Le règlement actuel de l'assurance chômage est censé prendre fin au 31 octobre 2022, toutefois il semble qu'il puisse y avoir une prolongation de quelques mois. Tous les articles publiés au Journal officiel en juillet 2019, dont certains comme on le sait ont été appliqués avec retard compte tenu de la crise sanitaire, sont susceptibles d'être modifiés à l'occasion des prochaines négociations entre l'État, l'Unédic et les partenaires sociaux.
Concernant les intermittents du spectacle, les articles de 2019 n'avaient pas fait l'objet d'évolutions majeures à une exception près, passée inaperçue comme nous l'avions déjà écrit sur ce blog à l'époque : les conditions du droit d'option.
Le droit d'option c'est notamment lorsqu'un allocataire de Pôle emploi est indemnisé au régime général, le régime le plus commun, et souhaite ouvrir de nouveaux droits à l'intermittence du spectacle en renonçant au passage à ce qu'il reste d'allocations au régime gé comme on dit dans le jargon.
Jusqu'en 2014 les conditions du droit d'option étaient très simples : dès lors que l'allocataire avait cumulé assez d'heures pour passer à l'intermittence du spectacle, il pouvait demander à changer de régime sans aucun obstacle. Mais en 2014 le législateur a radicalement changé la donne : il n'était alors plus possible du tout de changer de régime tant qu'il restait des allocations au régime général à servir, ainsi des professionnels du spectacle se trouvaient bloqués pour de très longues années dans un régime inadapté à leur parcours ! Cette disposition cruelle a immédiatement donné lieu à de vives protestations et le règlement a été modifié au bout de quelques mois, avec l'introduction d'une nouvelle règle : pour changer de régime, il fallait que l'allocation journalière potentielle nette en intermittence du spectacle dépasse de 30% l'allocation journalière nette servie au régime général. Par exemple un allocataire qui touchait 30€ net par jour d'ARE au régime général devait pouvoir prétendre à au moins 39€ net au régime de l'intermittence du spectacle.
Or en 2019, nouveau changement : la comparaison pour trouver les 30% d'écart ne se fait plus sur l'ARE journalière mais sur le capital total de droits, c'est-à-dire entre le reliquat d'allocations au régime général qui reste à servir et le total d'allocations au régime de l'intermittence du spectacle qui pourrait être potentiellement servi. Conséquence : des professionnels du spectacle se retrouvent à nouveau bloqués pour de longs mois voire de longues années... Et surtout cette nouvelle règle peut aboutir à une situation discriminante entre deux professionnels aux parcours professionnels strictement identiques, autrement dit : à situation analogue, deux citoyens ne bénéficient pas des mêmes droits, ce qui est contraire au principe d'égalité consacré par l'article 1 de la Constitution française.

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Exemple
Jessica et Lionel sont tous les deux célibataires et âgés de 31 ans, ils habitent la même ville de Montreuil, exercent le même métier en technique du son et depuis 2 ans ils travaillent en contrats d'usage pour un même prestataire technique du spectacle.
Chaque mois leur employeur les engage pour 71 heures de technique son à 15,60€ brut de l'heure (données moyennes d'un technicien son en 2019). La rémunération de Jessica et de Lionel est donc la même à 1107,60€ brut par mois, soit environ 815€ net. Si on y ajoute les congés spectacles perçus une fois par an, ça donne environ 1000€ net de rémunération par mois, ce qui est évidemment bien peu pour vivre.
Heureusement Jessica et Lionel sont tous deux allocataires de Pôle emploi et peuvent donc prétendre à revenu de complément, sauf qu'ils ne relèvent pas du même régime :
■ Avant de travailler en CDDU, Jessica a travaillé pendant 10 ans comme technicienne son en CDI dans une salle de spectacle et elle a ouvert il y a 2 ans des droits au régime général à 40,50€ brut par jour pour 730 jours (ARE moyenne au régime général en 2019).
■ Lionel, lui, était au RSA il y a encore 2 ans avant d'ouvrir des droits à l'annexe VIII pour un montant d'ARE de 59,80€ brut par jour.
Si bien que chaque mois, en complément des 1000€ net de rémunération, Jessica perçoit de Pôle emploi un complément d'environ 425€ net tandis que Lionel perçoit (hors carences) un complément d'environ... 985€ net ! Et Jessica ne peut toujours pas passer à l'intermittence du spectacle car il lui reste trop d'allocations au régime général, il lui faudra encore attendre un peu plus d'1 an pour être enfin éligible - selon la règle actuelle - au droit d'option.
Avec ses 1425€ net par mois de revenus, Jessica ne peut même pas prétendre à la prime d'activité puisqu'il faudrait pour ça qu'elle ne touche pas ou très peu d'allocations de Pôle emploi.
Ainsi, avec une activité strictement identique, Lionel touche chaque mois sur son compte en banque environ 500€ de plus que Jessica ! Ce qui aura représenté au total environ 11500€ net de différence quand Jessica pourra enfin devenir intermittent du spectacle indemnisée. Au-delà de l'inconstitutionnalité, cette situation est d'autant plus injuste que Jessica a beaucoup plus travaillé que Lionel ces 12 dernières années (travaillez plus pour gagner moins...) et le régime général n'est juridiquement pas adapté à son nouveau parcours professionnel car l'article L5424-22 du Code du travail édicte la nécessité d'un régime d'indemnisation spécifique à l'emploi discontinu dans le spectacle.
Hélas aucune procédure judiciaire n'a encore été engagée pour contester l'illégalité de cette règle du droit d'option. Et Pôle emploi, pour le coup, applique scrupuleusement le règlement...
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