Au risque de surprendre, je suis d'accord avec le FN : il ne sert à rien de chercher à disculper ses électeurs en tentant de les faire passer pour des irresponsables, quelque peu limités. Ce sont effectivement des individus au comportement immoral puisque, sans vergogne, ils donnent pouvoir à des racistes, des xénophobes, des antisémites, des candidats méprisant à l'égard des plus démunis et affichant un programme social manipulateur. Contrairement à ce que des politologues de pacotille affirment, ce ne sont pas les plus pauvres qui votent FN (ils savent le mépris que ce parti éprouve à leur égard). Ce sont des bourgeois, des classes moyennes, ou des petites classes moyennes redoutant justement de tomber dans l'assistance (d'où cette haine, folle, contre les "assistés"). On a insulté les ouvriers en prétendant que ce sont eux qui avaient basculé au FN : or 60 % d'entre eux n'auraient pas voté. La droite (les Bertrand, Estrosi et autres Reynié) nous avaient expliqué en long et en large que c'était les électeurs de gauche : pourquoi alors les têtes de liste de droite se réjouissent du désistement des candidats de gauche arrivés 3ème ? Pourquoi Philippot exulte de voir Masseret se maintenir ? Et pourquoi Dominique Reynié, LR, ne se désiste pas en LanRouMiPy ? Parce que l'on sait bien que, s'il le faisait, une partie de ses voix iraient au FN. Grosso modo, on est bien dans un vote FN qui siphonne les voix de la droite. Et des électeurs de gauche qui s'abstiennent massivement : c'est bien là le drame.
N.B. : il est certain que le FN joue aussi avec la "concurrence" des plus pauvres. C'est un classique de l'extrême-droite. Dans le texte ci-dessus, je pense entre autres aux travaux de Nonna Mayer (voir mon billet sur le sujet). Après avoir écrit ce petit texte sur Facebook le 10 décembre, je lis aujourd'hui ceci dans Le Monde de la part de Laurent Davezies, spécialiste des inégalités territoriales : "Ce ne sont pas les pauvres mais les classes moyennes qui se mobilisent pour le FN. Des habitants en situation de fragilité économique, notamment très sensibles à la hausse du prix du carburant ou du chauffage". "Ils ont adopté un mode de vie à l'américaine, avec une maison et deux voitures, et prennent de plein fouet la crise de l'industrie et du BTP. Ce sont les régions du désarroi, pas des territoires de RSA. Ce sont des "petits-moyens blancs", ceux que certains intellectuels parisiens appelleraient des "beaufs" (qui polluent et votent mal)".
Vivre ensemble

Agrandissement : Illustration 1

On le sait : les terroristes votent FN. Leur objectif clairement annoncé (dans des écrits) est de provoquer un guerre civile en France : les attentats de janvier et de novembre y contribuent (ils ont conforté le FN aux départementales et aux régionales). Si le FN accède au pouvoir, il est évident que des tensions extrêmes seront attisées, par les pratiques racistes de ce parti et par la crainte qu'il imposera aux citoyens d'origine étrangère. Des écrivains (Houellebecq), des journalistes (parfois par pure inconscience) ont soufflé sur les braises. Hier soir, France 2 avec "Envoyé spécial" insistait lourdement sur ces "mécanos de la crise", Noirs et Arabes réparant des voitures dans des garages clandestins ou, parfois, directement dans les rues, les transformant en vrai dépotoir. Bien sûr, pour qu'ils ne soient pas reconnus, on les floute juste un petit peu pour qu'on repère bien, quand même, qu'ils sont basanés. A l'instar de ces reportages des chaînes D8 ou W9 passant en boucle des policiers luttant contre la délinquance (floutage hypocrite). Document suivant d'"Envoyé spécial" : l'intégrisme de l'Arabie saoudite. Comme on apprend en même temps qu'il y a menace terroriste en Suisse, qu'on a retrouvé le troisième tireur du Bataclan, l'ambiance est parfaite pour apporter quelques voix supplémentaires au FN. Et voilà que le même jour, Le Monde publie un article sur la guerre mortifère que se livrent à Marseille les "Blacks" et les "Gitans". N'en jetez plus ! Je ne récuse pas les infos réelles même si elles desservent les valeurs du Vivre ensemble, mais pourquoi les médias ne consacrent pas plus de temps à tous ceux, musulmans ou d'origine musulmane, qui agissent dans les quartiers, qui sont chefs d'entreprise, fonctionnaires, ingénieurs, médecins, enseignants, travailleurs sociaux, journalistes, ouvriers, employés, chômeurs, militants associatifs, syndicalistes. Ils se battent au quotidien justement pour le Vivre ensemble, et sont tellement plus nombreux que ceux qui veulent le détruire ou, en tous cas, ne l'améliorent pas, et qui seuls ont droit aux "honneurs" de la presse.

Agrandissement : Illustration 2

Auch : non au Front de Haine
Mercredi 9 décembre, à Auch, des citoyens nombreux, à l'appel du Comité gersois anti-fasciste, ont une nouvelle fois dit non au FN qui réunissait quelques uns de ses membres dans une salle publique. Les cris contre la haine que professe ce parti xénophobe, raciste, antisémite et antisocial, ainsi que les sifflets tonitruants et les tambours déchaînés ont compliqué grandement la tâche des lepénistes. Au même moment, d'autres nombreux Gersois (180) étaient rassemblés à l'appel d'un collectif de 23 organisations (dont Attac, la LDH, les Francas, la Ligue de l'Enseignement, PS, le PC, le PRG, le MRC, le POI, la Libre Pensée…) et assistaient à un spectacle théâtral intitulé Laïcité mon amour, créé par Laetitia Brécy et Pierre Léoutre (très beau texte, drôle, percutant, et magnifiquement interprété).
Allons, ne perdons pas espoir, les frères siamois (les barbares et les racistes) n'ont pas encore gagné.

Agrandissement : Illustration 3

Additif le 12 décembre :
Macro-trottoirs
Parce que Guindrecourt-sur-Blaise, village de Haute-Marne, a voté comme un seul homme, si l'on peut dire, Front National (18 sur 21 votants), alors les télés se sont précipitées pour découvrir des habitants qui "redoutent de tomber dans la pauvreté" (France 24). Le maire, ouvrier de fonderie, déclare : "Je bosse à l’usine, et je gagne à peine plus que le smic, quand certains se contentent de profiter des allocations qu’on leur offre", enchaîne-t-il. "Quand on entend à la télé ce qui se passe, c’est hallucinant. À croire que l'on ne s'occupe que des chômeurs, pas des plus méritants". Et sa femme d'ajouter : "Ici, on n'aime pas les gens qui ne travaillent pas, c'est tout. On n'aime pas les gens qui, avec leurs aides, achètent des écrans plats et n'éduquent pas correctement leurs enfants".
De son côté, L'œil du 20 heures, de France 2 (8 décembre), a déboulé pour enregistrer une femme disant "travailler pour rien", gagner 3000 € par mois, à deux, avec son mari, et payer "1000 euros d'impôts". La phrase est formulée de telle sorte que l'on peut penser qu'il s'agit de 1000 € par mois. Ce qui, évidemment, est faux. D'autant plus que si l'on retourne sur France 24, on découvre que cette femme, qui n'est autre que la femme du maire (ce que France 2 n'avait pas dit) pose dans sa cuisine… avec ses 4 enfants.

Agrandissement : Illustration 4

C'est ainsi que des électeurs FN viennent hurler dans le poste que, gagnant 36 000 euros annuels, ils sont saigner à blanc en devant verser à l'État 1000 € … pour les assistés ! Bien sûr, la journaliste dépêchée courageusement sur le terrain s'est bien gardée de rectifier.
Florian Philippot, selon le maire de Guindrecourt, serait le seul à être venu dans le village apposer lui-même une affiche. Du coup, on ignore si les autres ne sont pas venus ou si leurs affiches ont déjà été arrachées.
[Billets publiés sur mon compte Facebook cette semaine]
Billet n° 238
Contact : yves.faucoup.mediapart@sfr.fr
Tweeter : @YvesFaucoup
[Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Voir présentation dans billet n°100. L’ensemble des billets est consultable en cliquant sur le nom du blog, en titre ou ici : Social en question. Par ailleurs, tous les articles sont recensés, avec sommaires, dans le billet n°200]