot au parent » n’apporte strictement rien, et risque même d’amener des dysfonctionnements aux dépens des plus faibles.

L’affectation en fin de Seconde

Les problèmes de l’affectation en fin de 2nde dans la filière de l’enseignement ne sont nullement liés à la commission d’appel. Toute la procédure est centrée sur la question : « Est-ce que le jeune a une chance raisonnable de réussir la filière qu’il demande ? ». Le doute est en faveur du jeune. 

En réalité, les lycées ont ordre d’éviter le redoublement et d’accepter dans des filières des jeunes qui n’ont pas le niveau, ce qui désorganise les classes. Le taux de transfert entre la 1ère S et la Terminale ES a augmenté. Le taux de réussite au bac est maintenu grâce à un système de coefficient sur les notes. La bureaucratisation du flux d’élèves au lycée tirée par la politique du chiffre est telle, que plusieurs des épreuves du bac étaient visiblement inadaptées pour vérifier les acquis des élèves. Ce qui montre que le système éducation nationale ne voit pas la nécessité de maintenir une attention pour valider que les épreuves du bac permettent une vérification d’acquis. Il s'agit d'un dysfonctionnement gravissime qui montre que les services centraux de l'éducation nationale n'ont plus conscience des finalités de l'école.

Ce dysfonctionnement est un problème récent, survenu à la triste période 2007-2012, où la priorité était de faire des économies sur l’école quelles soient les conséquences pour les élèves, tout en alimentant les « beaux chiffres » nécessaires à la com du président de la République d’alors.

La deuxième difficulté est structurelle. Les possibilités d’études après le bac sont liées au niveau acquis en expression littéraire et en mathématiques, plus que par les « dominantes » choisies (économie, littérature, physique, technologie).  Il y a un premier tri sur l’expression littéraire. Ceux qui n’ont pas le niveau  pour suivre à terme des études littéraires, sont relégués en filière technologique. Le deuxième tri est sur les compétences en maths avec une hiérarchie entre la L, la ES et la S.  La structure actuelle oblige de choisir entre la matière que l’on va approfondir et les portes ouvertes que l’on se garde pour les études supérieures. Les bons élèves qui veulent conserver le maximum de portes ouvertes et qui n'ont rien contre la physique, demandent généralement la filière qui permet toutes les filières après le bac : la filière S « dite scientifique » mais en réalité généraliste. La dictature est basée sur les « capacités littéraires » non pas sur les maths. Les réformes ont toujours été inadaptées car le diagnostic sur lequel elles se sont appuyées était faux. Il existe une solution pour le lycée générale et technologique : là voici. 25/08/2013 – Une proposition pour le futur lycée général . Elle consiste à choisir son parcours en expression littéraire, son parcours en mathématiques et sa dominante.

Conclusion

Dans l’école du futur, le redoublement devra être supprimé sur toute l’école du socle et donc les commissions d’appel jusqu’en fin de Cinquième seront supprimés.

Cependant le « dernier mot au parent » ne résout pas les vrais difficultés d’orientation ni en fin de 3ème, ni en fin de 2nde et va en créer d’autres. Il s’agit d’une mauvaise réponse aux difficultés que rencontrent les enfants. En réalité, cette réponse est voulue par les adhérents des fédérations de parents d'élèves qui sont tous des parents qui suivent la scolarité de petit chéri, et qui sont capables de l'aider s'il se plante ou a des lacunes.

Pour améliorer l'orientation, il convient que :

- l’affectation dans une filière professionnelle soit liée uniquement à la motivation pour le ou les métiers liés à la filière.

- le lycée générale et technologique évolue pour que la « dominante » ne soit plus associée au choix du parcours littéraire ou du parcours mathématiques.

Contrairement aux rythmes scolaires, Vincent Peillon est prévenu suffisamment en amont. Il a le temps pour agir en conséquence. 

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