YVES FAUCOUP (avatar)

YVES FAUCOUP

Chroniqueur social

Abonné·e de Mediapart

888 Billets

2 Éditions

Billet de blog 28 septembre 2018

YVES FAUCOUP (avatar)

YVES FAUCOUP

Chroniqueur social

Abonné·e de Mediapart

«I Feel Good»

Ce film humoristique, écrit et réalisé par Benoît Delépine et Gustave Kervern, les auteurs de Groland, se moque délibérément non pas tellement des riches mais de ceux qui aspirent maladivement à le devenir. Les Compagnons d'Emmaüs sont là en contre-point. Rencontre avec Benoît Delépine.

YVES FAUCOUP (avatar)

YVES FAUCOUP

Chroniqueur social

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans cette histoire, ce qui pourrait paraître le plus odieux c'est que Jacques, le futur "riche" (Jean Dujardin), fils de communistes, n'est pas à cent lieues de distance (comme ces spéculateurs et autres profiteurs qui ne voient jamais leurs victimes), mais il est là auprès des "pauvres", qu'il essaye d'escroquer. Sa sœur, Monique (Yolande Moreau), responsable du Centre Emmaüs, est elle-même bien perturbée, bipolaire, et c'est tout à l'honneur du (vrai) directeur-fondateur de Lescar-Pau, Germain Sahry, d'avoir accepté un tournage non seulement sur les lieux mais aussi avec beaucoup de Compagnons, jouant leur propre rôle. On les voit, afférés, sur le site de la Communauté, au milieu d'objets hétéroclites, promis à d'autres destinées. C'est l'occasion pour les réalisateurs de faire connaître Emmaüs : 350 communautés dans 57 pays, à but non lucratif. Les auteurs ironisent sur bien des lieux communs que nous assène Jacques : "on n'aime pas les gens qui réussissent" ou "tout ce qui ne nous tuent pas… ne nous rend pas mort", "nous les winners, vous les loosers". Notre startuper pense pouvoir créer sa société de coaching, il dit alors : "ma société est sur les rails, elle est en marche" (suivez mon regard), ajoutant : "je veux être dans le haut du panier de crabes", "le but du jeu c'est de faire bosser les autres". Les humoristes s'en donnent à cœur joie pour faire de cet individu exubérant la caricature du profiteur : "si t'as pas un peignoir et des mules à 50 ans, t'as pas réussi ta vie". Il veut "changer l'eau en Château-Petrus" et promet de rendre la vue aux aveugles. Il lance ces injonctions : "faut que tu sortes de ta zone de confort" ou "vous devez devenir beau". En face, il a des hommes et des femmes qui ont connu la galère et qui le regardent comme un zombi. Ce qui les fait vivre n'a pas grand-chose à voir avec la compétition, pour s'en sortir, ils n'aspirent pas à écraser les autres. Écran large  a écrit que ce réquisitoire contre le libéralisme était "le premier missile anti-Macron du cinéma français". Le film, humaniste, se termine à Bucarest et oppose ainsi (les mettant dos à dos) le capitalisme méprisant et le communisme (roumain et inhumain).

Benoît Delépine est venu présenter en avant-première son film à Auch (Ciné 32) le 8 septembre : il est impressionné par la beauté des salles. Ce n'est pas la même chose dans toutes les villes où il se rend : "vous avez de la chance".

Il avait reçu la veille un accueil extraordinaire à Lescar (500 personnes enthousiastes) et jubilait, affichant un large sourire communicatif : il répétait "c'est trop beau". Le film a été tourné en cinq semaines dont quatre sur le site d'Emmaüs. Même si les acteurs ne sont pas, pour la plupart, des professionnels, le nombre de prises était limité (parfois une, jamais plus de trois). Le patron dans le film est joué… par un syndicaliste de Continental ! Il rend hommage aux comédiens, Jean Dujardin et Yolande Moreau, qui ont fait un gros travail de composition. Au départ, il était prévu de faire une comédie musicale, mais c'est trop difficile à réaliser, donc ce projet a été abandonné.

"Les Compagnons d'Emmaüs, on a rencontré leur humanité". "Des gens respectables qui sont riches de plein d'expériences". Il précise qu'il ne voulait pas faire du misérabilisme, mais juste montrer "un fêlé du capitalisme". Interrogé sur sa condamnation du capitalisme où il faut à tout prix faire du fric, il répond : "on ne voulait pas faire un truc de gauche, on ne voulait pas non plus faire un film "en même temps", ni de droite ni de gauche". Enfin, il se fait l'écho i de la fraternité qui règne chez Emmaüs et la modernité de ce mouvement : récupération, refus de l'obsolescence programmée, circuits courts. Au détour d'un rire, il lâche : "on est l'Emmaüs du cinéma" !

. I Feel Good est sorti en salle le 26 septembre.

I FEEL GOOD © IRIS Télévision

"Braquage à l'ancienne"

On nous bassine avec les dépenses des pensions de retraite en France, en faisant des allusions sur les autres pays occidentaux moins "laxistes" qui dépenseraient moins. Les USA consacrent 2050 Mds$ (soit 1742 Mds€) à leurs retraites (11,1 % du PIB), soit 5,6 fois la dépense de la France (310 Mds€), pour un nombre d'habitants 4,9 fois supérieur. Donc les Américains dépensent plus en retraite que nous.
Sauf que la dépense aux USA se partage en prestations liées à la répartition (comme chez nous) à hauteur de 5,1 % du PIB et par capitalisation pour 6 % [total 11,1].

Pour le moment, notre système de Sécurité sociale et de complémentaires repose sur la répartition (mais on sent bien les velléités de certains de basculer dans la capitalisation, les requins n'attendent que ça). On se souvient que les USA ont connu des drames, comme à Détroit où la ville a fait faillite suite à la crise des subprimes et des emprunts toxiques, ce qui a entraîné la perte des pensions pour les retraités (ce fut le cas en particulier des pompiers). Il existe des fonds de pensions à portée plus large, mais aussi des entreprises et administrations qui collectent des fonds auprès de leurs salariés et leur reversent, à la retraite, une pension. Si l'entreprise coule, les pensions aussi.

C'est ce qui arrive à trois octogénaires, Willie (Morgan Freeman), Joe et Al, dans le film Braquage à l'ancienne, qui apprennent que leur ancienne boite met la clé sous la porte et voient ainsi leur pension fondre comme neige au soleil : ils décident alors de braquer la banque, cause de leur misère. A la fois drôle et illustration d'un fait économique et social d'Outre-Atlantique.

. film réalisé par Zach Braff, 2017.

Braquage à l'Ancienne - Bande Annonce Officielle (VF) - Morgan Freeman / Michael Caine / Alan Arkin © Warner Bros. France

Billet n° 421

Contact : yves.faucoup.mediapart@sfr.fr

Lien avec ma page Facebook

Tweeter : @YvesFaucoup

   [Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Voir présentation dans le billet n°100. L’ensemble des billets est consultable en cliquant sur le nom du blog, en titre ou ici : Social en question. Par ailleurs, les 200 premiers articles sont recensés, avec sommaires, dans le billet n°200. Le billet n°300 explique l'esprit qui anime la tenue de ce blog, les commentaires qu'il suscite et les règles que je me suis fixées. Enfin, le billet n°400, correspondant aux 10 ans de Mediapart et de mon abonnement, fait le point sur ma démarche d'écriture, en tant que chroniqueur social indépendant, c'est-à-dire en me fondant sur une expérience, des connaissances et en prenant position.]

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.