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Billet de blog 3 janvier 2012

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Nicolas I…. antisocial jusqu’en fin de règne !

Le projet de la TVA " sociale " du gouvernement consisterait en un relèvement de la TVA de 1 à 2 points en compensation d’une baisse des taux de cotisations sociales patronales, afin de fiscaliser un peu plus le financement de protection sociale, permettant alors de réduire le coût du travail et donc d’améliorer la compétitivité de nos entreprises, voilà pour le discours officiel.

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Le projet de la TVA " sociale " du gouvernement consisterait en un relèvement de la TVA de 1 à 2 points en compensation d’une baisse des taux de cotisations sociales patronales, afin de fiscaliser un peu plus le financement de protection sociale, permettant alors de réduire le coût du travail et donc d’améliorer la compétitivité de nos entreprises, voilà pour le discours officiel. En réalité, cette reprise de la proposition phare du Medef par la majorité UMP, est non seulement une nouvelle offensive néolibérale contre la justice sociale, mais de surcroît devrait se révéler inefficace, voire dangereuse économiquement. 

La TVA, impôt indirect, supporté uniquement par les consommateurs, et de la même manière quel que soit le montant de leurs revenus, est l’impôt le plus injuste qui soit sur le plan social, au contraire d’une fiscalité directe introduisant une progressivité des taux d’imposition (i.e. des taux croissant avec l’assiette fiscale), comme l’impôt sur le revenu (sans niches fiscales bien sûr !). De ce point de vue là, le système fiscal français est déjà bien marqué par une forte iniquité fiscale puisque la TVA représente près de la moitié des recettes fiscales et sa part dans le budget de l‘État ne cesse d‘augmenter (hausse de plus de 4 points entre 1996 et 2011 de la part de la TVA dans l‘ensemble des recettes fiscales). Dans la mesure où la propension à consommer (part des revenus consacrés à la consommation) est d’autant plus élevée que les revenus sont faibles, les ménages les plus modestes seront donc mis relativement plus à contribution que les plus fortunés dans cette opération de relèvement du taux de TVA et de financement de la sécurité sociale. Nous allons donc toujours un peu plus loin avec Nicolas I vers la " redistribution à l’envers " !

Par ailleurs, la mesure passe totalement à côté de l’objectif gouvernemental affiché, celui d’améliorer la compétitivité des entreprises. En effet, comme le montre les études macro et microéconomiques, le manque de compétitivité des entreprises françaises est, avant tout et essentiellement, un problème de compétitivité structurelle, et non de compétitivité-prix, lié à la fois, à l’insuffisance de l’investissement productif dans les secteurs à forte valeur ajoutée et à la faiblesse des dépenses en recherche-développement (à ce sujet lire aussi : En route pour un déficit commercial abyssal en 2011.....). Mettre en avant un discours selon lequel nos entreprises ne sont pas assez concurrentielles vis-à-vis de l’étranger, essentiellement parce qu’elles ont un coût de travail trop élevé nuisant à leur compétitivité, relève donc de la propagande mensongère au service du patronat. Sur le seul terrain de la compétitivité-prix, les statistiques combinant coût du travail horaire et productivité du travail horaire, montrent même des résultats honorables en termes de coût salarial unitaire ( rapport entre le coût du travail horaire et la productivité horaire du travail) comparés aux autres économies développées qui, faut-il le rappeler, occupent la plus grande part dans nos échanges extérieurs.

 Enfin, il est fort à craindre que les entreprises adoptent un comportement de marge ne répercutant pas, sinon partiellement, la baisse des charges patronales sur les prix, de telle sorte que le surplus d’inflation se traduise par une nouvelle baisse du pouvoir d’achat des ménages. La consommation des ménages qui est le principal moteur de la croissance économique (une contribution à la croissance de 53,3 % en 2010 !) s’en trouvera donc d’autant plus freinée, d’où une accentuation du cercle vicieux récessif dans lequel l’économie française est en train de s’enfoncer avec les plans d‘austérité successifs récemment adoptés : baisse de la demande, de la production et de l’emploi…….et nouvelle aggravation du chômage et des inégalités.

En final, avec ce projet de TVA antisociale, Nicolas Sarkozy, le président des privilèges, de la baisse du pouvoir d'achat et de la hausse spectaculaire du chômage, ne pouvait pas mieux honorer la double signature qui a caractérisé son mandat du début jusqu'à la fin, celle de l'injustice sociale et de l'inefficacité économique. Et, s'il vous plaît, généreusement rémunéré avec nos impôts à 20 fois le SMIC.....!

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ACTUALISATION (le 30 janvier 2012)

Au cours de son "hold-up médiatique" du dimanche 30 janvier 2012 (pas moins de huit chaînes réquisitionnées !), le chef de l’État, face à des journalistes dociles qu'il aura lui-même choisis, a précisé les termes de son projet de TVA "sociale". Le taux normal passerait de 19,6 % à 21,2 % et, en compensation, les charges patronales baisseraient de 13 milliards d’euros à compter du mois d’octobre 2012, dans le cas seulement d'une victoire de Nicolas I aux prochaines élections présidentielles, sachant que tous les autres candidats à la présidentielle sont contre cette mesure ! Entendez finalement par cette mesure, que tous les ménages, et proportionnellement plus les classes laborieuses et moyennes, supporteront donc le transfert de ces 13 milliards d'euros, à travers une nouvelle ponction sur leur pouvoir d’achat ! Bref, la confirmation d'un nouveau plan d’austérité déguisé, injuste socialement et ruinant économiquement......

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