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Billet de blog 30 juillet 2021

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Intermittents du spectacle et activité partielle : la bidouille grossière

Les intermittents du spectacle ont subi de très nombreuses annulations de contrats depuis le début de la crise sanitaire. Bienheureusement, les employeurs de ce secteur ont pu également bénéficier d'aides de l'État pour rémunérer les intermittents en activité partielle. Sauf que Pôle emploi a réservé à ce secteur un traitement bien particulier qui n'est pas prévu par la loi...

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Une période d'activité partielle, appelée autrefois chômage partiel, constitue une suspension du contrat de travail.

Lors d'une demande d'allocations chômage à Pôle emploi, une période de suspension de contrat vaut 7 heures par jour sauf pour les intermittents du spectacle qui ne bénéficient que de 5 heures par jour, hormis pour l'activité partielle dans le spectacle située entre le 16 avril et le 31 mai 2020 qui est exceptionnellement assimilable à 7 heures par jour.

A ne pas confondre avec l'indemnisation de l'activité partielle dans le spectacle qui est calculée, pour les cachets d'artistes, sur la base de 7 heures par jour et pour les techniciens, jusqu'à 7 heures par jour (6° de l'article 1 du décret n° 2020-435 du 16 avril 2020).

Illustration 1

1er problème : dans ses consignes de déclarations, aussi bien pour les intermittents du spectacle que pour les employeurs du spectacle, Pôle emploi enjoint les intermittents et les employeurs à déclarer 7 ou 5 heures (selon la période) par jour de contrat indemnisé au titre de l'activité partielle. Or l'article 30 des annexes VIII & X est formel : seules les heures de travail effectuées doivent être déclarées lors de l'actualisation mensuelle. En l'occurrence, des indemnités au titre de l'activité partielle - exonérées de cotisations d'assurance chômage - ne correspondent évidemment pas à des heures de travail effectuées donc la déclaration devrait se faire à 0 heures par jour d'activité partielle. En revanche, dès lors que l'indemnité d'activité partielle trouve son origine dans la conclusion du contrat de travail, il s'agit bien juridiquement d'une rémunération et doit donc être déclarée comme telle (article L3221-3 du Code du travail).

Précision importante : à la différence des autres allocataires de Pôle emploi, le complément d'allocations chômage versé aux intermittents du spectacle dépend des heures déclarées et non des rémunérations déclarées. Dès lors, un·e intermittent·e qui déclare les 7 ou 5 heures demandées par Pôle emploi pour une journée d'activité partielle se voit privé·e d'une partie de ses allocations mensuelles. Et comme le régime des intermittents du spectacle ne repose pas sur un principe de reliquat glissant mais sur une période d'indemnisation fixe qui se termine à date anniversaire, le complément d'allocations chômage qui n'aura pas été versé à cause de cette consigne arbitraire de Pôle emploi est définitivement perdu...

Certes ces jours d'activité partielle participeront bien à l'augmentation de la future allocation journalière, il ne s'agit pas d'une perte sèche. Dans l'esprit, la consigne de Pôle emploi peut donc paraître "acceptable". Mais juridiquement Pôle emploi n'a pas de pouvoir pour inventer ses propres règles, elles doivent être édictées par le législateur. De surcroît, en demandant de déclarer un nombre d'heures fixe ne correspondant pas forcément au nombre d'heures réellement indemnisées, Pôle emploi demande tout simplement d'effectuer une fausse déclaration !

Cette consigne est d'ailleurs particulièrement problématique pour les heures d'enseignement : en effet pour beaucoup d'intermittents du spectacle qui enseignent leur discipline, le temps de travail journalier est souvent très réduit, en-deça de 5 heures par "jour de cours". Or si l'intermittent-enseignant déclare 7 ou 5 heures comme demandé par Pôle emploi, il se voit donc pénalisé plus lourdement en jours non-indemnisables comparé à l'indemnité d'activité partielle reçue, et si l'intermittent-enseignant n'a pas besoin ensuite de l'assimilation de ces heures d'enseignement (disposition du § 1er de l'article 3 des annexes VIII & X), le préjudice ne sera pas compensé.

2nd problème : dans les Attestations Employeurs Mensuelles (AEM) ainsi que dans les attestations du GUSO, il n'y a pas de case spécifique aux jours de suspension de contrat donc pas de case pour déclarer spécifiquement les jours d'activité partielle. Aussi les AEM & GUSO font apparaître les jours d'activité partielle en jours travaillés alors qu'il s'agit de jours chômés. Or la franchise congés payés pour les intermittents du spectacle (article 21 des annexes VIII & X) doit être calculée uniquement selon les jours travaillés, juridiquement les jours d'activité partielle n'ont pas à entrer dans le calcul de la franchise congés payés. Les employeurs du spectacle ont bien cotisé, auprès de l'organisme Audiens, au titre des congés spectacles mais l'État n'a pas pris en charge cette cotisation qui est également exonérée de cotisations d'assurance chômage.

Si vous êtes concerné·e, que vous soyez toujours inscrit·e ou non à Pôle emploi, vous pouvez demander réparation. Voici un article sur les possibilités de recours contre Pôle emploi : https://blogs.mediapart.fr/yann-gaudin/blog/251119/quels-recours-face-pole-emploi

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♥ Pour soutenir l'auteur : https://fr.tipeee.com/alertes-pole-emploi

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