Imaginez la situation : vous avez été victime d'un licenciement abusif, vous ouvrez des droits aux allocations chômage qui vous permettent d'amortir un peu le préjudice subi, vous obtenez ensuite réparation dans le cadre d'une procédure aux prud'hommes mais vous recevez alors un courrier de Pôle emploi qui vous réclame... des milliers d'euros !
Que dit la loi ?
Il faut distinguer deux types d'indemnités :
• Avant toute audience de jugement aux prud'hommes, une audience préalable dite "de conciliation" est obligatoire et peut aboutir à clore la procédure si vous acceptez une éventuelle indemnité de votre ex-employeur en réparation du préjudice subi. C'est ce qu'on appelle l'indemnité de conciliation.
• Si l'audience de conciliation n'est pas concluante et que vous obtenez gain de cause à l'audience de jugement, vous percevrez alors des indemnités allouées par le juge.
Dans les deux cas, si vous percevez des indemnités et qu'entre temps vous aviez ouvert des droits aux allocations chômage, vous et votre ex-employeur êtes tenus d'en informer Pôle emploi (article 21 du règlement d'assurance chômage).
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Si vous avez perçu une indemnité de conciliation, il existe un barème forfaitaire prévu par la loi. Pôle emploi ne peut vous réclamer un trop-perçu, sur vos allocations déjà versées, que si l'indemnité dépasse le montant forfaitaire et uniquement sur la partie qui dépasse ce montant. Il s'agit de ce qu'on appelle une indemnité supra-légale qui entre de manière rétroactive en différé spécifique d'indemnisation, autrement dit Pôle emploi vous applique une carence qui ne peut toutefois dépasser la somme de 150 jours d'allocations.
Or en 2021, un allocataire rennais s'est par exemple vu réclamer par Pôle emploi un trop-perçu pour une carence rétroactive calculée sur l'intégralité de son indemnité de conciliation (20 000 €) et non uniquement sur la partie supra-légale, son trop-perçu s'élevant ainsi dans un 1er temps à 9 000 € au lieu de 3 800€. Heureusement, au bout de deux réclamations, l'institution a finalement corrigé son erreur...
Pour les indemnités suite à un jugement, la situation dépend de la forme du licenciement et du fait que vous soyez réintégré·e ou non par votre ex-employeur.
Si vous aviez subi un licenciement pour faute grave et que le juge le déclare nul ou abusif, dans ce cas vous percevrez des indemnités en compensation du préavis que vous n'aviez pas pu effectuer et des congés payés qui auraient été acquis pendant ce préavis. Conformément au règlement d'assurance chômage, l'attestation employeur liée à ce licenciement doit être modifiée et Pôle emploi considérera alors, à raison, que vous avez touché vos allocations chômage trop tôt donc il y a bien un trop-perçu qui peut aller jusqu'à 2 mois (le préavis) et quelques jours (les congés payés du préavis) d'équivalent en allocations chômage.
En revanche l'indemnité de licenciement - quel que soit son montant - et les éventuels dommages & intérêts alloués par le juge ne doivent pas générer rétroactivement de différé spécifique d'indemnisation, c'est précisé depuis 2014 dans le paragraphe 1 de l'article 21. Par ailleurs Pôle emploi peut demander à votre ex-employeur de rembourser jusqu'à 6 mois d'allocations chômage (article 59 du règlement d'assurance chômage).
Dans quelques cas d'annulation du licenciement par les prud'hommes, il arrive que la personne licenciée soit réintégrée par son ex-employeur et indemnisée des salaires qui auraient dû lui être versés entre temps. Dans ce cas l'attestation employeur initiale doit être logiquement annulée, vous devrez alors rembourser toutes les allocations chômage perçues (Cour de cassation, 19 novembre 2014, 13-23.643).
Il n'y a pas que les licenciements qui font l'objet d'une procédure aux prud'hommes, il peut y avoir par exemple la demande auprès de votre ex-employeur d'un paiement d'heures supplémentaires. Dans ce cas, si vous obtenez gain de cause, n'oubliez surtout pas d'en informer Pôle emploi car là aussi votre attestation employeur sera modifiée et le montant de votre allocation chômage journalière sera revalorisé !
Pour conclure, si vous recevez une notification de trop-perçu suite à des indemnités obtenues aux prud'hommes, comme d'ailleurs pour n'importe quel autre trop-perçu, il convient systématiquement d'en analyser le bien-fondé puis, si vous constatez un préjudice, vous pouvez demander réparation, que vous soyez toujours inscrit·e à Pôle emploi ou non. Voici un article sur les possibilités de recours : https://blogs.mediapart.fr/yann-gaudin/blog/251119/quels-recours-face-pole-emploi
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