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Billet de blog 14 juin 2025

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Le Qatari, le Chinois et le ministre de Macron

Quand l'État français fait payer ses enfants expatriés pour un service qu'ils ne recevront jamais. Article publié le 3 novembre 2019.

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CSG :"On a une rupture d'égalité devant l'impôt !" © Yamine Boudemagh

Dans une xénophobie totalement décomplexée, un ministre dont on a aujourd'hui oublié le nom avait justifié à l’Assemblée Nationale de ne pas respecter l'égalité en droit de tous les français quand celui-ci accorde des avantages induits aux étrangers, et particulièrement si cet étranger est... Qatari ou Chinois. Cet article aide à ne pas oublier.

La scène se passe à l’Assemblée Nationale le 26 octobre 2019. L’Assemblée Nationale, suivant la volonté du gouvernement, avait voté, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, une mesure injuste, inique et anticonstitutionnelle prévoyant :

  • D’exonérer les français établis dans l’Union Européenne de CSG-CRDS sur les revenus immobiliers.
  • Mais de faire payer ces mêmes taxes aux seuls français établis hors de l’Union Européenne.

Une mesure pourtant anticonstitutionnelle qui déroge au sacro-saint principe d’égalité devant l’impôt (Article 6 et 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789) :

  • Art. 6. La Loi (...) doit être la même pour tous...
  • Art. 13.  (...) une contribution commune est indispensable (...) doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

A l’époque, le gouvernement justifiait ce non-respect du droit, par le fait qu’il est plus difficile pour les français établis hors d’Europe d’attaquer en justice l’état français.

Tandis que les français établis dans l’Union Européenne étaient défendus par la Cour de Justice de l’union Européenne. Cette dernière avait d’ailleurs condamné la France sur ce non-respect du droit (Arrêt de Ruyter) le 26 février 2015.

Cette année, le gouvernement a poussé le cynisme encore plus loin : le 24 Octobre dernier, Cédric O a , pour justifier, cette aberration, utilisé un argument imparable que n’aurait pas renié Marine Le Pen :

Cette égalité en droit entre français pourrait bénéficier à des étrangers

En séance publique, Cédric O, Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des Finances et du ministre de l'Action et des comptes publics, a notamment précisé, hilare, « un Qatari » ou « un Chinois », pour appuyer son propos.

L’amendement a donc été rejeté par les députés LREM. Ces derniers seraient bien inspirés de se rappeler

  1. Qu’ils sont censés défendre les intérêts de tous les français
  2. Que le président a été élu contre l’extrême-droite.

Le Gouvernement des petits arrangements

Cette affaire révèle un mal français : La capacité de Bercy à bricoler des solutions partielles plutôt qu'à affronter les principes. On exempte qui on peut, on taxe qui on veut, et on espère que personne ne remarquera les incohérences.

Le gouvernement avait d'ailleurs accordé un "moratoire" d'un an sur la réforme de l'impôt sur le revenu pour les expatriés français - preuve qu'il sait être à l'écoute quand il le veut. Mais sur la CSG, motus et bouche cousue.

Mais les Français de l'étranger ne sont plus les oubliés d'antan. Connectés, organisés, ils font entendre leur voix. Et leur message est simple : L'égalité devant l'impôt ne devrait pas dépendre de la géographie. Surtout quand cette inégalité risque d'exposer l'État français à de nouvelles sanctions européennes.

D’ailleurs, cette politique fiscale discriminatoire pourrait bien faire perdre des investissements à la France, en décourageant nos expatriés d'investir dans leur pays d'origine, notamment pour préparer leur retraite. Une fuite des cerveaux... et des capitaux.

Le jour viendra peut-être où nos dirigeants comprendront qu'on ne construit pas une République durable sur des exceptions et des arrangements. En attendant, près d'un million de Français continuent de payer pour un service qu'ils n'auront jamais, créant un système à deux vitesses qui pourrait bien nous coûter plus cher en sanctions qu'en exemptions. Une belle leçon de civisme... à sens unique.

L'injustice fiscale a ceci de particulier qu'elle finit toujours par se retourner contre ceux qui la perpétuent. Question de temps... et de jurisprudence européenne.

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