Yves Besançon (avatar)

Yves Besançon

Economiste, professeur de sciences économiques et sociales

Abonné·e de Mediapart

106 Billets

0 Édition

Billet de blog 29 mai 2022

Yves Besançon (avatar)

Yves Besançon

Economiste, professeur de sciences économiques et sociales

Abonné·e de Mediapart

Le programme de la Nupes, l'alternative à la régression sociale et l'État-délinquant

A l'issue du second tour des législatives du 19 juin prochain, en donnant une majorité à l’Assemblée nationale à la gauche unie derrière Jean-Luc Mélenchon, les Françaises et Français ont la possibilité de mettre fin aux politiques de régression sociale et climaticides qui ont été menées ces quatre dernières décennies, et plus encore d‘engager un processus de renouveau démocratique.

Yves Besançon (avatar)

Yves Besançon

Economiste, professeur de sciences économiques et sociales

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Contre le président Emmanuel Macron de l’injustice sociale et du CAC 40, le plus mal réélu sous la Cinquième République après Georges Pompidou en 1969, avec des scores historiquement faibles en avril dernier aux premier et second tour de respectivement 20,1 % et 38,5 % du corps électoral inscrit, le combat politique des forces de gauche continue. A l’issue des élections législatives, si les Français plébiscitent dans les urnes la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), réunissant LFI,EELV, le PCF et le PS, alors la gauche unie est en mesure, du moins de devenir la première et large force d'opposition au sein de la nouvelle Assemblée nationale, sinon d'imposer une cohabitation politique à Emmanuel Macron avec la constitution d’un gouvernement aux couleurs de la Nupes avec à sa tête Jean-Luc Mélenchon comme Premier ministre. Après avoir été maltraitée par cinq années de politique néolibérale au service du grand capital ayant aggravé inégalités et crise écologique, et face à l’urgence climatique et au regain inflationniste enclenché en 2021, jamais la société française n'a eu autant besoin d’un véritable programme de gouvernement de défense de pouvoir d’achat et de justice sociale pour panser ses plaies, mais aussi pour rebondir sur une trajectoire de progrès social, écologique et démocratique. Ce programme pour un avenir commun nouveau, c’est celui de la Nupes ! (1)

La société française n’a en effet plus le temps ni les moyens d’éluder deux problématiques centrales transgénérationnelles qui s’imposent à elle : comment combattre, en retrouvant le chemin du progrès social, les fléaux du chômage de masse (6,3 millions de demandeurs d‘emploi toutes catégories confondues en février 2022, France entière), de la précarité de l’emploi et de la pauvreté (9,3 millions de pauvres en 2020 vivant avec moins de 1 100 euros par mois), sans renoncer à avancer sur les terrains de la transition écologique et de la transformation nécessaire des modes de vie et de production en faveur d‘une croissance économique sobre, avec des ambitions à la hauteur de l’ampleur de la crise écologique qui met l’humanité et la planète en danger de mort programmé ? Et comment renouer avec le progrès démocratique en sortant de l’impasse a-démocratique de la « monarchie présidentielle » de notre vieille Cinquième République, devenue le refuge d’une caste de professionnels de la politique, déconnectée et non représentative de la société - la Macronie incarnant une forme extrême de caste hors-sol d‘opportunistes, faisant de la politique pour leur CV et leur portefeuille, et non par convictions politiques profondes -, et garante non pas des intérêts du peuple mais ceux de l’oligarchie bourgeoise ? Les deux questions précédentes sont bien évidemment intimement liées, l’une ne pouvant être résolue sans l’autre. Y répondre passe par des choix collectifs s’exprimant en faveur d’un changement de paradigme économique en rupture avec le modèle néolibéral-productiviste a-écologique, en mettant l’économie au service de la société, et non l’inverse, mais aussi en faveur de changements institutionnels profonds concernant notre régime politique.

Face à une régression sociale historique et la poursuite d’une politique climaticide qui s’annoncent si le chef de l’État réélu obtient une majorité politique à l’Assemblée nationale,  un autre avenir est donc possible avec le programme de la Nupes, qui propose un double changement de logiciel économique et institutionnel en combinant efficacité économique, progrès social, équité dans la répartition des richesses, transition écologique, justice climatique et émancipation démocratique. Ainsi, jamais un programme de gouvernement, en dehors du Programme commun de la gauche de François Mitterrand en 1981, ne s’est proposé de servir aussi bien l’intérêt général, en pensant avant tout aux intérêts de l’ensemble des classes populaires et moyennes (soit 90 % du corps social). Un programme donc en opposition radicale avec le chemin d’un néolibéralisme forcené et autoritaire qui attend les Français sous Macron II en cas d’une majorité de députés d’Ensemble (coalition politique rassemblant Renaissance - ex-LREM -, MoDem et Horizons), et ce, dans la continuité de la maltraitance fracassante de la société française sous Macron I (2). Comme le rappellent pertinemment les économistes auteurs de l’article « Macron 1, le président aux poches percées », si Macron dispose d’une majorité, les Français devront chaque année faire lourdement les frais du manque à gagner pour les finances publiques des 48 milliards d’euros correspondant aux cadeaux fiscaux pérennes accordés durant le premier quinquennat - dont 40 % sont tombés dans les poches des riches ! -, auxquels il faut ajouter les 6 premiers milliards de cadeaux fiscaux annoncés pour la seconde mandature (abaissement des droits de succession et suppression de la contribution à l'audiovisuel public). Et comme à l’accoutumée sous les cieux néolibéraux, on connaît bien la musique, la facture sera donc payée par le peuple à coups de réduction des services publics, de pillage des droits sociaux et de bradage des bijoux de famille sous forme de nouvelles privatisations !    

Présentons, dans ce qui suit, seulement les mesures phares illustratives du changement de paradigme proposé par le programme de la Nupes, riche de 650 propositions. Concernant la défense du pouvoir d’achat, au-delà de la proposition du blocage des prix des produits de première nécessité, l’accent est mis sur les bas salaires (relèvement du Smic net mensuel à 1 500 euros), les fonctionnaires (dégel du point d’indice de la fonction publique avec sa hausse immédiate de 10 % et la garantie de son indexation annuelle sur les prix) et les retraités (revalorisation des pensions de retraite pour une carrière complète en les fixant au niveau du Smic net, ainsi que du minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté ; indexation du montant des retraites sur les salaires, etc.). Ainsi, contrairement aux propositions du président réélu, comme par exemple le relèvement de la prime Macron défiscalisée et désocialisée ou le chèque alimentaire, il ne s’agit donc pas de mesures qui affaiblissent les ressources de financement de la protection sociale et des services publics ou qui sollicitent l‘effort du contribuable, mais de propositions qui mettent à contribution les entreprises. Bien au contraire, elles les renforcent puisque les rentrées fiscales et parafiscales augmentent avec la hausse des salaires. Par ailleurs, en bloquant les prix des produits de première nécessité dans les domaines de l’énergie et de l’alimentaire, c’est aussi la boucle « prix-profit », source d’inflation et engraissant les grands groupes de ces secteurs sur le dos des salariés et des consommateurs, qui s’en trouvera neutralisée.    

 Le combat en faveur de la justice sociale, le programme de la Nupes entend le mener en utilisant tous les leviers dont disposent les pouvoirs publics pour mener une politique ambitieuse de redistribution des revenus au sens large. Tout d’abord, le levier fiscal, en renforçant le caractère redistributif du système des prélèvements obligatoires qui, faut-il le rappeler, à partir d’un certain niveau de revenu, devient anti-redistributif (en 2018, les 10 % les ménages les plus pauvres supportent un taux de prélèvements obligatoires de 68,1 % contre 53,6 % seulement pour les 10 % les plus riches !). Au titre de ce registre de la justice sociale et fiscale, relevons, entre autres, la mise en place de quatorze tranches pour l’impôt sur le revenu (contre cinq actuellement) pour renforcer sa progressivité et son effet redistributif ; la transformation de l’actuel impôt proportionnel, la contribution sociale généralisée (CSG), en impôt progressif avec quatorze tranches d’imposition ; le rétablissement de l’impôt sur les grandes fortunes avec des taux et une progressivité accentués, sans niches fiscales et avec une composante climatique permettant de mettre à contribution les plus gros pollueurs, qui sont aussi les plus riches (en 2021, les 10 % les plus riches polluent cinq fois plus que les 50 % les plus pauvres) ; le remplacement de la « flat tax » de 30 % sur les revenus du capital par une imposition de ces derniers au même titre que les revenus du travail ; l‘augmentation des droits de succession sur les plus hauts patrimoines en comptant l’ensemble des dons et héritages reçus tout au long de la vie, et la création d’un héritage maximal de 12 millions d’euros (ce qui correspond à 100 fois le patrimoine net médian) ; la réduction de la TVA sur les produits de première nécessité, l’impôt le plus injuste socialement dans la mesure où les pauvres en proportion de leurs revenus payent plus de TVA que les riches, et la réinstauration d’une  « TVA grand luxe » ; la mise en œuvre des moyens nécessaires pour lutter contre les deux plus grandes spécialités des ultra-riches, à savoir la fraude et l’évasion fiscales, etc. 

Dans le cadre de l’action publique en faveur de la justice sociale, l’instrument de la production de services collectifs, celui qui contribue le plus à réduire les inégalités de revenus, est lui aussi particulièrement mobilisé, en augmentant les recrutements et revalorisant la rémunération des personnels, notamment dans le système hospitalier (+ 100 000 soignants) et l’Éducation nationale, avec pour cette dernière une réaffirmation du principe de sa gratuité « réelle » (transports et cantines scolaires, activités périscolaires, etc.). On mesure ici la rupture avec la politique de casse des services publics dont les néolibéraux sont friands, comme celle menée durant la première mandature d’Emmanuel Macron, en particulier dans les domaines de la santé publique et de l’éducation nationale (entre 2017 et 2020, 17 600 fermetures de lits d’hôpitaux ; entre 2017 et 2022, 7 952 suppressions de postes d’enseignants dans le secondaire !). Ainsi, le programme de la Nupes remet les pendules à l’heure quant à l’importance fondamentale du rôle de l’État dans le processus de création de l’ensemble des richesses matérielles et immatérielles comptabilisées dans le PIB, soit une contribution directe de près de 20 % (voir graphique ci-contre ; cliquer sur l'image pour agrandir)

........…..n'en déplaise à l’hôte réélu de l’Élysée qui, comme tout néolibéral qui se respecte, ne voit dans les administrations publiques qu’un secteur d’activité improductif, reprenant en ce sens la poussiéreuse vision des premiers économistes classiques, comme Adam Smith à la fin du XVIIIè siècle.  

Autre levier important mobilisé par le programme de la Nupes en faveur de la justice sociale, le retour à une dynamique de progrès social en développant à nouveau la protection sociale et les protections des travailleurs face aux abus des chefs d‘entreprise, mettant ainsi fin à plusieurs décennies de remise en cause systématique des droits sociaux et du droit du travail par les gouvernements néolibéraux successifs. Au chapitre de la (re)conquête des droits sociaux, citons, entre autres, la restauration du droit à la retraite à 60 ans à taux plein après quarante annuités ; l‘instauration d’une garantie dignité ne laissant aucun individu sous le seuil de pauvreté (aujourd’hui, 1 063 euros par mois pour une personne seule) ; la création d’une allocation d’autonomie pour les jeunes à partir de 18 ans fixée au-dessus du seuil de pauvreté ; la création d’une garantie d’emploi pour les chômeurs de longue durée ; l‘interdiction des expulsions locatives sans proposition de relogement public ; l’encadrement des loyers partout sur le territoire et l’adoption d’un bouclier logement qui limite la part des revenus consacrée à se loger ; l’instauration du « 100 % Sécu » en remboursant à 100 % les soins de santé prescrits ; l’instauration de la gratuité des protections périodiques, etc. Au registre de la protection des travailleurs, relevons, entre autres, l’abrogation des ordonnances Pénicaud et de la loi El Khomri, et donc le rétablissement du « principe de faveur » ; l’annulation de l’abjecte réforme Macron d’indemnisation du chômage ; la restauration des Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ; la remise en cause des autorisations de travail le dimanche ; l’instauration d’un quota maximal de contrats précaires dans les entreprises ; l‘application de la présomption de salariat aux travailleurs des plateformes numériques et tous les salariés faussement considérés comme indépendants ; l’ouverture de la possibilité pour les contractuels des fonctions publiques d’être titularisés ; la possibilité pour les comités d’entreprise d’un droit de veto suspensif sur les plans de licenciements ; la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle ; le doublement des effectifs de l’inspection du travail, etc.

Pour inverser la dynamique d’aggravation des inégalités de revenus et des patrimoines à l’œuvre depuis quarante ans, le programme de la Nupes entend aussi favoriser un autre partage des richesses créées au sein des entreprises qui, jusqu’à aujourd’hui, n’a eu de cesse de se détériorer pour les salariés au profit du capital, surtout dans les grandes entreprises. Il s’agit alors d’ouvrir une nouvelle phase historique dans la répartition de la valeur ajoutée au sein des entreprises, plus en faveur des travailleurs, en rupture avec celle qui s’est enclenchée à partir du fameux tournant de la rigueur de 1982-1983 sous François Mitterrand, suite auquel la part des salaires dans la valeur ajoutée dans les entreprises, en dehors des années 1990- 2013, n’a pas cessé de se détériorer en raison des trois faits majeurs de la désindexation des salaires sur les prix et de l’austérité salariale imposées aux salariés au nom de la compétitivité-prix, du triomphe du capitalisme actionnarial et, enfin, des politiques néolibérales mises en place par les gouvernements successifs, en particulier de baisse du coût du travail à coups d’allégements de cotisations sociales patronales (voir graphique ci-joint ; cliquer sur l'image pour agrandir).

Les propositions de la Nupes constituent donc une rupture par rapport au logiciel du capitalisme patrimonial dont Emmanuel Macron se fait le garant. Outre les mesures déjà évoquées précédemment de revalorisation des bas salaires, on notera, entre autres, la limitation des écarts de salaire de 1 à 20 dans les entreprises ; la fixation d’un seuil minimal pour les revalorisations salariales, afin que leur montant soit au moins égal à la croissance de la rémunération de l’actionnaire (dividendes et rachats d’actions) ; l’interdiction des parachutes dorés et des retraites chapeaux et la suppression des stock-options ; le renforcement de la représentation des salariés - et donc de leur pouvoir - dans les instances de décision des entreprises, relevée à un tiers des membres au minimum et à la moitié dans les grandes entreprises, etc.  Sans oublier, la convocation d’une conférence nationale sur la réduction du temps de travail, qui devra aborder immédiatement les questions du passage aux 32 heures dans les métiers pénibles ou de nuit, et leur généralisation par la négociation collective, ainsi que celle de la réduction du temps de travail annuel (sixième semaine de congés payés, etc.). A cet égard, contrairement au discours classique de la droite et du patronat, rappelons que, d’une part, le passage aux 35 heures a été source de baisse du chômage en étant à l'origine d’une création nette d’emplois de l’ordre de 400 000 (3) ; d’autre part, la poursuite de la réduction du temps de travail aujourd’hui est d’autant plus indispensable pour sortir par le haut du chômage de masse - c’est-à-dire sans utiliser l'odieuse baguette néolibérale de l’expansion de la pauvreté laborieuse pour faire baisser les statistiques officielles du chômage au sens du BIT - que la sobriété de la croissance économique, imposée par le respect des équilibres écologiques de long terme, oblige à mieux partager le travail. Ainsi, les créations d’emplois liées aux investissements dans la bifurcation sociale et écologique seront d’autant plus élevées que l’on réduira le temps de travail. Sur la base des données annuelles de l’Insee d’emplois et de durée du travail sur la période 1950-2019, on obtient une élasticité de l’emploi par rapport à la durée moyenne du travail de -1,38. Baisser la durée annuelle moyenne du travail de 10 % permet d’augmenter l’emploi sur un an de 13,8 % ......n'en déplaise aux fervents défenseurs du « travailler plus pour produire plus » !

Sur le plan écologique, le changement de perspective proposé par la Nupes par rapport au  paradigme néolibéral-productiviste climaticide du président réélu se lit autant dans les objectifs que dans les moyens. En matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, le programme de la Nupes se donne l’objectif d’une diminution de 65 % contre 40 % actuellement. Et ce sont au moins un million d’emplois qui devront être créés grâce à l’investissement dans la bifurcation écologique et sociale. Le pôle public bancaire que la Nupes envisage de créer par la nationalisation de certaines banques généralistes jouera en rôle déterminant en la matière, en mobilisant les crédits en faveur de la transition écologique et en permettant à la Banque publique d’investissement de se financer à taux zéro auprès de la Banque centrale européenne. La Nupes propose également d’inscrire dans la Constitution une « règle verte », qui imposera de « ne pas prendre plus à la nature que ce qu’elle peut reconstituer ». Elle envisage aussi la création d’un Conseil à la planification écologique qui supervisera, organisera et mettra en œuvre le plan, en associant également les banques et les entreprises. Ce plan sera élaboré avec les citoyens, les syndicats, les associations, les collectivités et les branches professionnelles, en s’appuyant sur des instances permanentes pour évaluer les besoins locaux en matière d’emplois, de formation et d’investissements. Afin d’œuvrer à la fois pour la réindustrialisation et la transition écologique, c’est un plan massif de 200 milliards d’euros sur cinq ans qui est également prévu « pour investir, développer l’emploi et la formation, et rétablir des pôles publics dans l’énergie, les transports et la santé, gérés démocratiquement ». Citons également quelques autres mesures importantes et symboliques de la rupture avec le logiciel Macron : la garantie de la gratuité des premières quantités d’énergie indispensables à une vie digne ; l’encadrement des prix agricoles par des prix maximaux établis par un coefficient multiplicateur à partir des coûts de production et la limitation des marges de la grande distribution ; la garantie en permanence de l’accès à cinq fruits et légumes de saison à prix bloqués et la réduction de la TVA sur les produits bio ; la fin des subventions publiques aux énergies fossiles ; l’annulation des cadeaux fiscaux accordés sans contrepartie aux plus grandes entreprises ces dix dernières années ; l’interdiction du glyphosate et des néonicotinoïdes, de l’obsolescence programmée, des publicités pour les produits ou services les plus émetteurs de gaz à effet de serre, des pratiques d’élevage considérées comme les plus cruelles, etc. 

Les ambitions du programmes de la Nupes ne sont seulement sociales et écologiques, mais aussi institutionnelles dans une volonté de répondre également à la crise de la Cinquième République marquée, entre autres, par une hyper-présidentialisation de notre régime politique, la montée de l’abstention, le manque d’indépendance entre les quatre pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire et médiatique), la constitution d‘une caste d‘élus ne représentant pas les intérêts du peuple et son impunité dans les affaires de corruption. Le cinquième chapitre du programme de la Nupes propose alors un ensemble de mesures fortes qui redonnent du pouvoir au peuple. Le premier volet concerne l’intervention citoyenne et propose, entre autres, l’instauration du référendum d’initiative citoyenne ou encore, au titre de la démocratisation du suffrage, le droit de vote à 16 ans, la reconnaissance du vote blanc, l‘institution du droit de vote des résidents étrangers aux élections locales, etc. On retiendra également, entre autres, qu’une loi d’amnistie sera adoptée pour revenir sur les peines infligées à des citoyens, syndicalistes, militants écologistes, politiques, associatifs et Gilets jaunes qui ont exercé leur droit de manifester ; ou encore qu’il sera imposé la parité au sein du Gouvernement, du Parlement et des binômes des collectivités. Le deuxième volet envisage le passage à une Sixième République pour instituer un régime parlementaire, fondée sur une nouvelle constitution, proposée par une Assemblée constituante et adoptée par référendum. Ce passage à une nouvelle République sera accompagné d’un certain nombre de mesures importantes allant dans le sens d’une « reparlementarisation » de nos institutions comme, entre autres, l’instauration du mode de scrutin proportionnel pour l’Assemblée nationale, la révision du calendrier électoral en vue de dissocier les élections législatives de l’élection présidentielle, ou encore l’abolition des votes bloqués et de l’article 49-3 permettant l’adoption d’une loi sans vote. 

Beaucoup d’autres propositions, répondant vraiment à l’indispensable renouveau démocratique dont la société française a tant besoin, fourmillent dans ce programme. Citons-en encore quelques-unes, hautement symboliques d’une volonté de rupture avec les pratiques d’un « État-délinquant » qui pourrissent la démocratie et dont la Ve République a toujours été friande : le combat contre l’influence des lobbys dans le débat parlementaire ; la mise en place de peines d’inéligibilité pour toute personne condamnée pour corruption ; le durcissement des règles contre les conflits d’intérêts ; l’interdiction du pantouflage ; la fin du recours à la sous-traitance auprès des cabinets de conseils privés pour la conception et l’évaluation des politiques publiques, etc. Sans oublier, au registre du volet de la démocratisation des médias proposé dans ce chapitre du programme de la Nupes, l’adoption d’une loi anti-concentration dans les médias. Rappelons à ce titre, que les médias ont une responsabilité directe dans le processus de dévitalisation démocratique en cours, en n’étant la propriété que de quelques milliardaires - en France, 90 % des médias sont possédés par neuf milliardaires ! Ce faisant, par leur travail de mal-information et désinformation, les médias dominants ont pour mission première de faire élire celles et ceux qui s’engagent auprès de l’oligarchie bourgeoise à lui servir de laquais pour défendre ses intérêts avant l’intérêt général, et ce, cyniquement sous couvert de l’intérêt général. Les « journalistes » y sévissant, ainsi que leurs invités préférés, les économistes de l’orthodoxie néolibérale, ne sont alors que des chiens de garde de cette démocratie de dupes, qui n‘est rien d’autre qu‘une tyrannie présidentielle de la minorité bourgeoise. Guère étonnant donc, qu’en ce moment, ces médias se font largement l’écho de la grossière propagande anti-Nupes des économistes mainstream (4). La démocratie, la vraie, celle du pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple, reste donc à construire, et pour ce faire, on mesure tout l’enjeu de l’existence de médias libres et indépendants et donc de la mise en place d’une loi anti-concentration dans les médias. Espérons, en cas de victoire de la Nupes, que l’exigence des contraintes qu’une telle loi est censée imposer soit à la hauteur des enjeux sociaux, écologiques et démocratiques d‘aujourd’hui !  

Rompre avec quarante ans de politiques publiques de régression sociale, sortir au plus vite du modèle libéral-productiviste climaticide, refonder un pacte social autour d’un partage plus équitable des richesses porteur de progrès social et salvateur écologiquement, et retrouver le chemin de l’émancipation démocratique pour construire une démocratie digne de ce nom, c’est donc à portée de main pour les Françaises et les Français en élisant les 12 et 19 juin  prochains le maximum de députés de la Nupes.
 Aux urnes, Citoyens !


 --------------------------------------------    

(1) Le programme de la Nupes, c’est Ici.

(2) Sur le sinistre bilan de l’électrochoc anti-social Macron I, on pourra lire « Le quinquennat de la violence de l'injustice sociale », Yves Besançon, blog Mediapart, mars 2022. C’est Ici.

(3) Lire à ce sujet « Plaidoyer pour la semaine des 32 heures », Yves Besançon,  blog Mediapart, novembre 2012. C’est Ici.

(4) Lire à ce sujet « Face à la gauche, les économistes en gardiens du temple », Romaric Godin, Mediapart, mai 2022. C’est Ici.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.