Yves GUILLERAULT (avatar)

Yves GUILLERAULT

Paysan et journaliste, tous les deux en retraite active

Abonné·e de Mediapart

169 Billets

2 Éditions

Billet de blog 16 juin 2024

Yves GUILLERAULT (avatar)

Yves GUILLERAULT

Paysan et journaliste, tous les deux en retraite active

Abonné·e de Mediapart

La gauche ne peut se battre avec les armes de la domination

Un front brun-noir d’une violence inouïe envahit notre horizon et l’urgence est d’organiser une résistance massive, populaire, libertaire, face au danger d’une tempête inhumaniste. Le rassemblement de la gauche est une réaction de survie fragile, mais salutaire. Elle risque cependant d’être dérisoire si cette coalition de gauche se bat avec les armes du capitalisme dominant et du patriarcat.

Yves GUILLERAULT (avatar)

Yves GUILLERAULT

Paysan et journaliste, tous les deux en retraite active

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Si l’histoire ne se répète pas, les forces de domination aiment la faire bégayer pour conserver à tout prix un modèle qui leur profite. Les fondateurs du Front national étaient des nostalgiques d’un de ses épisodes les plus sombres, de l’hitlérisme, de Mein kempf, des uniformes et des méthodes de la SS, de la milice pétainiste, d’une dictature raciste, eugénique, auteure d’un des plus effroyable crime contre l’humanité. Leurs héritiers directs et contemporains du Rassemblement national n’ont jamais renié ces fondations idéologiques sous leurs costumes de respectabilité trop étriqués pour dissimuler leur idéologie mortifère. Comme leurs « pères », Bardella et la lignée Le Pen rêvent de mettre la main sur le pouvoir qui, sans nul doute sera brutal, oppressif, raciste, sans partage, inégalitaire, avec l’aide d’une bande de nervis nostalgiques d’un masculinisme toxique et violent, de collabos serviles, de propagandistes branchés particulièrement efficaces.

La réaction de rassemblement des pièces fracturées et éparpillées de la gauche, dans un geste de secours d’urgence, dont on ne sait s’il permettra d’arrêter la vague scélérate de la peste brune, permet toutefois d’avaler quelques goulées d’air et de ne pas sombrer dans un coma irréversible. Mais ce n’est pas parce que l’ambulance est là que le blessé est sauvé. La colle n’est pas encore sèche que l’ensemble est déjà maltraité par des batailles d’égos et fragilisé par des sujets glissés sous le tapis pour extraire le plus petit dénominateur commun.

Chez LFI, la marche forcée des investitures à se partager, décidées en haut lieu, laisse déjà sur le bord de la route ceux·elles estimés « indignes » de porter le drapeau LFI, virés sans préavis, comme tous les patrons en rêvent. Les absolutions s’accordent selon un pouvoir discrétionnaire. Si Quatennens, ayant payé sa dette et fait pénitence, a logiquement droit à une seconde chance (tout le monde peut évoluer), il semble qu’un condamné pour violences conjugales mérite plus cette absolution que des militants n’ayant pas démérité, mais qui portent une voix quelque peu différente de la ligne et réclament plus de démocratie interne. On peut être Insoumis au capitalisme et au macronisme, mais on ne peut l’être au discours dominant d’un patron qui réplique : « Les investitures à vie, ça n’existe pas ». On ne peut qu’être d’accord avec lui, en lui faisant peut-être remarquer que c’est aussi valable pour le poste de chef de parti, surtout lorsque la démocratie interne est défaillante. On retrouve ici tous les ingrédients (inconvénients) du système pyramidal des partis au service d’un·e chef·fe. Çà hurle logiquement à la « purge » du côté des virés, tandis que les partisans irréductibles du général JLM restent persuadés que seul l’homme fort mènera ses troupes à la victoire.

« Je ne veux voir qu’une seule tête ! »

Hors de ce psychodrame inhérent au système représentatif et à un pouvoir dominant reproduit dans la plupart des partis, la gauche reste empêtrée dans un modèle bâtit par la nouvelle bourgeoisie capitaliste et élitiste. Elle aussi aime faire bégayer l’histoire, et le titre de Nouveau Front populaire l’illustre. Les partis de gauche d’hier et d’aujourd’hui ne trouvent leurs justifications idéologiques et programmatiques que dans une adaptation au capitalisme et non dans une refondation de la société, avec un contrat social, non pas fondé sur l’économie, mais sur le bien vivre. Pour preuve, le « pouvoir d’achat » est la colonne vertébrale de cette campagne éclair. Lorsqu’il déclare que « la relance de la consommation (par l’augmentation du pouvoir d’achat) est positive économiquement », Alexis Corbières,1 l’un des virés, se place dans un schéma capitaliste, où le « pouvoir » d’achat n’est que le lien de dépendance à la société de consommation bâtie au service du capitalisme, utile à son élite plus qu’à la population qui restera dans une situation de dépendance et de frustration et subira, plus que les riches, les conséquences du réchauffement climatique et de la dégradation environnementale. Proposer l’augmentation du pouvoir d’achat, ce n’est pas proposer un nouveau modèle de société, de nouveaux liens sociaux, de bien vivre ensemble, de bien-être individuel.

Le pouvoir d’achat n’est que l’illusion d’un pouvoir. C’est juste tenter de réajuster à la marge le partage du gâteau, mais un gâteau qui reste celui du capitalisme et dont les portions resteront irrémédiablement inégalitaires sous le joug des dominants. Les communistes savent que leur survie dépend de la taille de la classe ouvrière, elle-même création du capitalisme et de la division du travail. Ils défendent donc bec et ongles l’industrie et, par voie de conséquence, ses patrons, interlocuteurs privilégiés pour le partage de la richesse créée par la classe ouvrière, mais préemptée par l’élite actionnariale. Cette « richesse », dénommée telle par le capitalisme et la gauche, n’est que le produit de ce capitalisme, en majeure partie issue du pillage des ressources, de l’exploitation de la classe ouvrière et composée en grande patrie d’objets ineptes et inutiles au bonheur des individus. Un sujet mis sous le tapis par le Nouveau front populaire, est celui du programme nucléaire, source d’adhérents pour le parti communiste et la CGT, mais épouvantail pour les écologistes. Qu’adviendra t-il lorsque cette gauche composite, des communistes aux écologistes, gouvernera et qu’elle sera, de plus, confrontée à un Macron nucléariste et au lobby nucléaire ? L’écologie, base incontournable d’une réorganisation sociale dans le cadre des bouleversements climatique et écologique et de pénurie de ressources, n’est pas intégrée de la même façon au sein des quatre partis de la coalition. La sociale-démocratie de Glucksmann et Hollande, particulièrement perméable au capitalisme soft, ne sera t-elle pas tentée de verser dans un macronisme rose ? Les écologistes affaiblis ne fourniront t-ils que le ministre alibi de la « vertitude » d’un gouvernement de gauche ?

Résistance libertaire

Si l’urgence est de faire face au monstrueux péril fasciste, la gauche populaire et sociale ne pourra changer la vie des masses que si elle s’extirpe des système représentatif et capitaliste en proposant, non pas de simples aménagements au modèle actuel, mais un autre modèle social, excluant les références au capitalisme (PIB, croissance, pouvoir d’achat, salariat…), réinventant une démocratie décentralisée, intégrale, en lien direct avec les territoires (bio-régionalisme ?). La gauche doit se réinventer face à l’impossibilité congénitale du modèle capitaliste de domination de lui-même se réinventer, et pour cause, puisque cela signifierait son acte de décès comme c’est le cas pour ses principaux soutiens politiques, que ce soit le macronisme ou la droite républicaine. Sauf qu’avant de trépasser, ils ont fait le lit du néo-fascisme.

Le Nouveau Front populaire est pour l’instant la seule bouée de sauvetage face au péril néofasciste. Si elle n’est pas suffisante, alors la résistance devra s’organiser dans toutes les parcelles de territoire sous la coupe des fachos. Mais si la Gauche réussit à s’emparer du pouvoir et de Matignon, tiendra t-elle sa cohésion de circonstance ? Que pourra t-elle engager si elle reste soumise au modèle représentatif dominant et aux règles de l’élite capitaliste du pays ? Sera t-elle en mesure d’endiguer les violences des nervis d’extrême droite autrement qu’en utilisant un mode répressif, sachant également que l’appareil policier et militaire est infiltré par ces milices ?

La résistance ne trouvera son énergie vitale qu’aux sources populaires et humanistes, elle devra être libertaire et tournée contre toutes les dominations.

A lire également, mon précédent billet : Faillite électoraliste : la liberté de réorganisation sociale s’invente ailleurs

1. https://www.youtube.com/watch?v=5mrBl1gMaeE à 12’40’’.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.