Retraites: équilibre financier jusqu’en 2070!
- 10 oct. 2018
- Par YVES FAUCOUP
- Blog : Social en question
Nos "experts", économistes et journalistes, déroulant la vulgate "libérale", ne cessent depuis des années d'affirmer que le système des retraites risque de s'écrouler si rien n'est fait : réduction du montant des pensions, report de l'âge de départ, durée de cotisation. On ne compte plus les articles du Figaro tendant à le démontrer, ou les tirades sur les plateaux de télé des Yves Thréard, Marc Fiorentino, Yves Calvi, Christophe Barbier, Philippe Dessertine, Agnès Verdier-Molinié et consorts qui nous bassinent avec leurs affirmations péremptoires. Efficaces, puisque beaucoup des moins de 45 ans pensent qu'ils n'auront pas de retraite.
![9 octobre [Ph. YF] 9 octobre [Ph. YF]](https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/2018/10/10/img-8631.jpg?width=2462&height=1725&width_format=pixel&height_format=pixel)
Donc tous les moyens sont bons : ressasser jusqu'à plus soif que jadis on avait 4 cotisants pour un retraité, et aujourd'hui 1,5 cotisant pour un retraité. C'est vrai, sauf que cela prend en compte le baby-boom d'après guerre, qui va bientôt se tarir (ce qui ne me réjouit pas, ceci dit en passant). Et pour y faire face, on aurait pu trouver d'autres solutions que de contraindre des salariés qui aspiraient, comptaient depuis longtemps sur un départ à 60 ans, de devoir se coltiner deux ans de plus. Soit par une augmentation des cotisations salariales et patronales ou, de préférence, en alimentant les caisses sociales avec les ponts d'or accordés aux plus riches, comme Nicolas Sarkozy l'a fait avec le bouclier fiscal et l'ISF, François Hollande avec le CICE et maintenant Emmanuel Macron avec la suppression de l'ISF et les faveurs accordées aux plus favorisés.
Sa réforme annonce sa couleur avec ce ballon-sonde d'une retraite à taux plein seulement à 63 ans, avec départ possible à 62 ans mais avec décote. Alors même qu'il avait affirmé qu'il ne toucherait pas à l'âge de départ. Puis, surtout, avec ce système à point, qui individualise le droit à pension et annonce une évolution vers un système par capitalisation (alors que, là encore, M. Macron avait juré qu'il n'irait pas vers un tel système à l'américaine, contraire à notre notion de la Solidarité). Certains des "experts" cités plus haut ne cachent pas, avec un petit sourire ironique, que tel est bien le projet du pouvoir en place. Un euro cotisé donnant droit à la même retraite pour tous c'est une conception qui, à terme, conduira à ne plus fixer de date de départ, chacun ayant toujours intérêt à travailler plus longtemps pour gagner plus, du fait même que le pouvoir aura toute latitude pour fixer la valeur du point et inciter ainsi à des départs tardifs.

Cette information a été peu commentée, pourtant elle est de taille. Alexandra Bensaïd, arrivée sur France 2 en remplacement de François Lenglet, l'a pourtant glissé dans un "papier" prononcé à l'antenne au cours du journal de 20h hier soir. Compte tenu de la qualité de ses émissions sur France Inter le samedi matin (On n'arrête pas l'éco), on pouvait s'attendre à ce qu'elle ne cause pas comme Lenglet qui, sans formation en économie, se croyait l'Angle Éco à lui tout seul. Elle a expliqué : "Le système ne va pas déraper grâce aux réformes difficiles faites depuis 1993. C'est ce que nous dit le Conseil d'orientation des retraites. Il assure qu'il n'y a aucune urgence financière dans tous les scénarios et ce jusqu'en 2070. Ainsi changer toute la tuyauterie du système de retraites aujourd'hui peut paraître superflu". Puis elle a indiqué l'"avantage, à la fois financier et politique, à réaliser cette réforme" pour le gouvernement. Concluant : "Les syndicats ont donc raison de vouloir débattre de la réforme".
Il n'est pas sûr que tous les téléspectateurs aient mesuré l'impact de ces propos, mais on peut facilement imaginer que l'oligarchie et ceux qui assurent sa propagande se sont étranglés. Et ce, le jour où les syndicats appelaient à défiler dans les rues pour dénoncer la portée des réformes annoncées.
![[Photo panoramique YF] [Photo panoramique YF]](https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/2018/10/10/img-8605-1.jpg?width=9108&height=3746&width_format=pixel&height_format=pixel)
. rapport du COR, juin 2018 : Évolutions et perspectives des retraites en France (voir pages 56 et 57)
Entourloupes
Le gouvernement a une propension aux entourloupes : il dit ne pas vouloir modifier l’âge de départ en retraite (62 ans) mais envisagerait de ne permettre le taux plein qu’à 63 ans. Il dit vouloir augmenter la prime d’activité de 20€ mais en modifie le calcul (modification du taux de cumul avec les revenus d'activité passant de 62 à 61 %), ce qui, pour certains bénéficiaires, réduira le nouvel avantage à 7€. Déjà l’augmentation de l’AAH (bonne mesure) s’accompagnait d’une modification de deux compléments de ressources qui lui étaient adjoints et qui seront réduits et, pour les couples, d’une baisse du plafond de ressources qui réduit de fait l’augmentation annoncée. Nouveau petit jeu : derrière toute annonce, cherchez l’entourloupe.
[10 octobre]
"Fit to work"
Dans ce média britannique en ligne (Inews), un article publié le 5 octobre, explique qu’en Grande-Bretagne, un homme de 56 ans, atteint d’un cancer ayant entraîné une ablation du nez, en arrêt maladie depuis deux ans, s’est vu suspendre ses prestations d’invalidité parce qu’un évaluateur a estimé qu’il était apte à reprendre le travail. Il est mort peu après d’un coma diabétique et d’une crise cardiaque, il n’avait plus que 8 livres sur son compte bancaire, car son Personal Independence Payment de 550 £ (sorte de revenu minimum) n’était plus versé. Version actualisée de "Moi Daniel Blake" de Ken Loach. Quand on pense que certains, chez nous, s’ingénient à montrer la Grande-Bretagne en exemple : en réduisant les droits sociaux, elle permettrait, nous disent-ils, de faire reculer le chômage !
. l'article en anglais : ici.
[7 octobre]
"La malédiction de la finance"
Cela fait tout de même plusieurs années que certains dénoncent les ravages commis par la Finance. Quand en 2012, François Hollande annonce que son ennemi est la Finance, qui n’a pas de visage (eh si, ce sont bien des êtres humains qui tirent les ficelles), on pouvait s’attendre qu’il lui savonne la planche plutôt que lui dérouler le tapis rouge. La propagande dite « libérale » s’est employée à expliquer que les taux sur les marchés allaient augmenter (on nous bassinait, entre autres, avec les agences de notation) et que pour l’éviter, il ne s’agissait pas de réguler cette Finance (qui était la cause des drames consécutifs à la crise des subprimes), mais de se plier à son diktat. Ainsi la dette était (est toujours) agitée pour affoler le petit peuple et l’inciter à accepter de se serrer la ceinture : blocage des salaires, coupes claires dans les aides sociales puis les prestations sociales, baisse des pensions de retraite. On le sait : cette propagande a plutôt bien marché puisque, entre autres, les moins de 45 ans sont persuadés qu’ils n’auront pas de retraite. Escroquerie qui a été copieusement relayée par les « experts » dans les médias.
Ce week-end, Le Monde publie un article qui met en évidence la « malédiction de la finance » : une étude montre que la Grande-Bretagne a perdu, à cause de divers mécanismes induits par la Finance, l’équivalent de deux ans de PIB (4500 milliards de livres) en 20 ans, les USA 23 000 milliards de dollars (un an de PIB en 25 ans). Et c’est un « libéral » qui le démontre : trop de finance étouffe la croissance. Mais il est à peu près certain que les « experts » continueront à déverser leurs inepties. Pire : ils n’auront jamais à rendre de comptes, on oubliera leurs balivernes et ils agiteront d’autres épouvantails. Toujours dans le même but : conforter les inégalités.
. La "malédiction de la finance"
[7 octobre]
Fraude fiscale au tribunal
La banque suisse UBS est en procès à partir d’aujourd’hui. Un banquier suisse, qui jouissait des avantages de sa corporation (vie mondaine, voitures et prostituées de luxe, comme il l’a raconté dans Le banquier de Lucifer) a pris le risque de révéler en 2007 aux autorités américaines les méthodes de chasseurs de fortune : dans les salons automobiles, tournois de tennis, et ventes de chevaux, les agents d’UBS contactaient les grandes fortunes (stars d’Hollywood, agents immobiliers et hommes politiques) pour qu’ils évadent leur fric vers la Suisse.
En France, un responsable d’un audit interne, découvrant la manœuvre, a été licencié pour l’avoir révélée : il attend d’être réhabilité par ce procès. Les Américains ont obtenu de la Suisse qu’elle lève enfin le secret bancaire, mais UBS refuse toujours de le lever pour 38000 Français ayant toujours un compte en Suisse (dans cette seule banque). Cette seule fraude s’élèverait à 10 milliards d’euros ayant échappé au fisc. Dans un prochain post, je donnerai le lien avec un article accessible dans lequel un journaliste spécialiste évalue à 700 milliards d’euros le total de l’évasion de capitaux qui a échappé à l’impôt en 10 ans. Il s'agit de sommes considérables qui, si elles étaient réinjectées dans l'économie du pays, changeraient totalement la donne sur la questions du chômage et de notre système social constamment menacé par ceux-là même qui couvrent ces crimes contre la solidarité.
. cliquer sur le sujet de Sarah Ghibaudo, France Inter : « Évasion fiscale : il manque 10 Milliards d’euros », durée 1 mn.
[8 octobre]
700 milliards en 10 ans !

. article de blog d'Antoine Peillon, accessible également aux non-abonnés (voir les liens qu’il donne avec ses autres textes sur le sujet) : 700 milliards qui manquent à la France
[8 octobre]
. Certaines de ces chroniques sont parues sur mon compte Facebook aux dates indiquées entre crochets.
Billet n° 423
Contact : yves.faucoup.mediapart@sfr.fr
Tweeter : @YvesFaucoup
[Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Voir présentation dans le billet n°100. L’ensemble des billets est consultable en cliquant sur le nom du blog, en titre ou ici : Social en question. Par ailleurs, les 200 premiers articles sont recensés, avec sommaires, dans le billet n°200. Le billet n°300 explique l'esprit qui anime la tenue de ce blog, les commentaires qu'il suscite et les règles que je me suis fixées. Enfin, le billet n°400, correspondant aux 10 ans de Mediapart et de mon abonnement, fait le point sur ma démarche d'écriture, en tant que chroniqueur social indépendant, c'est-à-dire en me fondant sur une expérience, des connaissances et en prenant position.]
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